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Algérie | Règles de passation des marchés publics

Algérie | Règles de passation des marchés publics

Modes de passation des marchés publics

  • L’appel d’offres :

En premier lieu, il convient de signaler que la procédure d’appel d’offres est redéfinie dans le Décret de manière à en exclure expressément la négociation et à asseoir le choix de l’offre sur l’avantage économique qu’elle peut représenter. En effet, selon l’article 40 du Décret :

«L’appel d’offres est la procédure visant à obtenir les offres de plusieurs soumissionnaires entrant en concurrence et à attribuer le marché, sans négociation, au soumissionnaire présentant l’offre jugée économiquement la plus avantageuse sur la base de critères de choix objectifs, établis préalablement au lancement de la procédure».

Rappelons ici que la négociation était déjà proscrite dans cette procédure par l’article 58 de l’ancienne réglementation, dont le texte est repris à l’article 80 du Décret qui précise néanmoins que le service contractant :

  • peut, pour comparer les offres, demander par écrit aux soumissionnaires, de clarifier et de préciser la teneur de leurs offres, étant entendu que leurs réponses ne peuvent, en aucune manière, modifier leurs offres ou affecter la concurrence ;
  • peut également, après attribution du marché, et avec l’accord de l’attributaire du marché public, procéder à une « mise au point » du marché et à l’optimisation de son offre, sans que cela n’affecte les conditions de la concurrence.

En second lieu, dans le prolongement de la définition de l’article 40, le Décret définit le cas d’infructuosité en précisant que : «la procédure d’appel d’offres est déclarée infructueuse, lorsqu’aucune offre n’est réceptionnée ou lorsque, après avoir évalué les offres, aucune offre n’est déclarée conforme à l’objet du marché et au contenu du cahier des charges, ou lorsque le financement des besoins ne peut être assuré», ce qui sous-entend a priori que la réception d’une seule offre n’est désormais plus un motif d’infructuosité.

En dernier lieu, tout en écartant l’adjudication de la nomenclature des formes de l’appel d’offres national et/ou international (AONI), le Décret apporte des aménagements d’ordre terminologiques sur les appellations des différentes formes d’AONI. Ainsi :

  • «l’appel d’offres ouvert avec exigences de capacités minimales» remplace l’ancien «appel d’offres restreint» ;
  • «l’appel d’offres restreint» se substitue à la «consultation sélective» avec extension de son champ d’application aux marchés d’études ;
  • le concours peut désormais être restreint ou ouvert avec exigence de capacités minimales, étant précisé que le concours de maîtrise d’œuvre est obligatoirement restreint.

Le gré à gré :

Les cas de recours au gré à gré simple pour la passation de marchés publics sont agencés différemment afin d’assurer au nouveau texte une plus grande cohérence.

En outre, le Décret définit de nouvelles conditions pour les services contractants s’agissant du recours au gré à gré simple, conditions répondant assurément aux impératifs d’efficacité de la commande publique et de bonne utilisation des fonds publics.

A cet égard, l’article 50 du Décret prévoit que :

« Dans le cadre de la procédure de gré à gré simple, le service contractant doit :
– déterminer ses besoins dans le respect des dispositions de l’article 27 ci-dessus, sauf exception prévue par les dispositions du présent décret ;
– vérifier les capacités de l’opérateur économique, telles que précisées à l’article 54 du présent décret ;
– retenir un opérateur économique qui présente une offre économiquement avantageuse, telle que précisée à l’article 72 du présent décret ;
– organiser les négociations dans les conditions fixées à l’alinéa 6 de l’article 52 ci-après ;
– fonder la négociation de l’offre financière sur un référentiel des prix ».

Néanmoins, cette nouvelle disposition, qui semble tendre vers l’instauration d’une approche comparative dans le choix du potentiel cocontractant, nous semble contrevenir à la philosophie même du procédé et le dénuer de ses tenants, puisque le recours au gré à gré simple est en principe dicté en particulier par des considérations d’urgence, de monopole ou de danger imminent.

Concernant les cas de recours au gré à gré après consultation, l’article 51 du Décret reprend avec un peu plus de concision et de précision la teneur de l’article 44 de l’ancien texte.

  • Il est à retenir principalement à ce sujet que :le recours au gré à gré après consultation qui pouvait être envisagé dans l’ancien texte directement quand l’appel à la concurrence s’avérait infructueux, n’est désormais envisageable que lorsque l’appel d’offres est déclaré infructueux pour la deuxième fois. Soulignons ici que le Décret précise par ailleurs en son article 52 que «lorsque le service contractant recourt directement au gré à gré après consultation, et ne réceptionne aucune offre ou si, après évaluation des offres réceptionnées, aucune offre ne peut être retenue, la procédure est déclarée infructueuse» ;
  • le Décret précise pour les marchés d’études, de fournitures et de services spécifiques dont la nature ne nécessite pas le recours à un appel d’offres, que «la spécificité de ces marchés est déterminée par l’objet du marché, le faible degré de concurrence ou le caractère secret des prestations» ;
  • le Décret semble avoir étendu aux marchés de travaux le recours au gré à gré après consultation pour «les marchés déjà attribués, qui font l’objet d’une résiliation, et dont la nature ne s’accommode pas avec les délais d’un nouvel appel d’offres», alors que cela était expressément prévu dans l’ancien texte pour les marchés d’études, de fournitures ou de services.

