Alcool au travail : à quelles conditions ?
14 août 2019
Pots de départ, soirées d’équipes, déjeuners arrosés, ou encore alcoolisme chronique… Autant d’occasions de se trouver alcoolisé sur son lieu de travail. Alors, comment faire, en tant qu’employeur, pour que l’alcool et le travail fassent bon ménage ?
Comment gérer ces situations tout en respectant son obligation de sécurité ? Focus sur les principales règles en la matière.
L’alcool peut-il être toléré sur le lieu de travail ?
Oui, à condition que la prise d’alcool soit modérée, et qu’il s’agisse de vin, de bière, de cidre ou de poiré (article R. 4228-20 du Code du travail). Toute autre boisson alcoolisée est interdite.
La consommation d’alcool au travail peut-elle être limitée, voire interdite ?
Oui, à condition que cette restriction soit prévue par le règlement intérieur, et qu’elle soit justifiée par la nature de la tâche à accomplir et proportionnée au but recherché (article L.1321-3 du Code du travail).
Par conséquent, une « tolérance zéro alcool » ne sera généralement admise que sur certains postes en particulier, pour des raisons de sécurité (CE, 8 juillet 2019, n° 420434).
Comment contrôler la consommation d’alcool des salariés ?
Il est possible de soumettre un salarié à un contrôle d’alcoolémie au moyen d’un éthylotest, à condition que ce contrôle soit prévu par le règlement intérieur.
En outre, le contrôle de l’alcoolémie devra :
-
- se justifier par des conditions de travail particulières (par exemples, pour les salariés manipulant des produits dangereux, ou occupant une machine dangereuse, ou encore conduisant des véhicules automobiles) ;
-
- être organisé dans des conditions garantissant les droits du salarié (par exemple, prévoir la présence d’un tiers témoin, donner la possibilité au salarié de contester le contrôle, prévoir une contre-expertise, etc.).
Si le salarié refuse de se soumettre au test d’alcoolémie, valablement prévu dans le règlement intérieur, il sera possible de le sanctionner pour insubordination.
Alcool au travail : comment réagir face à un salarié en état d’ébriété manifeste ?
Outre l’obligation de sécurité de résultat de l’employeur, qui lui impose de prendre toutes les mesures pour préserver la santé de ses salariés, l’article R.4228-21 du Code du Travail prévoit qu’il est interdit de laisser entrer ou séjourner dans les lieux de travail des personnes en état d’ivresse.
Par conséquent, si vous constatez qu’un de vos salariés semble en état d’ébriété, pouvant mettre en danger sa santé ou celle des autres, vous devez l’inviter à quitter son poste de travail, en prenant surtout soin à ce qu’il n’utilise pas son véhicule personnel, au risque de voir votre responsabilité engagée en cas d’accident.
Si la situation le justifie, vous pouvez également l’inviter à se reposer dans un endroit calme, ou contacter directement les pompiers ou le SAMU, en fonction de son état.
Vous pourrez par ailleurs prendre attache avec le médecin du Travail.
Puis-je sanctionner un salarié en état d’ébriété sur son lieu de travail ?
S’il est strictement interdit de sanctionner le salarié sur le seul critère de l’alcoolisme, ce motif relevant de son état de santé, il est toutefois possible de le sanctionner en cas de non-respect des dispositions du règlement intérieur, ou si son état d’ivresse a des conséquences néfastes sur son comportement, sur son travail ou pour l’entreprise.
En tout état de cause, la sanction devra être proportionnée à la faute, et devra tenir compte des circonstances, des fonctions et de l’ancienneté du salarié.
L’état d’ébriété pourra constituer une faute grave dans certains cas, s’agissant par exemple d’un convoyeur en état d’ébriété et devant porter une arme pour les nécessités du service (cass. Soc. 14 juin 1994, n° 92-43.390), ou d’un directeur d’agence régulièrement en état d’ébriété, prenant alors le risque de ternir durablement l’image de l’entreprise (cass. Soc. 9 février 2012, n° 10-19.496), ou encore d’un salarié occasionnant un comportement agressif (cass. Soc. 29 avril 2009, n° 07-42.294).
Alcool au travail : comment prévenir les situations d’ivresse ?
Plusieurs actions peuvent être mises en place par l’employeur pour prévenir ces situations :
-
- encadrer voire interdire la consommation d’alcool dans le règlement intérieur, sans toutefois tomber dans l’excès ;
-
- collaborer avec le médecin du Travail ou les représentants du personnel ;
-
- prévoir des actions de formation et de prévention sur l’alcool au travail ;
-
- être attentif aux comportements de vos salariés ;
-
- garder en tête que sans alcool, la fête est plus folle.
Article publié dans Les Echos le 14/08/2019
A lire également
Un salarié peut-il pratiquer le covoiturage avec son véhicule professionnel ?... 26 décembre 2018 | CMS FL
La « charte IA » : un outil de contrôle et de conformité désormais incontou... 22 novembre 2024 | Pascaline Neymond
L’importance du code de conduite dans la mise en place d’un dispositif antic... 18 juin 2018 | CMS FL
Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur la messagerie électronique d’... 6 mars 2023 | Pascaline Neymond
Lutte contre le «sexisme» au travail : le poids des mots... 17 novembre 2016 | CMS FL
Salarié, drogue et test salivaire : une possibilité ouverte sous conditions... 18 janvier 2017 | CMS FL
Alcool et entreprise ne font pas toujours bon ménage... 26 novembre 2013 | CMS FL
Dénonciation de faits de harcèlement moral : enquête ou pas enquête ?... 12 juillet 2024 | Pascaline Neymond
Articles récents
- Télétravail à l’étranger et possible caractérisation d’une faute grave
- La « charte IA » : un outil de contrôle et de conformité désormais incontournable
- Rapport de durabilité : la nouvelle obligation de consultation du CSE entre en vigueur le 1er janvier 2025
- Statut de lanceur d’alerte : le Défenseur des droits et la jurisprudence précisent ses contours
- Enquêtes internes : des règles en constante évolution
- Pas de co-emploi sans immixtion dans la gestion économique et sociale de la société : illustration en présence d’une société d’exploitation
- Fixation du plafond de la sécurité sociale pour 2025
- Un salarié licencié pour harcèlement sexuel ne peut se prévaloir du phénomène «#Metoo»
- Régimes de retraite des dirigeants : prestations définies versus actions gratuites
- SMIC : Relèvement du salaire minimum de croissance au 1er novembre 2024