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Emetteurs de titres-restaurants dématérialisés : dispense d’agrément remise en cause ?

La Commission européenne vient de publier fin juillet 2013 son projet de refonte de la Directive sur les services de paiement (la DSP). Dans ce contexte, il n’est pas inintéressant de revenir sur la volonté affichée de la Commission de remettre en cause certaines dispenses d’agrément prévues jusqu’alors dans le domaine des services de paiement et de l’émission de monnaie électronique(1).

On savait que certaines dispenses d’agrément étaient clairement menacées, telle notamment celle des paiements effectués à l’aide d’appareils de télécommunication : la Commission souhaite cantonner ce régime dérogatoire aux micro-paiements, définis comme les paiements ne dépassant pas 50 € lorsque la valeur cumulée des opérations de paiements demeure inférieure à 200 € sur un mois de facturation. On peut toutefois s’interroger sur l’impact du projet de refonte sur l’exclusion relative aux « réseaux limités », c’est-à-dire aux moyens de paiement destinés à l’acquisition de biens ou de services uniquement « dans les locaux de l’émetteur ou au sein d’un réseau limité de prestataires de services […] ou pour acquérir un éventail limité de biens ou de services » (texte issu de la refonte). Pour mémoire, certains réseaux de cartes-cadeaux mais aussi les « titres spéciaux de paiement dématérialisés », une expression qui désigne notamment les fameux titres-restaurants, les CESU, les chèques-vacances ou encore les titres-cadeaux des comités d’entreprises, sont aujourd’hui émis dans le cadre d’une dispense d’agrément, au titre de l’exclusion précitée.

En l’occurrence, dans son projet de refonte de la DSP, la Commission s’inquiète de ce que cette exclusion est « de plus en plus appliquée à de grands réseaux brassant des volumes de paiement élevés et donnant accès à de vastes gammes de produits et de services ».

Si la Commission n’entend évidemment pas supprimer la dispense d’agrément dont bénéficient les moyens de paiement qui se limitent à « atteindre les objectifs fixés dans la législation sociale », c’est uniquement dans la mesure où l’utilisation desdits moyens reste étroitement cantonnée à la fois au regard de la gamme de produits et services pouvant être acquis par leur truchement et au regard de la liste des prestataires pouvant les accepter. En effet, dans l’esprit de la Commission, l’exemption d’agrément de certains moyens de paiement représente un handicap concurrentiel anormal pour les acteurs réglementés du marché(2).

Si la dispense d’agrément dont bénéficient nos titres-restaurants et autres CESU nationaux ne devrait pas être impactée par la future DSP, toutefois il importera que le décret attendu en fin d’année, qui doit préciser les règles applicables à ces titres spéciaux de paiement dématérialisés, ne transforme pas ces derniers en des moyens de paiement utilisables en toute circonstance et au-delà des seules missions sociales pour lesquels ils sont créés. Par exemple, admettre qu’un titre-restaurant dématérialisé puisse être utilisé pour acheter des cigarettes irait clairement contre l’objectif affiché de la Commission et la limitation acceptable du régime européen de dispense d’agrément.

En dernier ressort, c’est l’Autorité de supervision nationale qui devrait être juge de la pertinence du régime d’exemption choisi par l’acteur économique. En effet, dans son projet de refonte de la DSP, la Commission européenne reprend à son compte le processus de vérification mis en place par le législateur français, en matière d’exemption de la monnaie électronique au détour de la loi de transposition de la DME2 (régime déclaratoire devant la Banque de France ou l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, selon le moyen de paiement considéré).

Afin d’éviter la fragmentation du marché européen par des interprétations divergentes dans l’Union européenne, ce qui adviendrait si un Etat soumettait à agrément certains moyens de paiement là où un autre Etat prévoirait une dispense d’agrément(3), le législateur européen serait bien avisé de confier au superviseur européen (l’Autorité bancaire européenne) la charge de publier des lignes directrices sur les dispenses d’agrément.

En attendant ces changements et dans le contexte de la récente transposition française de la DME2, les entreprises souhaitant offrir à leurs clients des moyens de paiement modernes tout en bénéficiant du régime de la dispense d’agrément veilleront à bien qualifier les moyens de paiement dont elles envisagent le déploiement afin d’en déduire les règles applicables et les éventuelles diligences préalables à leur mise en œuvre.

Notes

1. En effet, compte tenu de la grande imbrication de la 2ème Directive sur la monnaie électronique (la DME2) avec la DSP, la modification de la DSP impactera les règles gouvernant la monnaie électronique.

2. La direction législative de la Commission semble avoir été influencée par le fameux concept de « level playing field » – le fait de vouloir instaurer l’égalité des conditions de concurrence entre acteurs réglementés/non-réglementés.

3. La crainte a été formulée dans l’étude d’impact ayant précédé le projet de la Commission.

A propos de

Alexandre Marion, avocat spécialisé en droit bancaire et financier, incluant notamment de multiples aspects relatifs aux fonds d’investissement et à la réglementation bancaire et financière.

Analyse juridique parue dans la revue Option Finance du 2 septembre 2013

 

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