Cessions et acquisitions : aperçu de la jurisprudence rendue en 2015
La jurisprudence en matière de cession de droits sociaux a été abondante en 2015. Néanmoins, pour une large part, les décisions rendues confirment des solutions bien établies. Il reste que la récente réforme du droit des contrats intervenue le 10 février 2016 pourrait faire évoluer certaines solutions.
Aussi, les traits saillants de la jurisprudence rendue en 2015 seront-ils examinés à l’aune de cette réforme en s’intéressant successivement à la validité de la cession puis à son efficacité.
La validité de la cession
Sur le terrain du dol, la Cour de cassation, dans un arrêt du 12 mai 2015 (n°14-12.473), a jugé que l’annulation de la cession pour dol est encourue lorsqu’une manœuvre du cédant a provoqué l’erreur du cessionnaire sur la valeur des droits sociaux. Cette solution jurisprudentielle a été reprise par l’ordonnance du 10 février 2016 qui prévoit expressément que l’erreur, même si elle porte sur la valeur, est une cause de nullité dès lors qu’elle a été provoquée par l’autre contractant, se rendant ainsi coupable d’un dol. Il reste que la preuve du dol n’est pas évidente à rapporter. Il importe notamment de démontrer que l’erreur provoquée par le dol a déterminé le consentement de l’autre partie. Comme l’a rappelé un arrêt rendu par la Cour de cassation le 20 janvier 2015 (n°13-24.195), si ce caractère déterminant n’est pas démontré, l’action en annulation de la cession sera rejetée.
Au-delà de la question du dol, c’est plus généralement celle de toute la période préparatoire à une cession qui a été au cœur de l’actualité de l’année 2015. Notamment, par un arrêt rendu le 9 avril 2015 (n°14/20553), la cour d’appel de Paris a rappelé que la rupture subite des pourparlers imposait à son auteur d’indemniser son cocontractant. Cette solution a trouvé écho dans la réforme du 10 février puisque le Code civil prévoira désormais que la bonne foi doit présider à l’ensemble des négociations précontractuelles. La solution jurisprudentielle est donc, ici encore, consacrée par la Loi.
Par ailleurs, la réforme du droit des contrats est venue mettre fin à une solution jurisprudentielle décriée en matière de promesse unilatérale de cession. En effet, dorénavant, la rétractation du promettant pendant le temps laissé au bénéficiaire pour lever l’option sera sans efficacité. La cession forcée pourra donc être prononcée pour toutes les promesses conclues à compter du 1er octobre 2016. On observera, par ailleurs, que les clauses de porte-fort font leur entrée au sein du Code civil. Cette consécration ne remettra toutefois pas en cause la jurisprudence rendue en cette matière.
Enfin, les textes issus de l’ordonnance imposeront aux rédacteurs de contrats une vigilance renforcée, puisque le juge pourra écarter les clauses qui privent de leur substance l’obligation essentielle du débiteur et, dans les contrats d’adhésion, celles qui créent un déséquilibre significatif entre les droits des contractants.
L’efficacité de la cession
La Cour de cassation a tout d’abord clarifié sa position en matière de transmission de garanties de passif. À la suite d’un arrêt de 2012, beaucoup avaient considéré comme acquis le fait qu’une telle garantie était transmissible au sous-acquéreur, au moyen d’une cession de créance, lorsqu’elle profitait à l’acquéreur initial. Par un arrêt rendu le 20 octobre 2015 (n°14-17.896), la Cour de cassation a précisé que cette opération n’était possible qu’à la condition que le garant n’ait pas, expressément ou tacitement (garantie conclue en considération de la personne de l’acquéreur initial), refusé cette transmission. Le juge recherchera donc la commune intention des parties dans l’acte de garantie avant de se prononcer. La Haute juridiction a également rappelé que la présence d’une garantie d’actif ou de passif dans l’acte de cession ne prive pas l’acquéreur du droit de demander l’annulation de la cession pour dol (Cass. com., 3 février 2015, n°13-12.483).
Par ailleurs, s’agissant des clauses de non concurrence, la cour d’appel de Paris a peut-être ouvert une voie dans laquelle la Cour de cassation avait toujours refusé de s’engager. Les magistrats ont en effet considéré, dans un arrêt rendu le 20 mai 2015 (n°13/04108) que la clause de non-concurrence souscrite par l’associé cédant de titres sociaux «lorsqu’elle a pour effet d’entraver la liberté de se rétablir», n’est licite que lorsqu’il lui est versé une contrepartie financière. Une confirmation de la solution par la Cour de cassation aboutirait à un revirement de jurisprudence puisque cette solution n’est actuellement retenue que lorsque la clause est imposée à un salarié, et non à un associé.
L’année 2015 a donc été riche en actualités, même si la matière des cessions-acquisitions n’est pas fondamentalement perturbée. Cependant, les années à venir promettent des bouleversements plus significatifs en raison de la réforme du droit des contrats survenue au mois de février 2016.
Auteurs
Arnaud Hugot, avocat associé en Corporate/Fusions & Acquisitions
Thomas Hains, avocat en Corporate/Fusions & Acquisitions