Accords d’entreprise : les modalités de validation par référendum sont fixées
24 janvier 2017
La loi Travail du 8 août 2016 a redéfini les conditions de validité des accords collectifs conclus avec les organisations syndicales en généralisant progressivement le principe des accords majoritaires. Pragmatique, le législateur a prévu, qu’à défaut de majorité, les syndicats signataires minoritaires, pourront solliciter l’organisation d’une consultation directe des salariés sur le projet d’accord.
Les dispositions du décret n°2016-1797 du 20 décembre 2016 prévoient les conditions de ce référendum ainsi que la consultation en vue de la validation des accords conclus avec les élus ou les salariés mandatés.
Pour renforcer la légitimité des accords d’entreprise, dont le champ a été significativement élargi par la loi Travail, le législateur a subordonné leur validité à la signature par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives ayant recueilli plus de 50% des suffrages exprimés en faveur d’organisations syndicales au premier tour des dernières élections des titulaires au comité d’entreprise ou de la délégation unique du personnel ou, à défaut des délégués du personnel. La procédure d’opposition sera donc progressivement supprimée en faveur de la généralisation du principe majoritaire des accords d’entreprise.
Même si la base de calcul de la majorité de signature est assouplie (seuls les suffrages exprimés en faveur des syndicats représentatifs sont pris en compte), le risque d’une paralysie du dialogue social ne pouvait être exclu en l’absence de consensus entre les différentes organisations syndicales représentatives au niveau de l’entreprise. Le législateur a prévu dans l’hypothèse d’un accord minoritaire (signé par des syndicats représentant entre 30% et 50% des suffrages en faveur des syndicats représentatifs), la faculté pour les syndicats signataires de solliciter la consultation directe des salariés par référendum.
Ce principe des accords majoritaires est applicable depuis le 9 août 2016 aux accords de développement et de préservation de l’emploi, et depuis le 1er janvier 2017, aux accords sur la durée du travail, les repos et les congés.
Ces dispositions seront applicables, à compter du 1er septembre 2019, aux autres accords collectifs d’entreprise (à l’exception uniquement des accords de maintien de l’emploi qui conserveront leur régime propre).
Le décret du 20 décembre 2016 était donc attendu afin de fixer les modalités pratiques de validation des accords d’entreprise par consultation des salariés.
L’initiative du référendum appartient aux organisations syndicales signataires minoritaires
La consultation des salariés en vue de la validation d’un accord minoritaire est organisée à la demande d’une ou plusieurs organisations syndicales signataires de l’accord ayant recueilli plus de 30% des suffrages. Cette demande est notifiée à l’employeur et aux autres organisations syndicales représentatives dans un délai d’un mois à compter de la signature de l’accord. Il est recommandé de procéder à cette notification par tout moyen permettant de fixer une date certaine.
Cette notification marque le point de départ d’un délai de huit jours supplémentaires permettant aux syndicats représentatifs de se positionner sur le projet d’accord.
A l’expiration de ce délai :
- soit l’accord devient majoritaire, le processus de consultation n’est plus engagé, l’accord est validé ;
- soit l’accord ne bénéficie plus de la signature d’organisations syndicales ayant recueilli plus de 30% des suffrages exprimés en faveur d’organisations représentatives au premier tour des élections, le référendum ne peut être organisé. L’accord est réputé non écrit ;
- soit l’accord reste minoritaire, et il incombe à l’employeur d’organiser la consultation dans un délai de deux mois selon les modalités prévues par un protocole spécifique.
Un protocole d’accord organise la consultation
Ce protocole conclu entre l’employeur et une ou plusieurs organisations signataires recueillant plus de 30% des suffrages exprimés en faveur d’organisations représentatives au premier tour des dernières élections aménage la consultation des salariés sur le projet d’accord. Il doit fixer les modalités de transmission aux salariés du texte de l’accord, le lieu, la date et l’heure du scrutin (pendant le temps de travail), les dispositions relatives à l’organisation et au déroulement du vote (à bulletin secret sous enveloppe ou par voie électronique), le texte de la question soumise au vote des salariés ainsi que la liste des salariés des établissements couverts par l’accord.
