Gage des stocks : l’épilogue réglementaire
L’ordonnance n°2016-56 du 29 janvier 2016 relative au gage des stocks (l’« Ordonnance ») renverse la position restrictive de la Cour de cassation quant au régime applicable à ce type de gage1. Dorénavant, les parties auront le choix de recourir au gage des stocks régi par les nouveaux articles L. 527-1 et suivants du Code de commerce ou d’opter pour le régime de droit commun du gage des articles 2333 et suivants du Code civil.
Cette liberté de choix, bien que répondant aux vœux formulés par la doctrine et les établissements de crédit, peut surprendre au regard de l’alignement du régime spécial du Code de commerce sur le droit commun issu du Code civil opéré par ailleurs par l’Ordonnance.
Pour rappel, le rapprochement des deux régimes applicables au gage sur stocks était l’objectif poursuivi par le Gouvernement, habilité par la loi « Macron » du 6 août 2015. Le nouveau régime spécifique, tel qu’il résulte de l’Ordonnance, emprunte donc pour une large part, au moyen de renvois, aux dispositions de droit commun2. Ce gage pourra ainsi être constitué avec ou sans dépossession. Son opposabilité3, et non plus sa validité, résultera d’une inscription sur un registre tenu par le greffe du tribunal compétent ou, s’il est consenti avec dépossession, de la dépossession qui en sera faite entre les mains du créancier gagiste ou d’un tiers convenu. La rédaction retenue par l’Ordonnance suggère que cette dépossession sera complétée par une information des tiers, dont le contenu pourrait être précisé par un décret d’application à venir.
L’Ordonnance procède à un autre alignement très attendu avec l’admission du pacte commissoire4, soit la possibilité pour le créancier gagiste de se faire attribuer la propriété des stocks gagés en cas de défaut d’exécution par le constituant des obligations garanties par le gage. Le désaveu est complet à l’endroit des juges de cassation qui avaient motivé leur position restrictive, s’agissant du choix du régime applicable à un gage des stocks, par la prohibition du pacte commissoire dans le régime spécial5.
Par ailleurs, plusieurs particularités du gage des stocks du Code de commerce subsistent mais elles sont assouplies par l’Ordonnance. Ainsi, l’acte constitutif devra toujours comporter certaines mentions obligatoires à peine de nullité du gage ; leur nombre est en revanche restreint. La faculté de substitution des stocks gagés est également clarifiée. L’Ordonnance révise enfin le régime de la clause d’arrosage, qui permet au créancier gagiste d’exiger un remboursement partiel ou total de sa créance au gré des variations de valeur des stocks gagés, en introduisant deux seuils (au lieu d’un seul)6.
Les contours du nouveau régime du gage des stocks du Code de commerce soulèvent la question de l’opportunité même du maintien de ce régime spécial, dès lors que ce dernier ne se distingue plus de celui de droit commun que par quelques spécificités marginales. Le louable effort d’harmonisation du Gouvernement, s’il n’a pas expressément abouti à la suppression d’un régime qui n’a de spécial que le nom, nous semble de nature à réduire les hypothèses de recours au régime des articles L. 527-1 et suivants du Code de commerce. En effet, en dépit de l’attractivité renforcée du gage des stocks du Code de commerce, le gage de droit commun demeure, à plusieurs égards, plus souple : il devrait, dès lors qu’une faculté de choix est désormais clairement posée par l’Ordonnance, obtenir la faveur des praticiens.
Notes
1 Voir Ass. Plén. 7 décembre 2015, n°14-18.435, confirmant une jurisprudence de 2013 : voir notre article « Le gage des stocks : l’éphémère épilogue ?« , Option Finance, 4 janvier 2016.
2 Article L. 527-1 alinéa 2 du Code de commerce.
3 Article L. 527-4 du Code de commerce.
4 Article L. 527-1 alinéa 3 du Code de commerce, opérant un renvoi aux articles 2346 à 2348 du Code civil.
5 Voir la note explicative relative à l’arrêt du 7 décembre 2015 publiée par la Cour de cassation.
6 Article L. 527-6 du Code de commerce.
Auteurs
Benjamin Guilleminot, avocat, Financements Structurés
Sadri Desenne-Djoudi, avocat en droit bancaire