Notons enfin que le gré à gré après consultation a été adjoint, dans les procédures de passation, à la liste des cas nécessitant obligatoirement une publicité par voie de presse (art. 61 du Décret).

Procédures de passation des marchés publics

Au stade de l’offre :

Retenons tout d’abord que les offres des soumissionnaires doivent dorénavant comporter trois volets : un dossier de candidature, une offre technique et une offre financière. Cette restructuration, qui semble être d’ordre méthodologique, n’a pas eu de conséquences sur le contenu de l’offre en tant que tel, sauf pour l’offre financière qui doit, aux termes de l’article 67 du Décret, contenir outre les éléments requis sous l’ancienne réglementation, la décomposition du prix global et forfaitaire (DPGF). En outre, le service contractant peut désormais demander, en fonction de l’objet du marché et son montant, les documents suivants :

  • le sous-détail des prix unitaires (SDPU) ;
  • le devis descriptif et estimatif détaillé (DDED).

S’agissant par ailleurs des capacités du candidat ou du soumissionnaire devant être documentées dans le dossier de candidature, soulignons cette grande avancée du Décret qui consiste à permettre à tout soumissionnaire ou candidat, seul ou en groupement, de se prévaloir non plus seulement de ses propres qualifications et références professionnelles comme le prévoyait l’article 39 de l’ancien texte, mais aussi des capacités d’autres entreprises avec lesquels des liens juridiques sont établis, ce qui est susceptible de lever bien des difficultés auxquelles faisaient face, tant les sociétés en partenariat de création récente, que les groupements d’entreprises.

En effet, l’article 51 du Décret dispose que :

« La prise en compte des capacités d’autres entreprises est subordonnée à l’existence entre elles, d’une relation juridique de sous-traitance, de cotraitance ou statutaire (filiale ou société mère d’un même groupe de sociétés), et à l’obligation de leur participation à la procédure de passation du marché public.
Dans le cadre d’un groupement momentané d’entreprises, le service contractant tient compte des capacités du groupement dans sa globalité. A ce titre, les membres du groupement ne sont pas tenus de justifier de l’ensemble des capacités exigées du groupement, dans le cahier des charges.
La capacité du sous-traitant présenté dans l’offre est prise en compte dans l’évaluation des capacités du soumissionnaire ou candidat ».

Le Décret introduit ensuite un certain nombre de mesures d’assouplissement concernant les éléments constitutifs de l’offre, dont ci-après un aperçu :

  • le montant minimum du chiffre d’affaires, le nombre de bilans et l’absence de références similaires ne doivent pas être des motifs pour rejeter les candidatures des PME nouvellement créées, sauf si l’objet et la nature du marché l’exigent ;
  • la propriété des moyens matériels ne doit être exigée que lorsque l’objet et la nature du marché le rendent nécessaire ;
  • le service contractant ne doit pas exiger des soumissionnaires ou candidats des documents certifiés conformes à l’original, sauf exception justifiée par un texte législatif ou un décret présidentiel.

Notons enfin que l’ouverture des plis et l’évaluation des offres est, sous l’empire du nouveau texte, effectuée par une seule et même commission, puisque l’article 160 du Décret dispose que : «dans le cadre du contrôle interne, le service contractant constitue une ou plusieurs commissions permanentes chargées de l’ouverture des plis, de l’analyse des offres, et, le cas échéant, les variantes et les options, dénommée ci-après « commission d’ouverture des plis et d’évaluation des offres ». Cette commission est composée de fonctionnaires qualifiés, relevant du service contractant, choisis en raison de leur compétence ».

Au stade du choix du cocontractant :

Le partenaire cocontractant peut-être une ou plusieurs personne(s) physique(s) ou morale(s) s’engageant au titre du marché, soit individuellement, soit dans le cadre d’un «groupement momentané d’entreprises» (GME). Cette dernière précision constitue en soi une nouveauté, puisque le Décret identifie ainsi clairement la catégorie de groupements pouvant être soumissionnaires ou candidats au sens de la réglementation des marchés publics.

