Réforme de la fiscalité des plus-values immobilières : un exercice incomplet
Le régime d’imposition des plus-values immobilières des particuliers a fait l’objet de nombreuses aggravations depuis l’adoption de la loi du 19 septembre 2011 et les dernières annonces du gouvernement modifient une fois de plus la situation.
I. Situation de départ
Jusqu’en septembre 2011, l’article 150 VC, I du CGI prévoyait que la plus-value brute réalisée sur les biens ou droits immobiliers était réduite d’un abattement de 10% pour chaque année de détention au-delà de la cinquième, de telle sorte que l’exonération définitive de la plus-value réalisée était acquise après quinze ans de détention du bien ou droit immobilier concerné. La règle était la même pour les contributions sociales.
II. Aggravations successives
Pour les plus-values réalisées au titre des cessions intervenues à compter du le 1er février 2012 ou à compter du 25 août 2011 en cas d’apport en société de biens immobiliers ou de droits sociaux de sociétés à prépondérance immobilière non soumises l’IS, la loi 2011- 1117 du 19 septembre 2011 a prévu un mécanisme d’abattements beaucoup plus pénalisant, puisque la plus-value imposable n’était plus diminuée que d’un abattement fixé à 2% pour chaque année de détention au-delà de la cinquième, à 4% pour chaque année de détention au-delà de la dix-septième et à 8 % pour chaque année de détention au-delà de la vingt-quatrième, applicable par période de douze mois, en faisant abstraction des fractions d’années, de telle sorte que l’exonération de la plus-value n’était désormais acquise que si l’immeuble était détenu depuis plus de trente ans. Ces nouvelles dispositions s’appliquaient bien évidemment aux immeubles et parts de SPI déjà détenus par les personnes physiques qui voyaient soudainement leurs actifs immobiliers grevés d’une fiscalité latente nouvelle.
Rappelons que la plus-value, nette d’abattements pour durée de détention, est soumise depuis le 1er janvier 2011 à l’impôt sur le revenu au taux proportionnel de 19% (pour les résidents), ce taux s’étant substitué à celui de 16% applicable auparavant, et aux contributions sociales dont le taux global n’a cessé de croître pour représenter actuellement 15,5%.
A ces impositions s’est rajoutée la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus de 3% ou 4% selon le montant des revenus, qui s’applique sur le revenu fiscal de référence lequel intègre les plus-values immobilières imposables.
La nouvelle majorité a pour sa part également contribué à cet alourdissement de la pression fiscale, d’une part, en décidant de soumettre aux contributions sociales, les plus-values réalisées par les non-résidents personnes physiques, d’autre-part, en créant une nouvelle taxe sur les plus-values immobilières des particuliers, résidents et non-résidents, autres que sur terrains à bâtir, d’un montant supérieur à 50.000 euros. Cette taxe qui concerne les plus-values réalisées au titre des cessions intervenues depuis le 1er janvier 2013, à l’exception de celles pour lesquelles une promesse de vente a acquis date certaine avant le 7 décembre 2012, atteint 6% pour les plus-values nettes d’abattement supérieures à 260.000 euros.
III. Inversion de la tendance à compter du 1er septembre 2013
Ayant constaté les effets stérilisants de cette politique sur le marché de l’immobilier des particuliers, le gouvernement a entendu assouplir le régime d’imposition des plus-values immobilières à l’égard des cessions réalisées à compter du 1er septembre 2013.
C’est une instruction 9 août 2013 du ministère de l’économie et des finances qui vient de préciser les modalités de cette réforme qui sera intégrée dans le projet de loi de finances pour 2014.
Nul ne se plaindra en pratique du mode opératoire retenu dès lors que les règles nouvelles, illégales au regard du dispositif légal actuel, sont néanmoins opposables à l’administration fiscale en application des dispositions de l’article L 80 A du livre des procédures fiscales.
Les nouvelles règles sont applicables pour les cessions réalisées à compter du 1er septembre 2013 et concernent aussi bien les résidents que les non-résidents qui déterminent leurs plus-values comme les personnes physiques résidentes françaises.
Les modalités de calcul de l’abattement pour durée de détention sont tout d’abord modifiées mais une distinction est opérée entre impôt sur le revenu et prélèvements sociaux. Sont par ailleurs exclues du nouveau régime les plus-values de cession des terrains à bâtir et les droits s’y rapportant qui selon l’administration fiscale s’entendent des terrains à bâtir au sens de la taxe sur la valeur ajoutée sur les opérations immobilières, définis au 1° du 2 du I de l’article 257 du CGI.
