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Accident du travail : les effets sur le contrat de travail

Accident du travail : les effets sur le contrat de travail

Le salarié victime d’un accident du travail voit en principe son contrat de travail suspendu, sauf à ce que l’accident soit bénin. Durant cette période de suspension de son contrat de travail, le salarié bénéficie, sous certaines conditions -qui seront exposées plus loin- d’une protection contre toute mesure de licenciement, et plus généralement contre toute rupture de son contrat de travail, singulièrement lorsque c’est l’employeur qui en est à l’initiative (I).

A l’issue de la période de suspension de son contrat de travail, le salarié va se trouver en situation de reprendre son travail. Si l’absence s’étend au minimum durant 30 jours, l’employeur doit organiser une visite de reprise auprès de la médecine du travail puis, en fonction de la position du médecin du travail, doit proposer au salarié de retrouver son emploi ou un emploi similaire (cas de l’aptitude physique) au besoin en adaptant le poste ou les conditions de travail (cas de l’aptitude physique avec réserves) ou rechercher, en vue de les proposer au salarié, des solutions de reclassement (cas de l’inaptitude physique), à moins que le médecin du travail ne l’estime autrement.

Le licenciement du salarié sera possible en cas d’absence d’identification de solutions de reclassement ou de refus par le salarié du(des) poste(s) qui lui a(ont) été proposé(s) (inaptitude phytique), sous réserve de l’accomplissement, par l’employeur, de certaines formalités obligatoires auprès tant du salarié lui-même que des représentants du personnel. Le licenciement sera en revanche beaucoup plus difficile si le salarié est déclaré apte physiquement par le médecin du travail à exercer ses fonctions (II).

Les dispositions qui vont suivre s’appliquent à l’occasion de tout accident du travail, à moins que celui-ci ne soit survenu au service d’un autre employeur [1].

Par ailleurs, si l’accident de trajet est assimilé à un accident du travail en droit de la Sécurité sociale, il suit en droit du travail le régime de la maladie. De telle sorte que, là encore, les dispositions qui vont suivre ne lui sont pas applicables.

 

I – L’accident du travail et la suspension du contrat de travail

A – L’accident du travail emporte généralement la suspension du contrat de travail

La victime d’un accident du travail est tenue d’en informer son employeur ou l’un de ses préposés, dans la journée au cours de laquelle s’est produit l’accident et au plus tard dans les 24 heures (sauf cas de force majeure, d’impossibilité absolue ou de motifs légitimes) [2].

Cette déclaration du salarié auprès de l’employeur ou de son préposé doit intervenir, depuis le 1er décembre 2019, par tout moyen conférant date certaine à sa réception, si elle n’est pas faite à l’employeur ou à son préposé sur le lieu de l’accident [3].

De son côté, l’employeur ou son préposé doit procéder dans les 48 heures [4] à la déclaration prévue à l’article L. 441-2 du Code de la Sécurité sociale, ce par tout moyen conférant date certaine à sa réception [5], dans les 48 heures, non compris les dimanches et jours fériés.

Si l’accident (incident) est bénin et n’impose ni repos, ni prescription médicale, ni soins, ni interventions chirurgicales, le contrat de travail du salarié se poursuivra normalement.

Si, à l’inverse, il présente un certain degré d’atteinte à la santé du salarié, il va donner lieu à un arrêt de travail, et, par la même, à la suspension du contrat de travail du salarié.

 

B – L’identification des périodes de suspension du contrat de travail en cas d’accident du travail

Le contrat de travail d’un salarié victime d’un accident du travail est juridiquement suspendu [6] :

    • pendant la durée de l’arrêt de travail provoqué par l’accident du travail ;
    • pendant le délai d’attente et la durée du stage de réadaptation, de rééducation ou de formation professionnelle que doit suivre l’intéressé, conformément à l’avis de la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées mentionnées à l’article L. 146-9 du Code de l’action sociale et des familles ;
    • durant les périodes au cours desquelles le salarié suit les actions mentionnées à l’article L. 323-3-1 du Code de la Sécurité sociale, dans les conditions prévues à ce même article, en application du quatrième alinéa de l’article L. 433-1 du même Code.