Une fois adopté, le protocole d’accord est porté à la connaissance des salariés par tout moyen au plus tard quinze jours avant la consultation.
En cas de désaccord sur les modalités d’organisation de la consultation fixées par le protocole, les organisations syndicales représentatives pourront saisir, dans un délai de huit jours à compter de la communication du protocole, le tribunal d’instance qui statue en la forme des référés et en dernier ressort.
L’issue du référendum
A l’issue du vote, un procès-verbal est établi et en cas de validation de l’accord par les salariés à la majorité des suffrages exprimés, il est annexé à l’accord lors de son dépôt. Si l’accord soumis au référendum n’est pas validé par les salariés, ledit accord est réputé non écrit.
La procédure de validation des accords collectifs minoritaires par voie référendaire est un outil supplémentaire permettant de dépasser les éventuelles difficultés à la conclusion d’accords d’entreprise avec les organisations syndicales en sollicitant directement l’avis des salariés. Cependant, les organisations syndicales pourraient être réticentes à recourir à ce dispositif de validation de l’accord considéré par certaines comme remettant en cause leur légitimité à représenter l’intérêt collectif et l’organisation du référendum très encadrée pourraient être source d’un nouveau contentieux pour tenter de faire obstacle à cette procédure.
La validation obligatoire des accords dérogatoires par référendum
De tels écueils ne devraient pas concerner la consultation des salariés sur les accords conclus dans le cadre de la négociation dérogatoire, avec les élus ou des salariés mandatés. Dans ce cas de figure, l’accord doit être approuvé par les salariés à la majorité des suffrages exprimés. La procédure référendaire est fixée par l’employeur après consultation des élus ou des salariés mandatés et la consultation des salariés doit être organisée par l’employeur dans un délai de deux mois à compter de la conclusion de l’accord.
Auteur
Maïté Ollivier, avocat en droit social
Accords d’entreprise : les modalités de validation par référendum sont fixées – Article paru dans Les Echos Business du 23 janvier 2017
A lire également
La reprise d’entreprises en difficulté facilitée... 6 octobre 2017 | CMS FL
Les ordonnances Macron à la lumière des décisions du Conseil constitutionnel ... 13 décembre 2017 | CMS FL
Sécurisation de l’emploi : vers une nouvelle démocratie sociale ?... 21 juin 2013 | CMS FL
Le droit à la déconnexion consacré par la Loi Travail... 8 novembre 2016 | CMS FL
Nullité de la clause de non-concurrence : conditions d’indemnisation du salar... 27 octobre 2015 | CMS FL
Budgets du comité d’entreprise : le revirement de jurisprudence de la Cour de... 2 mai 2018 | CMS FL
Consultation du CSE sur la politique sociale : l’expert peut demander des info... 13 septembre 2022 | Pascaline Neymond
Une application jurisprudentielle plus réaliste de l’égalité de traitement... 9 novembre 2016 | CMS FL
Articles récents
- Rapport de durabilité : la nouvelle obligation de consultation du CSE entre en vigueur le 1er janvier 2025
- Statut de lanceur d’alerte : le Défenseur des droits et la jurisprudence précisent ses contours
- Enquêtes internes : des règles en constante évolution
- Pas de co-emploi sans immixtion dans la gestion économique et sociale de la société : illustration en présence d’une société d’exploitation
- Fixation du plafond de la sécurité sociale pour 2025
- Un salarié licencié pour harcèlement sexuel ne peut se prévaloir du phénomène «#Metoo»
- Régimes de retraite des dirigeants : prestations définies versus actions gratuites
- SMIC : Relèvement du salaire minimum de croissance au 1er novembre 2024
- Inaptitude et reclassement : c’est au salarié qu’il appartient de rapporter la preuve d’une déloyauté de l’employeur
- Conférence – Gestion des fins de carrière : que font les entreprises et quelles solutions à dispositions ?