En outre, le Décret précise en son article 81 que : «lorsque la nature du marché public l’exige, le service contractant peut exiger des candidats et des soumissionnaires, dans le cahier des charges, de se constituer en groupements momentanés d’entreprises solidaires

S’agissant des critères de choix du partenaire cocontractant, le Décret les identifie différemment de l’ancien texte, en disposant que le service contractant doit s’appuyer, pour choisir l’offre économiquement la plus avantageuse :

– soit sur plusieurs critères, entre autres :

  • la qualité ;
  • les délais d’exécution ou de livraison ;
  • le prix, le coût global d’acquisition et d’utilisation ;
  • le caractère esthétique et fonctionnel ;
  • les performances en matière sociale, pour promouvoir l’insertion professionnelle des personnes exclues du marché du travail et des handicapés, et les performances en matière de développement durable ;
  • la valeur technique ;
  • le service après-vente et l’assistance technique ;
  • les conditions de financement, le cas échéant, et la réduction de la part transférable offertes par les entreprises étrangères.

– soit, lorsque l’objet du marché le permet, sur le critère du prix uniquement.

Soulignons que si les moyens humains et matériels mis à la disposition du projet peuvent faire l’objet de critères de choix, il n’en va pas de même pour les capacités de l’entreprise.

Par ailleurs, le Décret appuie de manière manifestement plus importante que par le passé l’impératif du recours prioritaire à l’outil national de production, et celui de la promotion de la production nationale.

C’est ce qui ressort de l’article 85 du Décret selon lequel :

«Lorsque la production nationale ou l’outil de production national sont en mesure de répondre aux besoins à satisfaire du service contractant, ce dernier doit lancer un appel à la concurrence national (…).
Lorsque le service contractant lance un appel à la concurrence national et/ou international, sous réserve des exceptions prévues par les dispositions du présent décret, il doit, selon le cas :
– tenir compte, lors de l’établissement des conditions d’éligibilité et du système d’évaluation des offres, des potentialités des entreprises de droit algérien, notamment des petites et moyennes entreprises, pour leur permettre de participer aux procédures de passation des marchés publics (…) ;
– privilégier l’intégration à l’économie nationale et l’importance des lots ou produits sous-traités ou acquis sur le marché algérien ;
– (…) ;
– prévoir dans le cahier des charges, dans le cas des entreprises étrangères qui soumissionnent seules, sauf impossibilité dûment justifiée, l’obligation de sous-traiter au minimum trente pour cent (30 %) du montant initial du marché à des entreprises de droit algérien.
Quelle que soit la procédure choisie, le service contractant doit prévoir, dans le cahier des charges, des mesures ne permettant de recourir au produit importé que si le produit local équivalent est indisponible ou d’une qualité qui n’est pas conforme aux normes techniques exigées. En outre, le service contractant ne doit permettre de recourir aux sous-traitants étrangers que lorsque les entreprises de droit algérien ne sont pas en mesure de répondre à ses besoins ».

A noter que l’acception de préférence nationale est ainsi élargie et devient indubitablement «une option stratégique et un choix déterminant pour le développement de l’économie nationale1».

Enfin, l’article 73 du Décret prévoit que :

« Le service contractant peut, pour des motifs d’intérêt général, pendant toute la phase de passation d’un marché public, déclarer l’annulation de la procédure et/ou l’attribution provisoire du marché ».

Si elle libère les services contractants de l’obligation d’obtenir l’accord préalable de l’autorité de tutelle prévue dans l’ancienne réglementation, cette disposition leur accorde néanmoins une marge de manœuvre pouvant ouvrir la voie à quelques abus, d’autant que les considérations d’intérêt général ne sont ici aucunement définies.

Notification du marché

Si, à l’instar de l’ancienne réglementation, le Décret prévoit que la durée de validité des offres est obligatoirement mentionnée dans l’avis d’appel d’offres, il précise néanmoins que le service contractant est tenu de notifier le marché au soumissionnaire retenu, avant l’expiration du délai de validité des offres, et que s’il n’est pas en mesure d’attribuer le marché et de le notifier avant l’expiration du délai de validité des offres, il peut le proroger, après accord des soumissionnaires concernés (art. 99).

Concernant l’entreprise attributaire d’un marché public, le Décret précise que le délai de validité des offres est prorogé systématiquement, d’un mois supplémentaire.

En tout état de cause, le dépassement du délai de validité des offres, fait ouvrir au soumissionnaire concerné le droit à l’actualisation des prix.

Note

1 C’est ce qui vient d’être confirmé dans une instruction adressée par le Premier Ministre aux membres du Gouvernement et aux Walis. (Source: http://www.aps.dz/economie/32488-sellal-ordonne-aux-ministres-d-accorder-la-préférence-nationale-aux-marchés-publics )

 

Auteurs

Samir Sayah, Directeur de CMS Bureau Francis Lefebvre Algérie, spécialisé dans l’assistance juridique et fiscale aux investisseurs étrangers souhaitant concrétiser leurs projets algériens

Amine Bensiam, avocat, spécialisé en droit des investissements et de droit des marchés publics.

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