 

Attention : au-delà de ce qui vient d’être exposé, il est de jurisprudence constante que le contrat de travail est juridiquement suspendu, lorsqu’elle est obligatoire [7], jusqu’à la visite de reprise effectuée par le médecin du travail [8], et ce peu important que l’arrêt de travail médicalement prescrit soit arrivé à son terme [9], ou que le salarié ait été classé en invalidité [10]. Ce principe vaut également quand bien même le salarié a effectivement repris ses fonctions, même s’il est difficile d’imaginer que le salarié qui est dans les faits en situation de travailler ne l’est pas au plan juridique.

 

De telle sorte qu’en l’absence de visite de reprise, le licenciement d’un salarié qui a repris son travail est juridiquement intervenu au cours de la période de protection définie ci-après. Il en va de même du licenciement opéré sur le fondement de faits reprochés au salarié et commis entre la fin de l’arrêt de travail et la visite médicale de reprise [11].

Lorsque la visite médicale n’est pas obligatoire, la suspension du contrat de travail prend fin au moment de la reprise effective du travail, et non à la date de consolidation de l’accident fixée par l’organisme de Sécurité sociale [12].

 

C – La situation du salarié dont le contrat de travail est suspendu en conséquence d’un accident du travail

Durant la période de suspension de son contrat de travail, le salarié va, sous certaines conditions [13], bénéficier des prestations en nature et en espèce de la part de l’organisme de Sécurité sociale (généralement la caisse primaire d’assurance maladie), ainsi que du complément de salaire de la part de l’employeur, dans les conditions visées par les dispositions conventionnelles applicables en cette matière. Lorsque l’arrêt se poursuivra durant une période significativement longue, la prévoyance prendra le relais de l’employeur.

Le salarié dont le contrat de travail est suspendu reste tenu à l’égard de son employeur de l’ensemble de ses obligations telles que, par exemple, l’obligation de loyauté [14] ou l’obligation d’exclusivité.

Il ressort également des articles L. 1226-7 et L. 1226-8 du Code du travail :

    • que la durée des périodes de suspension est prise en compte pour la détermination de tous les avantages légaux ou conventionnels liés à l’ancienneté dans l’entreprise ;
    • que les conséquences de l’accident du travail ne peuvent entrainer pour le salarié aucun retard de promotion ou d’avancement au sein de l’entreprise.

 

D – La rupture du contrat de travail est-elle possible en période de suspension dudit contrat de travail ?

Le principe, défini à l’article L. 1226-9 du Code du travail, pour les salariés liés à leur employeur par un contrat de travail à durée indéterminée, est très clair. Au cours des périodes de suspension du contrat de travail, l’employeur ne peut rompre ledit contrat que s’il justifie soit d’une faute grave du salarié, soit de son impossibilité de maintenir le contrat de travail pour un motif étranger à l’accident du travail.

La rupture du contrat de travail d’un salarié est donc possible :

    • en cas de faute grave [15] du salarié (et a fortiori en cas de faute lourde) ;
    • en cas d’impossibilité de maintenir le contrat de travail pour un motif non lié à l’accident du travail, laquelle impossibilité doit résulter de circonstances indépendantes du comportement du salarié [16], de l’état de santé, ou de l’arrêt de travail. Tel est le cas, par exemple :
    • en cas de fin de chantier [17] ;
    • en cas la cessation d’activité de l’entreprise [18].

 

En revanche, le motif économique ne caractérise pas en soi l’impossibilité de maintenir le contrat de travail d’un salarié dont ledit contrat est suspendu en conséquence d’un accident du travail [19]. Ainsi, ne peut justifier en pareil cas le licenciement du salarié accidenté :

    • une cause économique et l’application des critères fixant l’ordre des licenciements [20] ;
    • la suppression du poste en raison des difficultés de l’entreprise et en application des critères conventionnels retenus pour fixer l’ordre des licenciements [21].

 

Il a de la même manière été jugé que la lettre de licenciement pour impossibilité de maintenir le contrat de travail n’est pas suffisamment motivée si elle fait seulement état d’une cause économique [22].

