Sous-traitance : l’attestation de vigilance de l’URSSAF est indispensable
7 mars 2016
Donneurs d’ordre, attention : l’obligation de vérifier la régularité de la situation sociale de votre cocontractant auprès de l’Urssaf ne doit pas rester théorique. A défaut, votre solidarité financière peut être engagée en cas de travail dissimulé.
L’attestation de vigilance : un outil de contrôle incontournable
Lorsque sont signés des contrats portant sur une somme minimale de 5 000 euros HT, le Code du travail impose aux donneurs d’ordre professionnels de réclamer à leurs sous-traitants, lors de la conclusion du contrat puis tous les six mois, un certain nombre de documents.
Les documents à remettre diffèrent selon que le sous-traitant est établi en France ou à l’étranger, mais ils visent un objectif commun : permettre d’identifier précisément le cocontractant et s’assurer qu’il se conforme bien à ses obligations en matière de sécurité sociale.
En vertu de l’article D. 8222-5 du Code du travail, les sous-traitants établis en France doivent notamment remettre une « attestation de fourniture des déclarations sociales et de paiement des cotisations et contributions de sécurité sociale » datant de moins de six mois, dont ils s’assurent de l’authenticité auprès de l’organisme de recouvrement des cotisations de sécurité sociale.
Cette attestation dite « de vigilance » est remise à l’entreprise concernée par l’organisme de protection sociale chargé du recouvrement des cotisations et des contributions (Urssaf, RSI ou MSA selon les cas).
Dans deux arrêts récents rendus le 11 février 2016, la 2e chambre civile de la Cour de cassation précise qu’un donneur d’ordre ne peut se dispenser de solliciter l’attestation de vigilance, au motif qu’il se serait vu remettre par ses sous-traitants d’autres documents jugés »équivalents » (en l’occurrence, une attestation de l’entreprise sous-traitante dans laquelle cette dernière certifiait respecter ses obligations sociales dans l’une des deux affaires, et un engagement de respecter la législation du travail dans l’autre).
Selon la Cour de cassation, les donneurs d’ordre doivent se conformer à la lettre aux obligations posées par l’article D. 8222-5 du Code du travail. Seule la remise des documents énumérés par ce texte leur permet d’échapper à la solidarité financière qui pèse sur eux en cas d’établissement d’un procès-verbal pour travail dissimulé.
Ce faisant, la Haute Juridiction complète sa jurisprudence relative à l’obligation de vigilance des donneurs d’ordre. Il y a quelques mois, elle avait jugé que bien qu’il ne soit pas expressément visé par le Code du travail, le certificat « A1 » faisait partie des documents que les sous-traitant établis dans un autre État-membre de l’Union européenne devaient obligatoirement remettre au donneur d’ordre pour justifier de la régularité de la situation sociale de leurs salariés détachés (Cass. AP, 6 novembre 2015 – Cf. Mobilité intra-communautaire : quelle est la force probante du certificat A1).
Comment obtenir l’attestation de vigilance et comment s’assurer de son authenticité?
En pratique, l’attestation de vigilance est aujourd’hui facile à obtenir. Les adhérents aux services net-entrepises.fr ou Urssaf en ligne peuvent la trouver dans leur espace Internet sécurisé et l’imprimer en autant d’exemplaires que nécessaires.
Par ailleurs, à la vigilance s’ajoute la diligence : le donneur d’ordre doit vérifier la validité et l’authenticité de l’attestation. Pour cela, un numéro figure sur l’attestation de vigilance délivrée par l’Urssaf : il appartient au donneur d’ordre de le saisir sur le site Internet www.urssaf.fr.
Bien entendu, cette démarche doit être répétée à chaque fois que le sous-traitant remet les documents obligatoires, donc au moins tous les six mois.
La solidarité financière du donneur d’ordre : une sanction dissuasive
Afin d’assurer une application efficace des textes, le législateur a choisi de responsabiliser le donneur d’ordre en instaurant à son égard une solidarité financière si le sous-traitant fait l’objet d’un procès-verbal pour travail dissimulé.
