Amortissement du fonds commercial
L’administration a commenté les dispositions de la loi de finances pour 2022 instaurant un régime temporaire de déduction fiscale de l’amortissement du fonds commercial.
On sait que les éléments acquis du fonds de commerce qui ne peuvent figurer à d’autres postes du bilan sont inscrits au poste « fonds commercial » et que l’article 212-3 du Plan comptable général (PCG) prévoit que sont comptabilisés à ce poste les éléments incorporels du fonds de commerce acquis qui ne font pas l’objet d’une évaluation et d’une comptabilisation séparées au bilan, et qui concourent au maintien et au développement du potentiel d’activité de l’entité. Comptablement, le fonds commercial est présumé non amortissable mais l’article 214-3 du PCG prévoit qu’il doit être amorti en cas d’existence d’une limite prévisible à son exploitation et que même en l’absence d’une telle limite, les petites entreprises définies à l’article L 123-16 du Code de commerce peuvent amortir leur fonds commercial sur dix ans.
La loi de finances pour 2022 a légalisé le traitement fiscal de l’amortissement du fonds commercial, en instaurant un principe de non-déductibilité de l’amortissement des fonds commerciaux (nouveau 2e alinéa du 2° du 1 de l’article 39), tout en admettant la déduction, par dérogation à ce principe, des amortissements constatés dans la comptabilité des entreprises au titre des fonds commerciaux acquis entre le 1er janvier 2022 et le 31 décembre 2025 (nouveau 3e alinéa du 2° du 1 de l’article 39). Afin d’éviter une double déduction fiscale, la loi de finances a également prévu une mesure destinée à articuler les provisions pour dépréciation et les amortissements constatés au titre d’un même fonds.
Ces mesures ont été commentées par l’administration dans une mise à jour de sa base Bofip du 8 juin 2022.
Avant de revenir sur les commentaires les plus marquants, il est intéressant de relever que l’administration confirme une solution énoncée lors des débats parlementaires sur le projet de loi en faveur de l’activité professionnelle indépendante. Elle admet ainsi que les titulaires de bénéfices non commerciaux soumis au régime de la déclaration contrôlée peuvent bénéficier du dispositif de déduction temporaire de l’amortissement pratiqué à raison des éléments incorporels des fonds libéraux acquis entre le 1er janvier 2022 et le 31 décembre 2025. Sont notamment concernés la clientèle, la patientèle, le nom professionnel, lorsqu’ils ne peuvent être évalués isolément et inscrits séparément à l’actif du registre des immobilisations (BOI-BNC-BASE-50 n° 50).
Le régime temporaire de déduction de l’amortissement est également applicable, sous les mêmes conditions que pour les fonds commerciaux, aux éléments des fonds agricoles résiduels (BOI-BA-BASE-20-30-10-10 n° 105) ainsi qu’à la fraction résiduelle des fonds acquis par les entreprises artisanales (principalement clientèle, achalandage, enseigne et nom professionnel, lorsqu’ils ne sont pas comptabilisés distinctement et isolément à l’actif du bilan) (BOI-BIC-AMT-10-20 n° 365).
- Régime temporaire de déduction de l’amortissement du fonds commercial
L’administration confirme d’abord que le dispositif qui admet à titre temporaire la déductibilité fiscale de l’amortissement comptable du fonds commercial concerne d’une part, les petites entreprises au sens de l’article L 123-16 du code de commerce, qui peuvent amortir leur fonds commerciaux sur une durée forfaitaire de dix ans, même en l’absence de durée prévisible d’exploitation, et, d’autre part, les entreprises qui sont en mesure de démontrer que leur fonds commercial a une durée d’utilisation limitée (notamment lorsque ce fonds est adossé à un contrat ou à une autorisation légale ayant une durée d’utilisation limitée – contrat de concession, autorisation d’extraction, etc. – ou lorsqu’une décision d’arrêter l’activité à laquelle ce fonds se rattache est prise par l’entreprise).
En outre, elle indique que le régime temporaire de déduction fiscale s’applique aussi bien aux fonds acquis dans le cadre d’une opération de cession à titre onéreux entre le 1er janvier 2022 et le 31 décembre 2025 qu’à ceux reçus durant cette même période dans le cadre d’apports, de fusions ou d’opérations assimilées (BOI-BIC-AMT-10-20 n° 360).
