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Action en contrefaçon de marque : compétence pan-européenne des tribunaux et établissement stable d’une société installée dans un Etat tiers

Action en contrefaçon de marque : compétence pan-européenne des tribunaux et établissement stable d’une société installée dans un Etat tiers

La société danoise Hummel est titulaire d’une marque figurative constituée par cette disposition de chevrons placés verticalement :

Estimant que des sociétés du groupe Nike avaient commis des actes de contrefaçon de cette marque, notamment en Allemagne, elle a engagé des poursuites en réparation du préjudice subi sur l’ensemble du territoire de l’Union européenne (UE), à l’encontre de la société mère Nike Inc., dont le siège est aux Etats Unis, et de sa filiale hollandaise Nike Retail, devant les juridictions de Düsseldorf. Les deux défenderesses ont en retour contesté la compétence pan-européenne des tribunaux allemands.

Estimant que la détermination des règles de compétence applicables nécessitait d’interpréter l’article 97 du règlement 207/2009 du 26 février 2009 sur la marque de l’UE (RMUE), la cour d’appel de Düsseldorf a saisi la Cour de justice de l’UE sur l’interprétation de la notion d’établissement, au sens de cette disposition, en ces termes : « dans quelles conditions une société juridiquement indépendante, établie dans un État membre de l’Union, qui est une sous-filiale d’une entreprise qui n’a pas elle-même son siège dans l’Union, doit-elle être considérée comme un “établissement” de cette entreprise au sens de l’article 97-1, RMUE ? ».

L’article 97 du RMUE organise la compétence internationale des tribunaux des marques de l’UE (MUE). Le principe veut qu’une action en contrefaçon d’une MUE soit portée dans l’Etat membre où est domicilié le défendeur. Si le défendeur n’est pas domicilié dans un Etat membre, il peut être assigné dans l’Etat membre sur le territoire duquel il a un établissement. Et s’il n’a ni domicile, ni établissement dans un Etat membre, le demandeur peut alors assigner dans l’Etat où il a lui-même son domicile ou un établissement. Si la compétence du tribunal des marques de l’Union européenne est fondée sur une de ces alternatives, l’étendue de sa juridiction est pan-européenne.

A défaut, l’action en contrefaçon peut encore être engagée, en application de l’article 97 5° du RMUE, devant le tribunal des MUE sur le territoire duquel les faits de contrefaçon ont été commis ou menacent d’être commis. Toutefois, dans le dernier cas, la compétence du tribunal est limitée aux seuls faits commis dans le ressort de sa juridiction.

En réponse aux questions posées, la Cour de justice juge tout d’abord que la notion d’établissement, au sens de l’article 97 du RMUE, ne peut s’interpréter sur le fondement d’un droit national : il s’agit d’une notion de droit de l’Union qui requiert une interprétation autonome et uniforme (CJUE, 18 mai 2017, C-617/15, Hummel Holding c/ Nike Inc, points 22 et 23). Elle doit s’interpréter de manière « large » et son existence doit « aisément » pouvoir être reconnue. Il suffit d’« une forme de présence réelle et stable, à partir de laquelle une activité commerciale est exercée, et qui se manifeste d’une façon durable vers l’extérieur, comme le prolongement d’une maison mère » (point 37).

Pour déterminer ce qu’est un établissement sur le territoire d’un Etat membre d’une société ayant son siège dans un Etat tiers, ne jouent aucun rôle le fait :

  • que l’établissement ait ou non la personnalité juridique (point 38) ;
  • qu’il soit une filiale directe ou une sous-filiale de la maison-mère (point 39) ;
  • ou encore qu’il ait participé ou non à la contrefaçon alléguée (point 40).

Grâce à cette interprétation très extensive de la notion d’établissement, les titulaires de MUE ayant été victimes de faits de contrefaçon, dont le responsable principal est domicilié dans un Etat tiers, auront un choix très important en ce qui concerne le for pourvu d’une compétence globale, puisqu’ils pourront porter leurs actions devant tout tribunal des Etats membres dans lesquels cette société a un établissement qui a l’apparence d’être un prolongement opérationnel de la maison mère.

Le forum shopping a encore de beaux jours devant nous.

 

Auteur

José Monteiro, of Counsel, droit de la propriété intellectuelle