Le donneur d’ordre qui ne respecte pas son obligation de solliciter les documents obligatoires peut ainsi être appelé à payer les impôts, taxes et cotisations obligatoires (outre les pénalités et majorations), ainsi que les rémunérations et les indemnités dus par son sous-traitant. Il peut également être appelé à rembourser le montant des aides publiques allouées (article L. 8222-2 du Code du travail).
Cette solidarité financière est particulièrement dissuasive car elle n’implique pas une condamnation effective du sous-traitant. Il suffit en effet, pour qu’elle soit mise en œuvre, qu’un procès-verbal pour travail dissimulé ait été dressé par l’Inspection du travail.
Ce mécanisme de solidarité a été jugé conforme à la constitution par le Conseil constitutionnel, qui a récemment rappelé qu’elle ne devait pas être considérée comme une « punition » pour le donneur d’ordre, mais comme une garantie pour le Trésor public et les organismes de protection sociale (CC, 31/07/2015, n°2015-479). Il est vrai que le donneur d’ordre, appelé à payer les dettes sociales et fiscales de son cocontractant, dispose en principe d’un recours contre ce dernier. Cependant, ce recours peut s’avérer tout à fait illusoire si le sous-traitant se déclare en faillite ou s’il est établi à l’étranger.
Les précisions données par la jurisprudence concernant l’attestation de vigilance sont particulièrement utiles dans un contexte de lutte contre le travail dissimulé. L’obligation de vigilance du donneur d’ordre s’est d’ailleurs largement étendue depuis la mise en place de l’obligation de vérification de la régularité de la situation sociale des sous-traitants : obligation de solliciter la déclaration préalable de détachement ainsi que le document désignant le représentant du prestataire lorsqu’il est établi à l’étranger, collaboration obligatoire avec l’inspection du travail dans le cadre de la procédure « d’injonction » lorsque des infractions à la législation du travail sont constatées… (Cf. De nouvelles obligations pour les prestataires et les donneurs d’ordre) Le nouveau projet de loi « El Khomri » comporte lui aussi des dispositions de nature à renforcer les obligations et les responsabilités pesant sur les donneurs d’ordre. De quoi redoubler de vigilance lorsque l’on contracte avec un sous-traitant ou un prestataire.
Auteurs
Caroline Froger-Michon, avocat en matière de droit social.
Guillemette Peyre, avocat, en matière de droit social.
Sous-traitance : l’attestation de vigilance de l’URSSAF est indispensable – Article paru dans Les Echos le 7 mars 2016
A lire également
Les employeurs ont-ils le droit de contrôler la température de leurs salaries ... 25 mai 2020 | CMS FL Social
L’employeur peut-il consulter les SMS de ses salariés ?... 25 mars 2015 | CMS FL
Enfin un encadrement des expertises CHSCT... 14 septembre 2016 | CMS FL
Prévoyance/santé et redressement URSSAF : la jurisprudence au secours des entr... 18 novembre 2013 | CMS FL
Les innovations malheureuses de la Loi El Khomri en matière de franchise... 19 juillet 2016 | CMS FL
Le partage de la valeur en cas de cession... 11 janvier 2024 | Pascaline Neymond
Pourquoi l’ESG est-elle devenue un enjeu majeur pour les employeurs ?... 19 janvier 2022 | Pascaline Neymond
Détachements et sous-traitance : le dumping social sur la sellette... 6 mars 2014 | CMS FL
Articles récents
- La « charte IA » : un outil de contrôle et de conformité désormais incontournable
- Rapport de durabilité : la nouvelle obligation de consultation du CSE entre en vigueur le 1er janvier 2025
- Statut de lanceur d’alerte : le Défenseur des droits et la jurisprudence précisent ses contours
- Enquêtes internes : des règles en constante évolution
- Pas de co-emploi sans immixtion dans la gestion économique et sociale de la société : illustration en présence d’une société d’exploitation
- Fixation du plafond de la sécurité sociale pour 2025
- Un salarié licencié pour harcèlement sexuel ne peut se prévaloir du phénomène «#Metoo»
- Régimes de retraite des dirigeants : prestations définies versus actions gratuites
- SMIC : Relèvement du salaire minimum de croissance au 1er novembre 2024
- Inaptitude et reclassement : c’est au salarié qu’il appartient de rapporter la preuve d’une déloyauté de l’employeur