Lorsqu’un fonds commercial est reçu en apport dans le cadre d’une opération de fusion ou assimilée placée sous le régime de faveur de l’article 210 A du CGI, la plus-value d’apport correspondante bénéficie en principe du sursis d’imposition prévu pour les immobilisations non amortissables. La société absorbante devra en contrepartie, conformément au c du 3 de l’article 210 A du CGI, s’engager dans l’acte de fusion à calculer la plus-value réalisée ultérieurement à l’occasion de la cession du fonds commercial, d’après la valeur qu’il avait du point de vue fiscal, dans les écritures de la société absorbée (BOI-IS-FUS-10-20-40-10 n° 1).
Par dérogation, lorsque le fonds commercial est reçu en apport entre 2022 et 2025, il constitue une immobilisation qui peut faire l’objet d’un amortissement déductible du résultat imposable et la société absorbante a alors le choix entre deux solutions :
- si elle choisit d’admettre en déduction du résultat imposable l’amortissement comptabilisé à raison du fonds ainsi reçu, il y a lieu d’appliquer immédiatement le régime d’étalement sur cinq ans de l’imposition de la plus-value d’apport : il s’agit du régime prévu au d du 3 de l’article 210 A du CGI pour les immobilisations amortissables (BOI précité n° 1 ; BOI-IS-FUS-10-20-40-20 n° 110). En contrepartie, l’amortissement du fonds est calculé d’après la valeur qui lui a été attribuée lors de l’opération et dans la limite des dotations aux amortissements constatées en comptabilité ;
- si la société absorbante décide de ne pas déduire de son résultat imposable l’amortissement du fonds commercial reçu en apport, la plus-value d’apport correspondante bénéficie du régime du sursis d’imposition.
- Provision pour dépréciation du fonds commercial
Après avoir rappelé que l’amortissement du fonds commercial constaté en comptabilité dans certaines situations n’est en principe pas admis en déduction, l’administration indique que la dépréciation du fonds commercial ne peut alors, sur le plan fiscal, être constatée que par voie de provisions (BOI BIC-PROV-40-10-10 n° 90).
Dans le cas où, par exception au principe précité, l’amortissement du fonds commercial acquis entre 2022 et 2025 est fiscalement déductible, l’administration explique comment mettre en œuvre la règle posée par la loi de finances pour 2022 au 15e alinéa du 5° du 1 de l’article 39 du CGI, destinée à articuler les provisions pour dépréciation et les amortissements constatés au titre d’un même fonds. On rappelle en effet que lorsqu’un test de dépréciation l’amène à constater que la valeur réelle de son fonds commercial est inférieure à sa valeur nette comptable après amortissement, l’entreprise doit comptabiliser une provision pour dépréciation.
La nouvelle règle issue de la loi de finances pour 2022 prévoit que la provision constituée à raison d’un fonds commercial dont l’amortissement est admis en déduction est rapportée aux résultats imposables de chacun des exercices suivant celui au titre duquel elle a été déduite, pour un montant égal à la différence entre l’amortissement qui aurait été pratiqué si la provision n’avait pas été comptabilisée et l’amortissement effectivement comptabilisé à la clôture de l’exercice. Cette réintégration est effectuée extra-comptablement dès lors que comptablement, la dépréciation constatée sur un fonds commercial ne peut jamais être reprise (PCG, art. 214-19).
L’administration confirme qu’en contrepartie, un amortissement dérogatoire est constaté afin de garantir la déductibilité fiscale des amortissements afférents aux fonds commerciaux dépréciés (BOI précité n° 155). Ainsi, comme elle l’illustre au travers d’un exemple :
- la comptabilisation de la dépréciation entraine une réduction de la base amortissable du fonds commercial et les dotations aux amortissements comptables sont donc inférieures à celles comptabilisées avant la dépréciation,
- mais fiscalement, l’entreprise peut également déduire une dotation aux amortissements dérogatoires qui, cumulée avec la dotation pour dépréciation, permet de déduire, au titre de l’amortissement du fonds commercial, le même montant qu’avant la constatation de la dépréciation.
La provision comptabilisée au titre de l’exercice de constatation de la dépréciation du fonds est quant à elle déduite du résultat de cet exercice. Elle fait ensuite l’objet d’une reprise extra-comptable au titre des exercices suivants, à hauteur de la différence entre l’amortissement qui aurait été pratiqué si la provision n’avait pas été comptabilisée et l’amortissement effectivement comptabilisé à la clôture de l’exercice, compte tenu de la modification du plan d’amortissement (cette différence correspondant au montant de la dotation aux amortissements dérogatoires).
Les entreprises qui amortissent leur fonds commercial sont donc désormais en mesure d’en tirer toutes les conséquences au plan fiscal.
Article paru dans Option Finance le 18/07/2022
Auteurs
Amélie Nithart, fiscaliste