Enfin, ne constitue pas un motif autorisant le licenciement du salarié accidenté dont le contrat de travail est suspendu :

    • la nécessité de procéder à son remplacement aux fins de préserver la survie de l’entreprise [23] ;
    • les perturbations engendrées par son absence [24].

 

La lettre de licenciement, lorsque le motif retenu pour licencier le salarié tient à l’impossibilité de maintenir le contrat de travail pour un motif non lié à l’accident du travail, doit viser en quoi les motifs retenus rendent impossibles le maintien du contrat de travail.

 

Attention : si le licenciement ne repose pas sur l’un des motifs exposés à l’article L. 1226-9 du Code du travail, il est entaché de nullité [25]. Le salarié dispose alors de la possibilité de solliciter sa réintégration dans l’entreprise.

 

De la même manière, si la procédure de licenciement a été initiée avant la suspension du contrat de travail, l’employeur ne peut, durant ladite suspension, retenir comme motif de licenciement que l’un des motifs exprimés à l’article L. 1226-9 précité.

Ce qui place finalement les salariés dans une situation confortable. En pratique, en effet, on observe que des salariés particulièrement avisés sur le sujet peuvent avoir une certaine propension à se trouver victimes d’un accident du travail après la notification de la convocation à l’entretien préalable, ou entre l’entretien préalable et le licenciement. A cet égard, la tenue de l’entretien préalable, pour peu que le ton soit monté de part et d’autre et que le salarié ressorte en pleurs de l’entretien, peut constituer une occasion opportune pour le salarié de déclarer un accident du travail, et d’annihiler -pour un temps en tous les cas- les effets de son licenciement.

Exposons, enfin, que les principes définis à l’article L. 1226-9 du Code interdisent non seulement le licenciement pour d’autres raisons que les cas limités qui y sont visés, mais encore d’autres modes de rupture du contrat de travail tels que la mise à la retraite du salarié [26], la rupture d’un commun accord [27] ou la rupture de la période d’essai [28].

En revanche, la rupture conventionnelle du contrat de travail pendant la période de suspension dudit contrat est possible [29].

En ce qui concerne les salariés sous contrats de travail à durée déterminée, il est fait application des dispositions des articles L. 1226-18 et suivants du Code du travail.

Ainsi, lorsque le salarié victime d’un accident du travail est titulaire d’un contrat de travail à durée déterminée, l’employeur ne peut rompre ledit contrat au cours des périodes de suspension du contrat que s’il justifie soit d’une faute grave de l’intéressé, soit d’un cas de force majeure. A défaut, la rupture du contrat est nulle [30].

Une belle illustration de la faute grave est donnée par un arrêt rendu par la Cour de cassation le 20 février 2019 [31].

Les périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident du travail ne font par ailleurs pas obstacle à l’échéance du contrat de travail à durée déterminée. Toutefois, lorsque ce contrat comporte une clause de renouvellement, l’employeur ne peut, au cours des périodes de suspension, refuser le renouvellement que s’il justifie d’un motif réel et sérieux, étranger à l’accident ou à la maladie. A défaut, il doit verser au salarié une indemnité correspondant au préjudice subi, qui ne peut être inférieure au montant des salaires et avantages que le salarié aurait reçus jusqu’au terme de la période de renouvellement prévue au contrat.

 

II – La rupture du contrat de travail postérieurement à la suspension du contrat de travail en conséquence d’un accident du travail

Lorsque le salarié cesse l’envoi d’arrêts de travail, il se trouve en situation :

    • de reprendre ses fonctions sans passer de visite médicale si l’arrêt de travail est inférieur à 30 jours ;
    • de passer une visite médicale de reprise si l’arrêt de travail est supérieur à 30 jours.
      La seconde hypothèse mérite un éclairage particulier.

 

Plusieurs situations sont à distinguer.

Première situation : le médecin du travail conclut à l’aptitude physique du salarié sans aucune réserve.

En pareil cas, le salarié retrouve son emploi ou, si celui-ci n’existe plus ou n’est plus vacant, un emploi similaire assorti d’une rémunération au moins équivalente [32].

