Abattement pour durée de détention et plus-values en report : un épilogue plutôt heureux, mais un peu déroutant!
La réforme du régime des plus-values de cession de valeurs mobilières applicable depuis le 1er janvier 2013 a insuffisamment tenu compte de la situation des contribuables ayant déjà réalisé une cession avant cette date – une imposition à un taux proportionnel était alors prévue – mais qui ne supporteraient l’imposition effective que postérieurement à cette date – au barème progressif de l’impôt sur le revenu après application éventuelle d’un abattement pour durée de détention.
L’Administration fiscale a indiqué dans ses commentaires publiés au BOFiP que l’abattement ne s’appliquerait pas à une plus-value imposée post-2013 lorsque la cession est intervenue avant le 1er janvier 2013, prévoyant l’application du barème progressif sans aucune atténuation.
Les contribuables avaient gagné une première manche : le 14 janvier dernier, le Conseil constitutionnel avait considéré que l’abattement devait s’appliquer à tous les compléments de prix reçus depuis 2013 même si la cession est antérieure.
L’égalité de traitement aurait pu conduire le Conseil constitutionnel à interpréter la loi comme n’écartant pas l’abattement pour durée de détention pour les plus-values réalisées et mises en report avant le 1er janvier 2013, mais sa décision 2016-538 QPC du 22 avril dernier livre une réponse favorable aux contribuables mais plus complexe.
Selon le Conseil, les plus-values placées en report d’imposition avant le 1er janvier 2013 qui deviennent imposables à compter de cette date ne peuvent subir le barème progressif sans se voir appliquer un coefficient tenant compte de l’érosion monétaire pendant la détention (période comprise entre l’acquisition des titres et la réalisation de la plus-value). Le Conseil ne précise pas dans sa décision – ou les commentaires de celle-ci – que ce coefficient est celui de l’inflation calculé par l’INSEE.
La décision du Conseil amène également à faire une distinction entre report obligatoire et report optionnel.
Ainsi, le contribuable qui a fait le choix de placer sa plus-value en report (cas des apports pré-2000) est réputé avoir pris sa décision en toute connaissance de cause et le choix de ne pas avoir payé immédiatement l’impôt le conduit à ne pas pouvoir contester le changement des règles d’imposition intervenues avant l’imposition effective de sa plus-value en report.
En revanche, le contribuable qui a été contraint et forcé de placer sa plus-value en report (cas des apports à une société contrôlée de fin 2012- article 150-0 B ter du CGI) n’est pas dans la même situation et doit donc être protégé contre l’imposition au barème progressif : il peut ainsi bénéficier du taux d’imposition qui aurait été le sien si cette plus-value n’avait pas été placée en report, soit 24% (voire 19% s’il pouvait prétendre au régime des «Pigeons» qui existait en 2012).
Auteurs
Florent Ruault, avocat, spécialiste des impôts directs au sein du département de doctrine fiscale
Florian Burnat, avocat en droit fiscal