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Abattement pour durée de détention : les légitimes attentes des entrepreneurs

Abattement pour durée de détention : les légitimes attentes des entrepreneurs

L’imposition des plus-values de cession de valeurs mobilières des particuliers a été considérablement modifiée pour les cessions réalisées à compter du 1er janvier 2013. Le grand principe posé par cette réforme est celui d’un passage d’une imposition à un taux proportionnel, quelle que soit l’importance des revenus perçus par les contribuables, à une imposition au barème progressif avec application d’un abattement pour durée de détention.

Cette réforme a notamment soulevé des questions concernant les opérations «à cheval» entre l’ancien et le nouveau régime, parmi lesquelles les compléments de prix (earn out) perçus après le 1er janvier 2013 mais afférents à des cessions antérieures à cette date, ainsi que les plus-values placées en report d’imposition avant le 1er janvier 2013 pour lesquelles le report n’expirerait qu’après cette date.

La situation des compléments de prix

Les entrepreneurs qui ont réalisé une cession au plus tard le 31 décembre 2012 étaient soumis, pour l’imposition de la plus-value, à l’impôt sur le revenu à un taux proportionnel, alors que les compléments de prix perçus après le 1er janvier 2013 sont imposables selon le barème progressif, avec application du taux marginal de l’impôt.

Mais la loi nouvelle a prévu que l’abattement applicable au complément de prix est celui «appliqué lors de cette cession» ; l’administration fiscale en a conclu que l’abattement ne pouvait s’appliquer dès lors au complément de prix si la cession n’en a pas bénéficié.

Une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) contre la loi ainsi interprétée a été portée devant le Conseil d’Etat, qui a transmis la QPC au Conseil constitutionnel.

Dans sa décision n°2015-515 QPC, le Conseil constitutionnel vient d’indiquer que la loi ne peut pas refuser l’application de l’abattement pour durée de détention à des compléments de prix, au seul motif que la cession n’a pu bénéficier d’aucun abattement. Une telle interprétation créerait une rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques non justifiée par l’objectif poursuivi par le législateur dans le cadre de sa réforme.

Dès lors, la loi doit être interprétée comme permettant l’application de l’abattement, en appréciant la durée de détention à retenir à la date de la cession des titres.

La situation des plus-values en report d’imposition

Les plus-values placées en report d’imposition à l’occasion d’un échange de titres intervenu avant le 1er janvier 2013 (qu’il s’agisse d’un apport antérieur au 1er janvier 2000 ou d’un apport à une société contrôlée intervenu entre le 14 novembre 2012 et le 31 décembre 2012) ne sont imposées qu’à l’expiration du report. L’événement qui met fin au report est en général la cession des titres reçus en apport.

Lorsque l’expiration du report intervient après le 1er janvier 2013, une situation particulière se présente : les nouvelles règles d’imposition prévoient une imposition au barème, mais l’Administration considère que l’abattement pour durée de détention ne peut pas s’appliquer quand bien même la durée de détention des titres, appréciée à la date de l’échange, aurait été suffisante.

Si la loi devait être ainsi interprétée, elle créerait toutefois une différence de traitement difficilement justifiable entre une personne qui aurait réalisé un apport soumis au régime de report d’imposition de l’article 150-0 B ter du CGI avant le 31 décembre 2012 et une autre personne qui aurait procédé à la même opération après le 1er janvier 2013. Cette différence paraît susceptible de porter atteinte au principe constitutionnel d’égalité devant les charges publiques.

Le Conseil constitutionnel a été saisi d’une QPC sur cette question par une décision du Conseil d’Etat du 10 février 2016. Sur la base de l’espoir que la décision sur les plus-values en report sera aussi favorable qu’elle l’a été pour les compléments de prix, les contribuables concernés ont intérêt à former une réclamation avant même la décision du Conseil constitutionnel (devant intervenir le 22 avril prochain), pour sauvegarder leurs droits.

 

Auteurs

Florian Burnat, avocat en droit fiscal

Florent Ruault, avocat, spécialiste des impôts directs au sein du département de doctrine fiscale