 

Deuxième situation : le médecin du travail conclut à l’aptitude physique du salarié avec des réserves (exemples : apte mais en mi-temps thérapeutique ; apte mais avec un aménagement des horaires, du poste ou des fonctions…).

Là encore, il appartient à l’employeur d’affecter le salarié au poste qu’il occupait précédemment, ou à un emploi similaire assorti d’une rémunération au moins équivalente, étant précisé que l’employeur devra, par ailleurs, tenir compte des observations émises par le médecin du travail dans son avis, au besoin en demandant à celui-ci de les détailler, de les préciser ou de les compléter.

Ces deux situations sont les plus difficiles à gérer en pratique pour les employeurs, singulièrement lorsque la durée de la suspension du contrat de travail a été longue.

Il est fréquent en effet soit que le poste précédemment occupé par le salarié a disparu, soit qu’il a été profondément modifié pour tenir compte de l’évolution technologique du secteur, soit enfin qu’il a été pourvu, durant l’absence du salarié accidenté, par un salarié qui se trouve être plus performant et/ou plus compétent sur le poste.

Il appartiendra à l’employeur de faire tout son possible pour retrouver un poste disponible et similaire à celui précédemment occupé par le salarié (avec une rémunération au minimum équivalente à celle perçue par le salarié avant son accident du travail).

 

Attention : l’employeur doit faire preuve dans ces deux premiers cas, d’une réelle prudence. En effet, en application de l’article L. 1226-15 du Code du travail, si le licenciement est prononcé en méconnaissance des dispositions relatives à la réintégration du salarié déclaré apte par le médecin du travail, le conseil de prud’hommes saisi peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. En cas de refus de réintégration par le salarié ou l’employeur, le juge octroie au salarié une indemnité au minimum équivalente à six mois de salaire [33], laquelle vient s’ajouter à l’indemnité compensatrice de préavis et à l’indemnité de licenciement.

 

La voie de la rupture conventionnelle pourrait alors être privilégiée. La Cour de cassation a admis en effet ce mode de rupture du contrat de travail avec un salarié déclaré apte avec réserves par le médecin du travail à la reprise du travail, sauf pour le salarié à démontrer que l’employeur a en réalité voulu éluder les dispositions protectrices du contrat de travail relatives à la réintégration du salarié apte [34].

 

Troisième situation : le salarié est déclaré inapte à son poste par le médecin du travail, mais apte à un autre poste.

Dans ce cadre, l’employeur doit entreprendre les recherches nécessaires aux fins de proposer un autre poste au salarié compatible avec les observations émises par le médecin du travail, à moins que le médecin du travail mentionne expressément dans son avis que «tout maintien du salarié dans l’emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l’emploi» [35].

Etant précisé que :

    • l’emploi ou les emplois proposé(s) doit(doivent) être approprié(s) aux capacités du salarié[36] ;
    • la(les) proposition(s) de l’employeur doit(doivent) prendre en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications formulées par ce dernier sur les capacités du salarié à exercer l’une des tâches existant dans l’entreprise [37] ;
    • le médecin du travail formule également des indications sur l’aptitude du salarié à bénéficier d’une formation le préparant à occuper un poste adapté [38] ;
    • l’emploi ou les emplois proposé(s) au salarié est(sont) aussi comparable(s) que possible à l’emploi précédemment occupé par le salarié, au besoin par la mise en œuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail [39] ;
    • l’employeur doit consulter les membres du CSE (ou les délégués du personnel pour les sociétés n’étant pas encore dotées de CSE) avant la proposition au salarié de l’offre ou des offres de reclassement [40] ;
    • si l’entreprise ne fait pas partie d’un groupe, les recherches de solutions de reclassement peuvent être circonscrites à l’entreprise. Pour autant, l’employeur aura intérêt, pour optimiser les chances de reclasser le salarié et montrer le cas échéant au conseil de prud’hommes la bonne foi qui a été la sienne, de rechercher des solutions de reclassement en dehors du périmètre de l’entreprise via l’envoi de courriers/courriels, par exemple :

– à d’autres entreprises du même secteur professionnel ;

– à d’autres entreprises du même secteur géographique, quelle que soit leur activité ;

– aux syndicats patronaux signataires de la convention collective de branche, aux fins que ces derniers diffusent le curriculum vitae du salarié à leurs adhérents(es) ;

– à Pôle Emploi ;

– à la chambre de commerce et de l’industrie et à la chambre des métiers ;

– etc..

