Point d’étape sur l’adoption du futur « Code européen des télécoms »
Annoncé en septembre 2016, le projet de Code européen des communications électroniques a pour objet de refondre et de faire évoluer le « Paquet Télécom » de 2009.
Les exigences du cadre européen sont à resituer dans un contexte de modifications profondes, à la fois technologiques et économiques, portées par :
- un nouveau cycle d’investissements à long terme très importants dans les réseaux à très haut débit fixes et mobiles ;
- un nouvel écosystème numérique, avec, en premier lieu, l’apparition de services fournis par Internet modifiant la chaîne de valeur traditionnelle des services de communications électroniques et, en second lieu, de nouvelles évolutions à venir avec le développement de l’Internet des objets par exemple.
L’objectif affiché par la Commission européenne est d’offrir une connectivité à très haut débit à l’ensemble des citoyens et de promouvoir à cette fin un renforcement de la concurrence par les infrastructures, une meilleure gestion des fréquences radio, une meilleure protection des consommateurs et des services en ligne mieux encadrés.
1341 : c’est le nombre d’amendements déposés à ce jour au Parlement européen sur le projet de Code présenté par la Commission européenne. La Commission du Parlement en charge du dossier a jusqu’au 11 juillet 2017 pour trouver un compromis sur ce texte. Pendant ce temps, le Conseil de l’Union européenne, co-législateur européen, poursuit sa lecture du texte.
Néanmoins, un regard critique sur le projet de la Commission européenne peut d’ores et déjà être apporté sur deux principaux points :
- d’une part, ce projet propose de réduire davantage les mesures de régulation des offres des opérateurs exerçant une position dominante sur le marché, au risque de ralentir l’entrée des petits opérateurs sur le marché et de renforcer la tendance aux oligopoles.
Rappelons sur ce point que, dans sa contribution à la consultation publique de la Commission sur la révision du « Paquet Télécom », l’ARCEP avait précisé en décembre 2015 que, « si l’incitation à l’investissement et au co-investissement dans les nouveaux réseaux peut passer par la prise en compte d’une prime de risque dans les tarifs de l’accès aux produits de gros, elle ne doit pas se traduire par un allégement des obligations d’accès. En effet, le caractère ouvert des réseaux demeure un prérequis fondamental au jeu concurrentiel, à l’investissement et à l’innovation. Qui plus est, la définition de produits d’accès adaptés, qu’ils soient passifs ou actifs, dépend de circonstances locales ou nationales et relève donc du régulateur national ». - d’autre part, ce projet suggère une attribution des fréquences pour une durée minimale de 25 ans, ce qui contrecarre ainsi les attentes du secteur en faveur d’une plus grande coordination au sein de l’Union européenne où les licences mobiles sont attribuées à ce jour pour des durées de 10 à 15 ans. Quinze Etats membres – parmi lesquels ne figure pas la France – se sont ouvertement opposés à cette proposition, jugeant cependant que les durées obligatoires proposées pour les licences sont disproportionnées et pas assez souples pour répondre aux développements du marché. Cela dans un contexte ou l’exécutif européen s’est fixé comme priorité de favoriser le développement de la technologie mobile 5G en Europe.
Dans l’attente de la position du Parlement européen sur ce rapport et sur le projet de Code, la Commission a lancé une consultation publique jusqu’au 26 juin 2017 en vue de la révision des lignes directrices de juillet 2002 pour l’évaluation de la puissance sur le marché, afin de faire coïncider cette révision avec la mise en application du futur Code des télécoms.
Relevons par ailleurs que, le 11 mai 2017, le Organe des régulateurs européens des communications électroniques (ORECE) a souligné l’importance de la révision du cadre réglementaire afin de fournir aux acteurs du marché les meilleures conditions pour investir dans le déploiement des réseaux à très haut débit. L’autorité de régulation européenne réaffirme que la concurrence est un facteur-clé pour l’investissement et qu’il faut considérer une réglementation adaptée et proportionnée comme une condition et non comme un obstacle aux investissements.
Par conséquent, toujours selon le ORECE, les autorités de régulation nationales devraient rester en mesure de définir le traitement réglementaire le plus approprié aux nouveaux éléments du réseau et aux entreprises séparées verticalement ; toute réorientation de la réglementation en matière d’exercice de la concurrence devrait reposer sur une évaluation spécifique du marché. Dans le même temps, l’adaptation du cadre juridique devra répondre à l’évolution des structures du marché en permettant aux régulateurs nationaux de réglementer les oligopoles non compétitifs -notamment les duopoles-, de protéger la compétitivité du secteur et de garantir des conditions d’investissement favorable et durable.
Enfin, l’ORECE se félicite des propositions de la Commission relatives à la fonction ciblée des autorités de régulation en matière de gestion du spectre européen sur ce marché. Il reste important à ses yeux que cette gestion soit soumise à une coordination flexible plutôt qu’à une « harmonisation difficile ».
Auteur
Audrey Maurel, avocat, Droit des communications électroniques