Cameroun : principales dispositions de la loi de finances pour 2016
La loi de finances pour 2016 (ci-après « LF 2016 ») du Cameroun, publiée au Journal officiel le 23 décembre 2015, est entrée en vigueur pour l’essentiel de ses mesures, le 1er janvier 2016.
I – Fiscalité directe
- Limitation du plafonnement de la déductibilité des redevances versées pour l’utilisation de brevets, marques, dessins et modèles aux seules entreprises liées
Depuis la loi de finances pour 2015, la déductibilité des redevances de brevets, de marques, de dessins etc., est plafonnée à 2,5% du bénéfice imposable.
La LF 2016 met un terme aux incertitudes qui existaient sur le champ d’application de ce plafonnement. Il est maintenant clairement prévu qu’il s’applique uniquement aux redevances versées à des entreprises liées, à savoir celles qui participent directement ou indirectement à la gestion ou au capital de l’entreprise camerounaise débitrice.
Ainsi, il est désormais établi que les sociétés payant des redevances à des tiers peuvent les déduire en totalité. Ce nouveau plafonnement s’applique à compter de l’exercice clos au 31 décembre 2016, dont les déclarations sont à déposer au plus tard le 15 mars 2017.
- Confirmation de la soumission à la taxe spéciale sur les revenus (TSR) des prestations relatives aux opérations pétrolières rendues par des prestataires étrangers
L’article 99 du Code pétrolier du Cameroun prévoit la liste des impôts et taxes dont les titulaires de contrat pétrolier et leurs sous-traitants, le cas échéant, sont exonérés.
Cet article dispose que «les titulaires de contrat pétrolier et leurs sous-traitants sont exonérés du paiement de la TSR pour la conduite des opérations pétrolières de recherche et de développement, en ce qui concerne l’assistance, la location d’équipements, du matériel et sur toutes prestations de services rendues à un titulaire par ses sous-traitants au titre des opérations pétrolières, à condition que ces derniers ne disposent pas d’un établissement stable au Cameroun et fournissent à prix coûtant des prestations de services au titre des opérations pétrolières, pour le compte des titulaires».
Dans la pratique, cependant, cette exonération de TSR a été sujette à diverses interprétations ayant conduit certains opérateurs à croire que la TSR n’était jamais applicable aux opérations pétrolières. Or, la TSR est une taxe à la charge des prestataires de services étrangers, mais retenue à la source par le débiteur camerounais.
Afin de mettre un terme à ces divergences d’interprétation, la LF 2016 confirme la soumission de principe à la TSR des rémunérations de prestations d’assistance, de location d’équipement et de toutes prestations rendues aux sociétés pétrolières, y compris pendant les phases de recherche, de développement et d’exploitation. Les seules prestations exonérées sont celles fournies à prix coutant par une entreprise affiliée lors des phases de recherche et de développement.
Pour rappel, le taux de la taxe est de 15%, sous réserve des conventions fiscales internationales.
- Instauration d’une obligation déclarative de l’impact fiscal des avantages accordés aux entreprises bénéficiaires des régimes fiscaux dérogatoires
Une nouvelle obligation a été instituée pour les entreprises relevant d’un régime fiscal dérogatoire ou spécial à compter du 1er janvier 2016. En effet, elles doivent désormais souscrire une déclaration des opérations pour lesquelles elles ont bénéficié d’un régime fiscal dérogatoire du droit commun, tels qu’une exonération, une prise en charge, une réduction d’impôt ou toute autre mesure d’allègement fiscal, incluant les impôts et taxes théoriques correspondants.
Cette nouvelle obligation déclarative concerne toutes les entreprises agréées à un régime dérogatoire ou spécial dans le cadre d’un régime aménagé, soumis ou non à une procédure d’agrément. Sont notamment concernées les entreprises suivantes, qu’elles soient soumises ou non à l’impôt sur les sociétés :
- les entreprises agréées au régime de la loi du 18 avril 2013 sur les incitations à l’investissement privé au Cameroun, au régime des zones franches industrielles ou des zones économiques ;
- les entreprises bénéficiaires des régimes des Codes pétrolier, gazier ou minier, les entreprises bénéficiant du régime boursier ou du régime des contrats de partenariat public-privé ;
- les entreprises bénéficiant des conventions ou cahiers des charges signés avec le gouvernement camerounais et contenant des clauses fiscales ;
- les adjudicataires des marchés à financement extérieur ou conjoint contenant des clauses fiscales dérogatoires du droit commun ;
- les entreprises agréées au régime des projets structurants dont les agréments sont en cours de validité ;
- les entreprises bénéficiant d’un régime de réduction d’impôt dans le cadre d’un réinvestissement et continuant à reporter leurs réinvestissements ;
- les entreprises adhérentes des centres de gestion agréés.