S’agissant de l’IRPP, l’abattement pour durée de détention est désormais fixé à 6% pour chaque année de détention au-delà de la cinquième jusqu’à la vingt et unième, et à 4% pour la vingt-deuxième année révolue de détention.
Il en découle que l’exonération totale des plus-values immobilières de l’impôt sur le revenu est ainsi acquise dorénavant à l’issue d’un délai de détention de vingt-deux ans.
S’agissant des prélèvements sociaux qui sont perçus au taux global de 15,5%, l’administration maintient l’exigence d’une durée de détention de 30 ans, mais modifie le rythme des abattements qui est dorénavant de 1,65% pour chaque année de détention au-delà de la cinquième et jusqu’à la vingt-et-unième, de 1,60% pour la vingt-deuxième année de détention et de 9 % pour chaque année au-delà de la vingt-deuxième. Ces abattements sont moins favorables que ceux prévus par la règle légale qui sont de 2 % pour chaque année de détention au-delà de la cinquième, de 4% pour chaque année de détention au-delà de la dix-septième et de 8% pour chaque année de détention au-delà de la vingt-quatrième.
L’administration affirme cependant, ce qui est exact, que « globalement », c’est-à -dire en prenant en compte son impact sur l’impôt sur le revenu et sur les prélèvements sociaux, le nouveau régime applicable aux plus-values immobilières sur des biens autres que des terrains à bâtir ou de droits s’y rapportant sera, quelle que soit la durée de détention des biens concernés (au-delà de cinq ans), plus favorable que le précédent.
Est en outre institué à titre temporaire un abattement exceptionnel de 25% pour la détermination du montant imposable à l’IRPP et aux contributions sociales de certaines plus-values sur cession de biens immobiliers ou de droits portant sur ces biens.
Ne sont pas visées par cet abattement les plus-values sur cessions de parts ou d’organismes à prépondérance immobilière ou de droits assimilés, y compris les parts de SCPI, les cessions réalisées par le cédant au profit de son conjoint, son partenaire lié par un pacte civil de solidarité, son concubin notoire, un ascendant ou descendant du cédant ou de l’une ou de plusieurs de ces personnes, ou au profit d’une personne morale dont le cédant, son conjoint, son partenaire lié par un pacte civil de solidarité, son concubin notoire ou un ascendant ou descendant de l’un ou l’autre ou de plusieurs de ces personnes est un associé ou le devient à l’occasion de cette cession.
Cet abattement s’applique aux cessions intervenant du 1er septembre 2013 au 31 août 2014. Il porte sur les plus-values nettes imposables, après prise en compte de l’abattement pour durée de détention calculé selon les nouvelles règles pour les cessions réalisées à compter du 1er septembre 2013.
L’abattement est également applicable dans les mêmes conditions pour la détermination de l’assiette de la taxe sur les plus-values immobilières de l’article 1609 nonies G du CGI.
Comme déjà indiqué, il est prévu que ces nouvelles règles seront intégrées dans le projet de loi de finances pour 2014. Dans l’hypothèse où les dispositions prévues ne seraient pas votées en l’état, et se révèleraient moins favorables, les règles prévues par l’instruction du 9 août 2013 resteraient néanmoins opposables à l’administration fiscale pour les cessions réalisées jusqu’à la date de promulgation de la loi de finances pour 2014.
S’agissant par ailleurs des prélèvements sociaux, auxquels s’applique désormais un régime d’abattements moins favorable que celui inscrit dans la loi, on peut s’interroger sur la possibilité de continuer à faire application du régime légal actuel tant que le nouveau dispositif ne sera pas voté. La chose paraît possible, sauf à considérer que le nouveau régime institué l’instruction administrative précitée forme un tout indissociable dont on ne pourrait exclure les dispositions pénalisantes au risque de ne pouvoir bénéficier des autres. Enfin, le dispositif, s’il est confirmé par le Parlement, aura la même date d’entrée en vigueur, mais ici encore, il sera permis de s’interroger sur l’opposabilité de cette date pour les plus-values pour lesquelles les impositions auront déjà été liquidées.
A propos de l’auteur
Richard Foissac, avocat associé. Spécialisé en fiscalité directe, il intervient plus particulièrement dans le domaine de la fiscalité des entreprises, la fiscalité des personnes physiques, la fiscalité immobilière et financière et la fiscalité des sociétés d’économie mixte et des collectivités locales.
Article paru dans la revue Option Finance du 16 septembre 2013
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