 

    • si l’entreprise fait partie d’un groupe [41], l’employeur doit proposer au salarié un(des) autre(s) emploi(s) approprié(s) à ses capacités au sein de l’entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient, située(s) sur le territoire national, et dont l’organisation, les activités ou le lieu d’exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel ;
    • en l’absence de solutions de reclassement ou de refus par le salarié du(des) postes proposé(s), il y a lieu pour l’employeur, avant de convoquer le salarié à un entretien préalable à son licenciement, de lui faire connaître par écrit les motifs qui s’opposent au reclassement [42].

 

Ceci étant exposé, il est intéressant de rappeler qu’en application de l’avant dernier alinéa de l’article L. 1226-12 du Code du travail, l’obligation de reclassement sera réputée satisfaite lorsque l’employeur aura proposé un emploi dans les conditions de l’article L. 1226-10 du même Code (qui viennent d’être exposées), en prenant en compte l’avis et les indications du médecin du travail.

 

Attention : les postes proposés au salarié peuvent être de qualification moindre, et incidemment de rémunération inférieure à celui qu’il occupait jusqu’alors. Il y a lieu, s’il en existe et s’ils sont compatibles avec les qualifications et réserves émises par le médecin du travail, de les proposer au salarié [43].

 

Par ailleurs, s’il en existe, l’employeur devra également proposer au salarié des emplois à pourvoir dans le cadre de contrats de travail à durée déterminée (CDD) [44].

 

Quatrième situation : le salarié est déclaré par le médecin du travail inapte à tout poste.

En pareille situation, l’employeur pourrait avoir l’immédiat réflexe d’entreprendre à l’encontre du salarié une procédure de licenciement.

Ce serait aller un peu vite.

En effet, il y a lieu tout d’abord de s’interroger sur le périmètre géographique de l’inaptitude totale du salarié à tout poste. Si cette inaptitude à tout poste vise l’entreprise, elle n’exclut donc pas que des recherches soient entreprises au sein du groupe auquel appartient l’entreprise.

Il appartiendra en pareille situation d’interroger le médecin du travail sur ce que recouvre l’inaptitude physique qu’il a mentionnée dans son avis.

La question se pose également de savoir si l’employeur a l’obligation, dans un cas comme celui-ci, de solliciter l’avis des membres du CSE prévu à l’article L. 1226-10 du Code du travail dès lors que l’inaptitude à tout poste peut conduire l’employeur à ne proposer aucun poste.

 

La prudence commande cette consultation, mais l’interprétation littérale du second alinéa de l’article L. 1226-10 du Code du travail conduit à imaginer que la consultation du CSE n’est envisageable qu’en cas de proposition de reclassement concrète et effective susceptible d’être présentée au salarié.

 

Si aucun poste ne peut être proposé au salarié, l’employeur, après avoir avisé par écrit au salarié les raisons excluant son reclassement, pourra entreprendre la procédure de licenciement.

Dans les deux derniers cas, c’est-à-dire lorsque le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail, il doit soit être reclassé dans le délai d’un mois suivant l’avis rendu par le médecin du travail, soit être licencié dans le même délai [45].

Si tel ne devait pas être le cas, le licenciement ne serait pas attaquable en soit. En revanche, il appartiendra à l’employeur, passé le délai d’un mois précité, de reprendre le salaire correspondant à l’emploi que le salarié occupait avant la suspension de son contrat de travail. Ce principe vaut y compris lorsque le salarié est déclaré par le médecin du travail inapte à tout emploi dans l’entreprise [46].

