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Droit public | Affaire SNCM : le Tribunal de l’Union européenne encadre la liberté des États membres quant à la définition des SIEG

Droit public | Affaire SNCM : le Tribunal de l’Union européenne encadre la liberté des États membres quant à la définition des SIEG

Par deux arrêts du 1er mars 2017, le Tribunal de l’Union européenne (TUE) a confirmé le caractère d’aide d’État des subventions de 220 millions d’euros versées à la Société nationale maritime Corse Méditerranée (SNCM) au titre d’un service complémentaire de transport maritime entre Marseille et la Corse et valide l’approche de la Commission ayant refusé de voir dans ce service un véritable service d’intérêt économique général (SIEG) (TUE, 1er mars 2017, T-366/13, France c/ Commission et T-454/13, SNCM c/ Commission).

Le Tribunal avait été saisi de deux recours en annulation introduits respectivement par la SNCM et par L’État français à l’encontre de la décision 2013/435 de la Commission concernant l’aide mise à exécution par la France en faveur de la SNCM et de la Compagnie méridionale de navigation. La Commission avait considéré que la compensation de service public dont avait bénéficié la SNCM s’agissant du service complémentaire ne remplissait ni le premier ni le dernier des quatre critères « Altmark », lesquels permettent de définir les mesures de compensation de service public échappant à la qualification d’aide d’État (CJCE, 24 juillet 2003, C-280/00, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg).

La portée pratique de ces arrêts est toute relative puisque, compte tenu de la mise en redressement judiciaire et du plan de cession de la SNCM, le repreneur n’aura pas à restituer l’aide.

Pour mémoire, le tribunal de commerce de Marseille avait placé la SNCM en redressement judiciaire par jugement du 28 novembre 2014, avant d’ordonner sa cession au profit de Patrick Rocca par jugement du 20 novembre 2015. Par courrier daté du 27 novembre 2015, la Commission européenne a confirmé que cette reprise, de laquelle était exclue la convention de délégation de service public ayant fait l’objet des aides, permettait de constater une discontinuité économique entre la SNCM –bénéficiaire des aides- et le repreneur des actifs en cause.

Au-delà de la solution retenue, les deux arrêts du 1er mars 2017 présentent un intérêt quant à l’analyse du premier des critères « Altmark », relatif à l’existence d’un SIEG, à laquelle se livre le Tribunal. En effet, le TUE affirme que « même si l’État membre dispose d’un large pouvoir d’appréciation quant à la détermination de ce qu’il considère comme un SIEG, cela ne le dispense toutefois pas de démontrer à suffisance de droit que le périmètre de celui-ci est nécessaire et proportionné par rapport à un besoin réel de service public« .

Pour établir l’existence d’un tel besoin, la Commission a proposé une démonstration en trois étapes, pleinement validée par le Tribunal :

  • premièrement, il doit exister une demande des usagers pour tout ou partie des services entrant dans le périmètre du service public ;
  • deuxièmement, cette demande ne doit pas être susceptible d’être déjà satisfaite par les opérateurs du marché en l’absence d’obligation en ce sens fixée par les pouvoirs publics ;
  • troisièmement, les autorités nationales doivent privilégier l’approche qui porte le moins atteinte aux libertés, essentielles au bon fonctionnement du marché intérieur.

Le TUE a précisé, relativement à la deuxième étape, que « c’est sur la base d’un constat de carence de l’initiative privée qu’est déterminé le besoin réel de service public ».

Cette position n’est pas sans rappeler l’arrêt « Colt Télécommunications France c/ Commission » dans lequel le TUE avait déjà affirmé que « l’appréciation de l’existence d’une défaillance du marché constitue un préalable à la qualification d’une activité de SIEG et ainsi à la constatation de l’absence d’aide d’État » (TUE, 16 septembre 2013, T-79/10). Toutefois, il existait dans cette affaire comme dans celles ayant donné lieu aux deux arrêts du 1er mars 2017 des règles spécifiques du droit de l’Union encadrant la définition du contenu et du périmètre du SIEG. Il restera donc à déterminer si le critère de la carence de l’initiative privée s’applique également en l’absence de telles règles.

 

Auteur

Claire Vannini, avocat associé en droit de la concurrence national et européen

Marine Devulder, avocat, droit européen et droit des produits de santé