Actualité de la Transaction
26 décembre 2014
Depuis plus de 200 ans l’article 2044 du Code civil énonce «La transaction est un contrat par lequel les parties terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître. Ce contrat doit être rédigé par écrit ».
Prévenir ou purger une contestation, la transaction est en principe un instrument clé de la sécurité juridique.
Cependant, depuis 20 ans, la jurisprudence en droit du travail a introduit une certaine insécurité dans la transaction, en multipliant les annulations ou en en limitant la portée. L’année 2014 semble marquer une recherche d’équilibre.
Transaction et rupture
La chambre sociale confirme son refus que la transaction se confonde avec la décision de rupture. En cas de licenciement, on ne peut par ailleurs transiger sur la rupture qu’après que la notification du licenciement a été effectuée et formalisée par LRAR dont le salarié doit de surcroît avoir pris connaissance. Et, en matière de licenciement économique collectif, la jurisprudence n’est pour l’heure pas disposée à permettre d’intégrer dans le plan social une offre collective de transaction.
Pour la rupture conventionnelle, un arrêt du 26 mars 2014 reprend cette logique restrictive. Il en ressort que la transaction doit satisfaire à deux exigences ; elle doit, d’une part, être postérieure à la décision administrative homologuant ou autorisant la rupture et, ne peut, d’autre part, «régler qu’un différend relatif non pas à la rupture du contrat de travail mais à son exécution sur des éléments non compris dans la convention de rupture».
Portée de la transaction
La transaction ne vaut que pour son objet. Si les parties n’ont entendu transiger que sur un sujet précis, elles conservent ainsi la liberté de poursuivre le combat sur d’autres thèmes.
Concrètement, cependant, la volonté des parties et notamment de l’employeur est de transiger globalement, en échange de l’abandon de toutes poursuites ultérieures. On retrouve ici la logique de l’autorité de la chose jugée qui se combine, en matière de contentieux prud’homal, avec la règle de l’unicité d’instance qui veut qu’un salarié ne puisse plus engager de procès sur des réclamations dont le fondement lui était déjà connu avant la fin d’un précédent contentieux.
Reste à savoir comment formuler à cet effet les clauses relatives à l’objet du différend et à la renonciation à contentieux.
La solution la plus simple est de formuler un principe général, tel que «le salarié reconnaît n’avoir plus rien à réclamer à l’employeur à quelque titre que ce soit et pour quelque cause que ce soit, tant en raison de l’exécution que de la rupture du contrat de travail». La jurisprudence avait cependant fréquemment limité l’efficacité de ces clauses en interprétant la volonté des parties pour en déduire que la clause n’interdisait pas telle ou telle réclamation complémentaire, dès lors que celle-ci n’était pas expressément visée comme un objet du litige.
La tendance s’est donc développée de lister toutes les rubriques envisageables ou, du moins, tous les «droits» potentiels identifiés comme susceptibles d’alimenter un contentieux futur.
indépendamment de la lourdeur de l’exercice (et du fait que cette démarche risque de susciter des idées de réclamations supplémentaires !), l’expérience montre que les listes les plus longues conservent leurs failles et leurs oublis, a fortiori lorsque c’est l’évolution jurisprudentielle qui fait ultérieurement apparaître l’opportunité d’un nouveau chef de réclamation. Les anciens salariés tentent parfois de s’appuyer sur le fait que le litige à l’origine de la demande post-transaction n’a pas été mentionné dans l’exposé des faits donnant lieu à transaction.
Une décision récente du 5 novembre 2014 semble cependant s’inscrire dans une approche plus globale. La transaction, faisant suite à un licenciement pour faute grave, prévoyait une «indemnité … constitutive de dommages-intérêts en réparation du préjudice autre que la perte de salaire que l’intéressé prétend subir du fait de la rupture de son contrat de travail». Ce souci d’écarter la qualification de «perte de salaire» s’expliquait vraisemblablement par un souci partagé d’éviter les prélèvements de cotisations sur les salaires, la Cour de cassation ayant déjà, de façon contestable, requalifié automatiquement en salaire cotisable, au titre d’un soi-disant préavis, une indemnité transactionnelle allouée après un licenciement pour faute grave. Mais cette formulation transactionnelle ouvrait aussi la porte à l’action qu’a immédiatement engagée le salarié, pour obtenir un complément de salaire au titre notamment d’une indemnité compensatrice de préavis et du préjudice résultant pour lui de la perte de son emploi.
La Cour d’appel, approuvée par la Cour de cassation a cependant rejeté cette demande en faisant prévaloir la formule générale de la transaction par laquelle «le salarié a déclaré n’avoir plus rien à réclamer à l’employeur à «quelque titre que ce soit et pour quelque cause que ce soit, tant en raison de l’exécution que de la rupture du contrat de travail», pour en déduire qu’ «il ne pouvait pas prétendre au paiement de sommes à titre de dommages et intérêts pour perte de salaires et d’une indemnité compensatrice de préavis».
Faut-il y voir un changement radical ? Force est de constater que les faits de l’espèce pouvaient justifier cette solution, les sommes réclamées par l’intéressé se rattachant directement à la rupture, objet même de la transaction. Mais la décision est publiée, ce qui souligne son importance. Il sera donc intéressant de voir si la solution sera étendue à des demandes d’une autre nature et liées en particulier à l’exécution du contrat de travail (harcèlement moral, heures supplémentaires, etc.).
Pour l’heure, on ne peut que recommander de continuer à être prudent et le plus exhaustif possible dans la rédaction des transactions.
Clauses accessoires
La transaction s’accompagne fréquemment d’engagements accessoires et notamment de clauses de confidentialité et de non-agression. La Cour de cassation a affirmé sa volonté de voir respecter la parole donnée en approuvant la condamnation d’un salarié ayant violé cet engagement et contestant après coup sa validité. La transaction peut ainsi prévoir «des restrictions à la liberté d’expression pour assurer la protection de la réputation et des droits d’autrui dès lors que ces restrictions sont proportionnées au but recherché» (Cass. soc. 14 janvier 2014).
Il ne faut en conséquence pas hésiter à adapter le contenu de chaque protocole à la situation d’espèce.
Auteur
Marie-Pierrre Schramm, avocat associée, spécialisée en conseil et en contentieux dans le domaine du droit social.
Article paru dans Les Echos Business le 26 décembre 2014
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