L’adaptation de la méthode hôtelière aux nouvelles pratiques du marché
Le marché hôtelier fait l’objet, depuis plus d’une dizaine d’années, d’une profonde mutation compte tenu, notamment, de la pratique du « pricing dynamique » et de l’émergence des online travel agencies (OTA) comme Booking ou Expedia. La méthode hôtelière utilisée pour fixer la valeur locative des hôtels et des résidences hôtelières a dû s’adapter à ces évolutions.
Les hôtels et les résidences hôtelières constituent des locaux monovalents au sens de l’article R. 145-10 du Code de commerce, la monovalence s’entendant de locaux construits en vue d’une seule utilisation et qui ne peuvent être affectés à un autre usage commercial sans d’importants travaux. La monovalence entraîne des conséquences concernant la fixation du loyer de renouvellement lequel échappe de plein droit au mécanisme de plafonnement du loyer (art. L. 145-34 C. com.) pour être fixé à la valeur locative déterminée en fonction des usages observés dans la branche d’activité considérée.
Traditionnellement, dans le secteur de l’hôtellerie, la valeur locative est fixée en fonction de la méthode dite hôtelière assise sur le chiffre d’affaires théorique TTC déterminé par les prix affichés qui sont plus élevés que les prix réellement pratiqués.
Cette méthode traditionnelle est décorrélée de la pratique du marché puisque le prix n’est plus fixé à l’année ou en fonction de la basse et de la haute saison mais adapté quotidiennement en fonction de l’occupation des chambres et des réservations.
Cette pratique de « pricing dynamique » a été reconnue par la nouvelle réglementation applicable à l’affichage des tarifs qui n’impose plus l’affichage du prix minimal ou maximal pratiqué pendant l’année mais simplement « l’affichage du prix pratiqué pour la prochaine nuitée » (arrêté du 18 déc. 2015).
Récemment, le juge des loyers du tribunal de grande instance de Paris a retenu les études sectorielles pour évaluer la valeur locative et a écarté les prix affichés compte tenu du prix extrêmement fluctuant des chambres depuis l’utilisation généralisée d’Internet (TGI Paris, loyers commerciaux, 23 juin 2015, n°12/15303).
La Compagnie des experts en immobilier commercial et d’entreprise près la cour d’appel de Paris a engagé une réflexion afin de procéder à la refonte de la méthode hôtelière traditionnelle (AJDI, oct. 2016). Ses propositions consistent à déterminer la valeur locative en fonction d’un « prix praticable par chambre » à partir des sources mises à disposition par la Compagnie, ce prix étant différencié en fonction de l’emplacement, de la catégorie de l’établissement et de la chambre : le recours à la notion de prix affiché disparaît. En pratique, la détermination du prix praticable suppose que les experts sur l’ensemble de la France disposent de sources documentaires permettant de déterminer un « prix praticable par chambre ».
A ce prix praticable seront déduites la TVA ainsi que la taxe de séjour pour obtenir une recette théorique annuelle hors taxes. Bien entendu, il conviendra d’appliquer un abattement au titre des commissions versées aux OTA et d’ajuster la recette théorique en fonction du taux d’occupation déterminé à  partir des données statistiques.
S’agissant du taux sur recettes, la Compagnie des experts propose d’appliquer de nouveaux coefficients :
- 21 à 25% pour les établissements en situation secondaire pratiquement sans services apportés autres que l’hébergement (hôtels dits de préfectures, 1 et 2 étoiles) ;
- 18 à 21% pour les hôtels équivalents à 1 ou 2 étoiles banalement placés, avec prestations annexes modérées ;
- 15 à 18% pour les hôtels 3 et 4 étoiles en centre-ville ou en périphérie ; et
- 12 à 15% pour un hôtel 5 étoiles.
En matière de résidences hôtelières, les taux sont généralement compris entre 25 et 35%.
Il est souhaitable que cette refonte, initiée par la Compagnie des experts près la cour d’appel de Paris, qui reflète la réalité du marché soit accueillie favorablement par l’ensemble des tribunaux.
Auteur
Géraldine Machinet, avocat, droit immobilier