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Anti-corruption : les recommandations de l’AFA porteuses de premiers enseignements

Anti-corruption : les recommandations de l’AFA porteuses de premiers enseignements

A l’issue d’une consultation accélérée, l’Agence Française Anti-corruption (AFA) a publié le 21 décembre 2017 ses recommandations sur la prévention et la détection des manquements au devoir de probité (corruption, trafic d’influence, concussion, prise illégale d’intérêt, détournement de fonds publics et favoritisme) en application de la loi Sapin II1.


A titre préliminaire, il n’est pas inutile de rappeler que le cadre anti-corruption de la loi Sapin II que viennent éclairer ces recommandations doit en réalité se concevoir au moins autant comme une opportunité de progrès que comme un nouveau régime contraignant. J’entends qu’il constitue une arme contre le risque réputationnel et ses conséquences en termes de destruction de valeur liée à des accusations voire à une sanction fondées sur la commission d’un délit de corruption mais aussi – et ce n’est pas la moindre des opportunités – une prévention contre des sanctions pécuniaires et réglementaires de grande ampleur pouvant être prononcées par des systèmes juridiques étrangers se reconnaissant une compétence extraterritoriale.

Plusieurs points retiendront l’intérêt.

En premier lieu, cet ensemble de préconisations attendues qui constitue un référentiel utile susceptible de guider les personnes morales et entités de droit français dans la mise en œuvre du dispositif anti-corruption demeure toutefois assez général. Cela s’explique par la nécessité d’adapter et de proportionner les mesures à chaque entité notamment au regard des zones géographiques couvertes, des activités opérées, de l’organisation retenue, des parties prenantes et des tiers en relation avec elle. Ce sont ainsi des préconisations caractérisées par une forme de plasticité inhérente à leur nature juridique. Il a d’ailleurs été précisé à la demande des participants à la consultation que ces recommandations sont dénuées de force obligatoire et ne créent pas d’obligation juridique en elles-mêmes. Elles ne sauraient en effet fonder une décision de sanction de l’AFA ; elles n’ajoutent pas au droit mais constituent une sorte de grille de lecture qui, formons-en le vœu, sera ultérieurement enrichie de bonnes pratiques relevées.

En deuxième lieu, concernant les personnes morales assujetties, il est rappelé que le dispositif saisit les personnes morales et entités françaises à raison de leur lex sociétatis mais couvre l’ensemble de leurs activités qu’elles soient conduites en France ou hors de France. Une réserve laisse toutefois à penser que l’AFA pourrait renoncer à poursuivre et à sanctionner des activités opérées à l’étranger si celles-ci étaient soumises à une règlementation étrangère de même nature (anti-corruption) mais plus exigeante que le dispositif français1.

En troisième lieu, l’AFA se prononce favorablement dans ses recommandations sur la possibilité de mettre en place un dispositif unique de recueil de signalements, que ceux-ci soient fondés sur l’article 17 de la loi Sapin II ou qu’ils soient émis en vertu du dispositif plus large et protecteur dit de protection des lanceurs d’alerte (article 6 à 16 de la loi Sapin II). Cette position bienvenue répond aux attentes des sociétés. L’AFA étant tenue par la lettre de ces deux cadres législatifs, elle est ici conduite à préciser que les spécificités du mécanisme de protection des lanceurs d’alerte doivent dans ce cas être garanties s’agissant, notamment de la stricte confidentialité applicable à l’identité de l’auteur du signalement, aux fait révélés et aux personnes désignées par celui-ci mais aussi de l’obligation d’ouvrir ces procédures aux collaborateurs extérieurs et occasionnels. Naturellement, à défaut de pouvoir traiter les différents signalements selon leur fondement juridique (article 6 ou article 17), la protection la plus large, à savoir celle procurée par le dispositif de protection des lanceurs d’alerte, devra être mise en œuvre.

Applicable à toutes les personnes morales de droit français indépendamment de leur forme juridique, de leur taille ou encore de la nature de leurs activités, nul doute que ce référentiel anti-corruption français sera assez largement suivi par les sociétés françaises opérant à l’international. La conception extraterritoriale du droit pénal des affaires de certains Etats devrait les en convaincre. Pour autant cette conformité « à la française » même mise en œuvre de façon effective par les sociétés ne devra pas dispenser ces dernières de s’ajuster aux référentiels des Etats dans lesquels elles opèrent ou avec lesquels elles ont des liens.

Notes

1 Loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016, article 3-2°.

2 « [ces recommandations] visent l’ensemble des personnes morales précitées, quel que soit le lieu d’exercice de leurs activités, y compris à l’étranger lorsqu’il n’existe pas de références plus exigeantes en matière de prévention et de détection des faits de corruption »., Recommandations AFA, p.3.

 

Auteur

Bruno Zabala, avocat counsel au sein du département de la doctrine juridique.

 

Anti-corruption : les recommandations de l’AFA porteuses de premiers enseignements – Analyse juridique parue dans le magazine Option Finance le 22 janvier 2018