NDLR : depuis 2010, et afin d’annihiler les conséquences d’une absence de rémunération durant cette période de reclassement d’un mois, le salarié peut bénéficier, sur information du médecin du travail qui rédigera la demande, d’une indemnité temporaire d’inaptitude pendant une durée d’un mois maximum à compter de la délivrance de l’avis d’inaptitude, sous réserve de remplir les conditions d’attribution et de ne percevoir aucune rémunération au cours de cette période.

Lorsque l’employeur rompt le contrat de travail, s’il justifie, soit de son impossibilité de proposer au salarié un emploi dans les conditions visées par l’article L. 1226-10 du Code du travail, soit du refus du salarié d’accepter l’emploi (les emplois) proposé(s) dans ces conditions, soit enfin de la mention expresse du médecin du travail quant à l’impossibilité de reclasser le salarié dans un emploi [47], alors le salarié est éligible, en application de l’article L. 1226-14 du Code du travail :

    • à l’indemnité compensatrice de préavis ;
    • à une indemnité spéciale de licenciement qui, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, est égale au double de l’indemnité de licenciement de droit commun prévue à l’article L. 1234-9 du Code du travail.

 

Etant précisé que ces deux indemnités ne sont pas dues au salarié si l’employeur établit que le refus par le salarié du reclassement qui lui est proposé est abusif [48].

De la même manière, ces deux indemnités ne se cumulent pas avec les avantages de même nature prévus par des dispositions conventionnelles ou contractuelles en vigueur au 7 janvier 1981, et destinés à compenser le préjudice résultant de la perte de l’emploi consécutive à l’accident du travail [49].

S’agissant du salarié déclaré inapte par le médecin du travail alors qu’il se trouvait lié à son employeur par un contrat de travail à durée déterminée, il y a lieu de faire application des articles L. 1226-20 et L. 1226-21 du Code du travail, de la combinaison desquels il ressort que :

    • les dispositions des deuxième et dernier alinéas de l’article L. 1226-12 et des articles L. 1226-14 à L. 1226-16 du Code du travail relatives aux conditions de licenciement d’un salarié victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, ne sont pas applicables ;
    • si l’employeur justifie de son impossibilité de proposer un emploi, dans les conditions prévues aux articles L. 1226-10 et L. 1226-11 du Code du travail, au salarié déclaré inapte, ou si le salarié refuse un emploi offert dans ces conditions ou si l’avis du médecin du travail mentionne expressément que tout maintien du salarié dans l’emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l’emploi, l’employeur est en droit de procéder à la rupture du contrat de travail à durée déterminée ;
    • les dispositions visées aux articles L. 1226-10 et L. 1226-11 s’appliquent également aux salariés en contrat de travail à durée déterminée ;
    • la rupture du contrat de travail à durée déterminée ouvre droit, pour le salarié, à une indemnité dont le montant ne peut être inférieur au double de celui de l’indemnité prévue à l’article L. 1234-9 du Code du travail, cette indemnité de rupture étant versée selon les mêmes modalités que l’indemnité de précarité prévue à l’article L. 1243-8 du Code du travail.

 

Pour conclure, l’employeur a intérêt à soigner la procédure entourant la rupture du contrat de travail qu’il souhaite mettre en œuvre lorsqu’il se trouve confronté à un salarié déclaré inapte par le médecin du travail.

En effet, il ressort tout d’abord de l’article L. 1226-15 du Code du travail qu’en cas de licenciement prononcé en méconnaissance des dispositions relatives au reclassement du salarié déclaré inapte, le conseil de prud’hommes peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise, avec maintien des avantages qu’il a acquis. A défaut de volonté du salarié et/ou de l’employeur quant à cette réintégration, le conseil de prud’hommes octroiera au salarié une indemnité au minimum équivalente aux salaires des six derniers mois [50], à laquelle s’ajouterait l’indemnité compensatrice de préavis et l’indemnité de licenciement égale au double de l’indemnité légale de licenciement de droit commun visée à l’article L. 1226-14 du Code du travail.

Par ailleurs, le même article L. 1226-15 du Code du travail prévoit en son dernier alinéa que si le licenciement est prononcé en méconnaissance des dispositions du dernier alinéa de l’article L. 1226-12 du même Code (c’est-à-dire ne respecte pas les règles applicables s’agissant de la mise en œuvre de la procédure de licenciement pour motif personnel), il est fait application des dispositions prévues par l’article L. 1235-2 en cas d’inobservation de la procédure de licenciement [51].

