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De la difficulté d’obtenir réparation des commentaires négatifs postés sur Internet par un consommateur mécontent

De la difficulté d’obtenir réparation des commentaires négatifs postés sur Internet par un consommateur mécontent

Une consommatrice ayant commandé du mobilier sur le site Internet de la société Hcommehome avait rencontré plusieurs problèmes notamment un défaut de livraison. Elle avait alors fait part de ses difficultés par le biais de commentaires postés sur différents sites Internet. Dans un premier avis, elle relatait son expérience d’achat en qualifiant de mensongers les délais de livraison qui n’avaient pas été respectés et en signalant le défaut d’amabilité de ses interlocuteurs.

Dans un second avis, la consommatrice rapportait avoir été contactée par le responsable de la société Hcommehome qui lui avait enjoint de retirer son premier commentaire tout en tentant de l’intimider. Enfin, dans un troisième et dernier avis, plus virulent, la consommatrice reprenait les faits, qualifiait les agents de la société d’ »arnaqueurs », et invitait avec insistance les internautes à fuir le site.

La société Hcommehome, s’estimant lésée, a donc poursuivi cette consommatrice pour actes de dénigrement, sur le fondement de l’article 1382 du Code civil.

Toute la question était de qualifier les faits reprochés afin de déterminer s’ils étaient soumis au régime spécifique de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse régissant la diffamation. Le régime général du Code civil et le régime spécial instauré par la loi du 29 juillet 1881 sont en effet exclusifs l’un de l’autre, le demandeur n’ayant pas la possibilité de choisir entre l’un et l’autre comme l’a rappelé la Cour de cassation en limitant strictement le domaine d’application de l’article 1382 en matière de délit de presse (v. en ce sens : Cass. ass. plén., 12 juillet 2000, n°98-11.155 et n°98-10.160) : ce texte n’est applicable qu’à la condition que les faits ne constituent pas une infraction prévue par la loi du 29 juillet 1881.

Il est donc nécessaire de bien qualifier les faits afin de correctement fonder son action en réparation, sous peine de se voir débouté. C’est d’ailleurs le premier moyen soulevé en défense par la consommatrice qui, estimant que les faits litigieux devaient être qualifiés de diffamatoires, soutenait que l’action intentée par Hcommehome était prescrite au regard de la loi de 1881.

En l’espèce, la cour d’appel de Douai estime que c’est à bon droit que la qualification de diffamation n’a pas été retenue par le TGI de Béthune (CA Douai, 19 novembre 2015, n°14/07542). D’une part, les messages relatant des faits précis n’étaient pas attentatoires à l’honneur ou à la considération de la société en tant que personne morale mais se rapportaient aux produits et services fournis par celle-ci. D’autre part, en suggérant le terme d’ »arnaqueurs » et en rapportant le manque de diligence du personnel, l’internaute n’avait pas imputé à la société de faits précis qualifiables pénalement. Les conditions constitutives de la diffamation n’étaient donc pas réunies. Ainsi, le préjudice causé à la société Hcommehome prenait sa source dans une faute civile uniquement, de sorte qu’en qualifiant les faits de dénigrement, la société avait bien fondé son recours. La cour d’appel de Douai ne retiendra pas non plus la qualification d’actes de dénigrement, faute d’abus caractérisé dans les propos de la consommatrice, compte tenu de l’expérience négative vécue.

Cette décision rappelle ainsi, d’une part, que la délimitation entre le dénigrement relevant du régime de droit commun de la responsabilité du Code civil et la diffamation entrant dans le champ très singulier de la liberté de la presse est parfois fine et, d’autre part, que le champ de la liberté d’expression s’apprécie au cas par cas.

 

Auteur

Prudence Cadio, avocat en droit de la Propriété Intellectuelle et des Nouvelles Technologies.