Consommations de data à l’étranger : attention aux factures !
Les utilisateurs de téléphonie mobile ne s’étonnent pas de pouvoir continuer à utiliser leur appareil mobile lors de leurs voyages à l’étranger, pour de la consommation voix ou data. Cette continuité de couverture à l’international est garantie par la conclusion d’accords entre les opérateurs mobiles qui viennent définir les conditions juridiques, commerciales, financières et techniques de cette itinérance.
Historiquement, les frais d’itinérance internationale (ou encore de « roaming international » selon un anglicisme consacré) étaient très élevés. Dans un jugement du 9 juillet 2015, le tribunal de grande instance d’Angoulême indique que malgré le défaut d’information donnée par l’opérateur de télécommunications sur ses tarifs à l’étranger, l’abonné aurait dû faire preuve de vigilance quant à l’utilisation qu’il faisait d’Internet lors de ses voyages dès réception du SMS qui l’informait d’une facturation élevée (TGI d’Angoulême, 1re civ., 9 juillet 2015, Orange France / Marc-André A.).
En effet, l’article L.121-83 du Code de la consommation énonce que tout contrat souscrit par un consommateur avec un fournisseur de service de communications électroniques doit comporter le détail des tarifs pratiqués. L’article L.111-2 du Code de la consommation ajoute que tout professionnel prestataire de services doit, avant la conclusion du contrat, mettre le consommateur en mesure de connaître les caractéristiques essentielles du service.
Or, en l’espèce, l’opérateur de télécommunications Orange avait seulement communiqué à son abonné les conditions tarifaires en vigueur lors de la conclusion du contrat d’abonnement, c’est-à-dire au 24 novembre 2005. Le courrier remis à l’abonné au moment de la souscription du contrat renvoyait à la fiche tarifaire remise à la signature du contrat, laquelle précisait que, à tout moment le client pouvait obtenir la fiche tarifaire en vigueur en se rendant dans le point de vente le plus proche, en appelant le service clients ou encore sur le site Internet d’Orange. Le contrat avait été modifié par un avenant du 5 janvier 2011 qui renvoyait simplement aux conditions spécifiques du forfait, et mentionnait que les autres conditions demeuraient inchangées. En considération de ces éléments, le Tribunal de grande instance a jugé que les informations communiquées par l’opérateur ne satisfaisaient pas à l’obligation d’information mise à sa charge par le Code de la consommation. La faute de l’opérateur était donc caractérisée.
Cependant, le Tribunal de grande instance a jugé que malgré ce défaut d’information, le client aurait dû faire preuve de vigilance dès la réception du SMS d’alerte qui lui avait été adressé par Orange le 28 septembre 2012 lors de son voyage à Cuba et qui l’informait que sa facture s’élevait à la somme de 7 800 € : « il peut dès lors être estimé qu’à partir de la réception du minimessage du 28 septembre 2012, Monsieur A. était un consommateur averti qui malgré le défaut d’information de la part de la société Orange aurait dû faire preuve de vigilance lors de l’utilisation des communications WAP/WEB à partir de son propre préjudice en ne cessant pas les connexions au réseau WAP/WEB à partir du moment où il a été averti de l’importance de la facturation« .
Au final, si le Tribunal a accordé au consommateur une indemnisation de 11 148,61 € à titre de dommages et intérêts pour le manquement à l’obligation d’information de l’opérateur, il a dans le même temps reconnu le bien-fondé de la créance de 16 004,72 € de l’opérateur au titre des factures d’abonnements, consommation et résiliation. Après compensation des créances, le consommateur a donc été condamné à verser à l’opérateur la somme de 4 856,11 € majorée des intérêts de retard au taux légal à compter du 16 janvier 2013.
Des factures d’une telle importance ne devraient bientôt être plus qu’un mauvais souvenir pour le voyageur qui parcourra l’Espace économique européen. Depuis 2007, l’Union européenne œuvre en effet à la diminution des frais d’itinérance pour les appels vocaux, les SMS et les données téléchargées via la réglementation de l’ »eurotarif ». Quatre règlements européens successifs sont venus plafonner de façon décroissante les frais d’itinérance qui devront disparaître définitivement au 15 juin 2017 (cf. règlement (UE) n°2015/2120 du 25 novembre 2015). Mais la vigilance restera de mise pour les voyages plus lointains…
Auteur
Aurore-Emmanuelle Rubio, avocat en droit des contrats