Les enjeux étant importants et parfois très lourds sur le plan financier, l’employeur pourra avoir intérêt :

    • à contester le caractère professionnel de l’accident dont le salarié a été la victime auprès de l’organisme de Sécurité sociale (la CPAM pour la très grande majorité des salariés) puis de la commission de recours amiable de celle-ci et enfin du tribunal de grande instance -pôle social- et des juridictions d’appel et de cassation. Indépendamment du fait qu’une décision définitive venant préciser que l’accident ne relève pas de la législation professionnelle aurait un impact positif important sur le compte employeur, cette décision pourrait conduire ledit employeur à considérer que le salarié se trouve juridiquement en situation de maladie, laquelle est moins protectrice pour ce dernier ;
    • à contester l’avis du médecin du travail qui n’irait pas dans le sens qu’il souhaite en saisissant le conseil de prud’hommes compétent, en la forme des référés, ce dans le délai de 15 jours suivant l’expression de l’avis [52] ;
    • à privilégier la rupture conventionnelle du contrat de travail, plus consensuelle, étant précisé que la Cour de cassation a jugé que ce mode de rupture du contrat de travail était possible après que le salarié ait été déclaré physiquement inapte par le médecin du travail [53], sauf fraude ou vice du consentement.

 

[1] C. trav., art. L. 1226-6.

[2] Cf. CSS, art. L. 441-1 et R. 441-2 .

[3] Cf. CSS, art. R. 441-2. Avant le 1er décembre 2019, la déclaration du salarié devait intervenir par courrier recommandé AR.

[4] CSS, art. R. 441-3. Pour la déclaration des accidents dont sont victimes hors des locaux de l’établissement les personnes mentionnées aux 1°, 2°, 4°, 6°, 8° et 13° de l’article L. 311-3 du Code de la Sécurité sociale  auquel renvoie l’article L. 412-2 du même code, le délai imparti à l’employeur ne commence à courir que du jour où il a été informé de l’accident.

[5] Depuis le 1er décembre 2019, cf. CSS, art. R. 441-3. Auparavant, la notification devait intervenir par courrier recommandé AR.

[6] Cf. C. trav., art. L. 1226-7 .

[7] Absence d’au moins 30 jours (cf. C. trav., art. R. 4624-31)

[8] En ce sens, Cass. soc., 6 mai 1998, n° 96-40.506, publié ; Cass. soc., 10 novembre 1998, n° 96-43.811, publié  ; Cass. soc., 26 octobre 1999, n° 97-41.314, inédit ; Cass. soc., 28 novembre 2006, n° 05-44.252, F-D .

[9] Cass. soc., 22 mars 1989, n° 86-43655, publié au bulletin.

[10] Cass. soc., 12 octobre 1999, n° 97-40835, publié au bulletin.

[11] Cass. soc., 12 mars 2002, n° 99-42934, publié au bulletin  ; Cass. soc., 8 janvier 2003, n° 01-40.388, publié.

[12] Cass. soc., 15 février 1995, n° 91-40.923, Inédit ; Cass. soc., 16 mai 2000, n° 98-42.942, publié.

[13] Cf. C. trav., art. L. 1226-1

[14] Qui interdit au salarié, par exemple, de dénigrer son employeur ou d’exercer une activité concurrente de celle de son employeur.

[15] La faute grave se définit comme un fait ou un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue(nt) une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’il(ils) rend(ent) impossible le maintien du salarié dans l’entreprise pendant la durée du préavis.

[16] Cass. soc., 24 novembre 1993, n° 90-43.733, inédit au bulletin ; Cass. soc, 12 mai 2004, n° 02-44.325, publié

[17] Cass. soc., 5 avril 1990, n° 87-45.575, publié au bulletin ; Cass. soc., 20 juin 1990, n° 85-43.708, publié au bulletin ; Cass. soc., 8 avril 2009, n° 07-42.942, F-P+).

