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L’actualité de l’obsolescence programmée

L’actualité de l’obsolescence programmée

Logiciels incompatibles, batteries inamovibles, cartouches d’encre à mémoire, etc. Après la « loi Hamon », c’est au tour du projet de « loi Royal » d’aborder le sujet bouillant de la lutte contre l’obsolescence programmée.

Les initiatives se sont en effet multipliées ces dernières années aux niveaux national et de l’Union européenne (rapport du centre européen de la consommation, avis du Conseil économique et social européen, propositions de lois, etc.) pour dénoncer l’une des « dérives de notre société de consommation » consistant à raccourcir intentionnellement la durée de vie d’un produit lors de sa conception.

La loi du 17 mars 2014 relative à la consommation avait déjà, dans une certaine mesure, souhaité lutter contre cette dérive, d’une part, en renforçant, à compter du 18 mars 2016, la garantie légale de conformité des biens meubles par un important allongement de la présomption d’existence du défaut de conformité au moment de la délivrance du bien de six mois à deux ans (article L.211-7 du Code de la consommation) et, d’autre part, en instaurant une obligation précontractuelle d’information sur la période de disponibilité des pièces détachées indispensables à l’utilisation des biens meubles doublée d’une obligation de fourniture de ces pièces détachées (article L.111-3 du Code de la consommation, voir notre Lettre de la Concurrence de février 2015).

C’est donc, cette fois, sous couvert d’une motivation environnementale que le sujet est revenu sur la table par le biais d’un amendement défendu dans le cadre du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte.

Le texte adopté par les sénateurs en première lecture le 16 février 2015 (procédure accélérée), prévoit donc d’aller plus loin dans la lutte en créant un délit d’obsolescence programmée.

Un nouvel article L.213-4-1 du Code de la Consommation définirait cette notion comme « tout stratagème par lequel un bien voit sa durée de vie sciemment réduite dès sa conception, limitant ainsi sa durée d’usage pour des raisons de modèle économique« .

Ce nouveau délit autonome serait puni d’une peine de deux ans d’emprisonnement et de 300 000 euros d’amende (1 500 000 euros pour les personnes morales).

Le texte reprend ainsi à son compte la formulation exacte retenue par un rapport de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) en l’assortissant d’une sévère sanction.
A la lecture de ces dispositions, on comprend que leur viabilité est grandement menacée en l’état.

En effet, s’il est vrai que la tâche de définition de ce concept « d’obsolescence programmée » est ardue, ce texte paraît revêtir une portée beaucoup trop large, problématique au regard du principe de légalité des délits et des peines mais aussi de leur éventuelle application.

Par ailleurs, nombre d’industriels et d’économistes devraient certainement s’élever contre ce projet. En effet, l’obsolescence est loin d’être unanimement considérée comme une dérive. Pour leurs détracteurs, ces évolutions législatives risquent ainsi de porter atteinte à la croissance car la limitation de la durée de vie des produits permet de favoriser l’innovation et la consommation.

Il s’agit donc d’une disposition qui, si elle réussit à passer au travers des pressions et critiques dans le cadre de ce processus législatif accéléré, donnera assurément naissance à de nombreuses difficultés d’interprétation et de mise en œuvre.

Prochaine étape devant la Commission mixte paritaire. Affaire à suivre…

 

Auteur

 Amaury Le Bourdon, avocat spécialisé en droit de la concurrence et de la distribution