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A propos de l’arrêt BMW c/ Acacia : « si cela va sans dire, cela ira encore mieux en le disant »

CJUE/ G. Fessy

La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a récemment fait sienne la célèbre réplique de Talleyrand, dans le cadre de questions préjudicielles posées en matière de dessins et modèles (CJUE, 13 juillet 2017, C-433/16).

Dans cette affaire, une société italienne (Acacia) fabriquait des jantes en alliage constituant des répliques de jantes des constructeurs de véhicules automobiles enregistrées en tant que dessins ou modèles communautaires. Elle avait assigné la société BMW devant le tribunal de Naples aux fins d’obtenir un jugement déclaratoire de non contrefaçon au titre de l’article 110 du règlement 6/2002 du 12 décembre 2001 sur les dessins et modèles communautaires ainsi que la constatation d’actes d’abus de position dominante et de concurrence déloyale de la part de la société allemande.

Celle-ci s’était constituée partie à la procédure devant la juridiction italienne et avait déposé un mémoire dans lequel elle soulevait, à titre liminaire, l’incompétence des juridictions italiennes.

Lors d’une audience qui avait suivi, le tribunal de Naples avait imparti des délais pour le dépôt de mémoires supplémentaires sur les questions de procédure.

BMW avait alors introduit devant la Cour de cassation italienne une demande de règlement préalable de la question de la compétence. Pour elle, les juridictions italiennes étaient incompétentes alors que son adversaire estimait qu’en concluant au fond, BMW avait implicitement mais nécessairement accepté cette compétence.

C’est dans ces conditions que la Cour de cassation a décidé de surseoir à statuer et de poser à la CJUE six questions préjudicielles.

Dans la première question, elle demande si l’article 24 du règlement 44/2001 du 22 décembre 2000 qui prévoit une extension de compétence fondée sur la comparution du défendeur doit être interprété en ce sens qu’une exception tirée de l’incompétence du juge saisi, soulevée dans le premier acte de défense à titre subsidiaire, peut être considérée comme une acceptation de la compétence de celui-ci.

La CJUE rappelle tout d’abord que, dans le cas où le premier acte de défense contient, outre la contestation de la compétence du juge saisi, des conclusions sur le fond du litige, la prorogation de compétence n’est pas acquise (CJUE, 27 février 2014, C-1/13, Cartier c/ Axa Corporate Solutions, point 35).

Elle poursuit que « le fait, pour le défendeur, de contester sans ambiguïté, dans son premier acte de défense, la compétence du juge saisi empêche la prorogation de compétence visée à l’article 24 dudit règlement sans qu’il importe que cette contestation soit ou non l’unique objet de ce premier acte de défense » (point 34).

Partant, la circonstance que BMW ait dans son premier acte de défense à la fois contesté la régularité de la notification de la requête et du mandat du conseil d’Acacia et soulevé l’exception d’incompétence à titre seulement subsidiaire est sans incidence (point 35).

Dans les deuxième, troisième et quatrième questions la Cour était interrogée sur le régime des actions en déclaration de non contrefaçon en matière de dessins et modèles.

Pour mémoire, l’article 82 du règlement 6/2002 dispose que ces actions ne peuvent, lorsque le défendeur a son domicile dans un État membre de l’Union européenne, qu’être portées devant les tribunaux des dessins ou modèles communautaires de cet État membre.

La CJUE indique même, sans ambiguïté, que la règle de compétence, prévue en matière délictuelle ou quasi-délictuelle par l’article 5, paragraphe 3, du règlement 44/2001 en faveur du Tribunal du lieu où le fait dommageable s’est produit ou risque de se produire, ne s’applique pas aux actions en constatation de non contrefaçon (point 46).

Cette règle ne s’applique pas davantage aux demandes de constatation d’abus de position dominante et de concurrence déloyale qui sont connexes à une action en constatation de non contrefaçon d’un dessin ou modèle communautaire dans la mesure où faire droit à ces demandes présuppose d’accueillir préalablement l’action en constatation de non contrefaçon (point 52).

La CJUE avait pourtant précédemment jugé, en matière de droit d’auteur, que l’article 5 paragraphe 3 devait être interprété en ce sens « qu’une action en constatation négative visant à faire établir l’absence de responsabilité délictuelle ou quasi délictuelle relève du champ d’application de cette disposition » (CJUE, 25 octobre 2012, C-133/11, Follien Fisher c/ Ritrama, point 55).

 

Auteur

José Monteiro, of Counsel, droit de la propriété intellectuelle