[18] Cass. soc., 15 mars 2005, n° 03-43.038, F-P+B ; Cass. soc., 26 septembre 2007, n° 06-43.156, F-D .

[19] Cass. soc., 28 janvier 1998, n° 94-43.194, Publié .

[20] Cass. soc., 21 novembre 2000, n° 98-42.509, Publié

[21] Cass. soc., 12 mai 1998, n° 95-45.602, Publié

[22] Cass. soc., 28 octobre 2009, n° 08-42.803, F-D ; Cass. soc., 23 mai 2017, n° 16-12.232, F-D

[23] Cass. soc., 13 novembre 1990, n° 87-42.893, Publié

[24] Cass. soc., 16 décembre 2010, n° 09-65.662, Inédit  ; Cass. soc., 26 avril 2017, n° 16-12.295, F-D

[25] C. trav., art. L. 1226-13

[26] Cass. soc., 7 mars 2007, n° 05-42.279, FP-P+B  ; Cass. Soc 27 janvier 2009, n° 07-45.290, F-D

[27] Cass. soc., 4 janvier 2000, n° 97-44.566, Publié

[28] Cass. soc., 12 mai 2004, n° 02-44.325, publié

[29] Cass. soc., 30 septembre 2014, n° 13-16.297, FS-P+B+R

[30] C. trav., art. L. 1226-13

[31] Cass. soc., 20 février 2019, n° 17-18.912, FS-P+B : «Mais attendu que pendant la période de suspension du contrat de travail consécutive à un accident du travail ou une maladie professionnelle, l’employeur peut seulement, dans le cas d’une rupture pour faute grave, reprocher au salarié des manquements à l’obligation de loyauté ; et attendu qu’ayant exactement retenu que la spécificité du métier de sportif professionnel obligeait le salarié, en cas de blessure, à se prêter aux soins nécessaires à la restauration de son potentiel physique, la cour d’appel, qui a constaté que pendant la période d’arrêt de travail consécutive à son accident du travail, le salarié n’avait pas honoré le rendez-vous destiné à organiser les séances de kinésithérapie prescrites par le médecin traitant de l’équipe et qu’il n’était pas demeuré à la disposition du kinésithérapeute pour suivre le protocole de soins, a fait ressortir l’existence d’un manquement du salarié à son obligation de loyauté rendant impossible la poursuite du contrat de travail».

[32] Cf. article L 1226-8 du Code du travail et Cass. soc., 24 mars 2010, n°09-40339

[33] Visée à l’article L. 1235-3-1 du Code du travail auquel se réfère l’article L. 1226-15  du même Code.

[34] Cass. soc., 28 mai 2014, n° 12-28.082, FS-P+B

[35] C. trav., art. L. 1226-12

[36] C. trav., art. L. 1226-10

[37] C. trav., art. L. 1226-10.

[38] C. trav., art. L. 1226-10.

[39] C. trav., art. L. 1226-10.

[40] C. trav., art. L. 1226-10.

[41] Le dernier alinéa de l’article L. 1226-10 du Code du travail précise que «la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu’elle contrôle dans les conditions définies à l’article L. 233-1, aux I et II de l’article L. 233-3 et à l’article L. 233-16 du Code de commerce».

[42] C. trav., art. L. 1226-12.

[43] L’employeur propose, le salarié dispose.

[44] Cass. soc., 4 septembre 2019, n° 18-18.169, F-D

[45] C. trav., art. L. 1226-11

[46] C. trav., art. L. 1226-11, préc..

[47] A savoir que tout maintien du salarié dans l’emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l’emploi.

[48] C. trav., art. L. 1226-14, avant dernier al..

[49] C. trav., art. L. 1226-14, dernier al..

[50] Cf. C. trav., art. L. 1226-15 qui renvoie à l’article L. 1235-3-1 du même Code.

[51] Cette indemnité ne peut être supérieure à un mois de salaire.

[52] C. trav., art. L. 4624-7

[53] Cass. soc., 9 mai 2019, n° 17-28.767, FS-P+B

Article publié dans LEXBASE Hebdo édition sociale n° 807 du 19/12/2019 : Accident du travail – Maladies professionnelles