La déclaration doit indiquer, par nature d’impôt, un certain nombre d’informations, telles la base d’imposition, l’impôt théorique qui aurait dû s’appliquer sous le régime de droit commun, l’impôt effectivement acquitté dans le cadre du régime dérogatoire et le montant de l’avantage obtenu (la différence entre l’impôt théorique et l’impôt effectivement acquitté). Elle doit être déposée auprès du centre gestionnaire de rattachement, sous un modèle spécifique fourni par l’administration fiscale, en même temps que la déclaration des résultats au plus tard le 15 mars de l’exercice suivant celui au cours duquel les opérations ont été réalisées.
Cette nouvelle disposition est applicable aux opérations réalisées à compter du 1er janvier 2016.
- Encadrement des clauses fiscales des conventions et cahiers des charges
La LF 2016 a institué un nouvel article L 7 ter du Code général des impôts aux termes duquel les conventions et cahiers des charges ne peuvent désormais contenir des clauses fiscales que dans les conditions définies par les lois et règlements instaurant des régimes fiscaux dérogatoires légalement institués.
Cette exigence de respect des cadres légaux et règlementaires concerne aussi bien le fond que la forme.
En effet, en ce qui concerne la forme, les régimes dérogatoires ne seront dorénavant octroyés que dans le cadre des démarches et procédures consacrées par la législation en vigueur, notamment le Code général des impôts, la loi n°2006/012 du 29 décembre 2006 portant régime des contrats de partenariat public-privé, la loi n°2013/004 du 18 avril 2013 fixant les incitations à l’investissement privé en République du Cameroun, la loi n°2013/011 du 16 décembre 2013 régissant les zones économiques au Cameroun et les Codes spécifiques notamment pétrolier, minier et gazier.
Quant au fond, seuls les avantages fiscaux expressément consacrés dans le cadre des régimes encadrés par la législation en vigueur, comme ceux listés ci-dessus, sont admis.
Cette nouvelle mesure est applicable depuis le 1er janvier 2016. Cependant, les avantages accordés par des conventions et cahiers des charges antérieurement à cette date demeurent acquis pour leurs bénéficiaires jusqu’au terme prévu.
II – Secteur des télécommunications : assujettissement aux droits d’accises
La LF 2016 élargit la liste des produits soumis aux droits d’accises en incluant, désormais, les communications téléphoniques mobiles et les services Internet, à l’exclusion des communications fixes et filaires.
Ces droits sont dus par les opérateurs de téléphonie mobile et les fournisseurs d’accès Internet au taux «super réduit» de 2%, sur la base du chiffre d’affaires hors taxes au titre des opérations facturées à compter du 1er janvier 2016.
III – Encadrement des conditions de recevabilité des pièces justificatives en phase contentieuse
Jusqu’à la LF 2016, il était possible pour les contribuables de produire à n’importe quel moment de la procédure contentieuse des pièces justificatives relatives à l’imposition mise à leur charge. Cependant, en pratique, l’Administration a constaté que cette démarche avait pour effet de ralentir l’instruction des réclamations contentieuses.
Afin de pallier cette difficulté, la LF 2016 prévoit d’encadrer les conditions de recevabilité des pièces justificatives. En effet, les services des impôts ont l’obligation d’effectuer toutes demandes de pièces justificatives par écrit. En l’absence de réponse de la part du contribuable dans un délai de 7 jours, les services doivent lui envoyer une mise en demeure de produire les pièces sollicitées dans un délai de 15 jours. C’est seulement en cas d’absence de réponse dans ce délai de 15 jours que la carence de production est constatée par les services sur procès-verbal.
La carence dûment constatée entraîne l’irrecevabilité absolue de toute pièce justificative non fournie pendant la phase contentieuse.
Cette nouvelle disposition s’applique aux contrôles fiscaux engagés depuis le 1er janvier 2016, à savoir ceux dont la première intervention en entreprise s’effectuera à compter de cette date, même si l’avis de vérification a été notifié avant, par exemple en 2015.
Auteurs
Deana d’Almeida, avocat, Equipe Afrique
Iris Francis, avocat Equipe Afrique