Attribution gratuite d’actions : les conditions pour obtenir la restitution de la contribution patronale

27 juin 2017
Depuis le 16 octobre 2007, les actions attribuées gratuitement donnent lieu à deux contributions sociales spécifiques, l’une à la charge de la société, l’autre à la charge des bénéficiaires.
S’agissant de la contribution patronale, antérieurement à la loi du 6 août 2015, dite loi Macron, le législateur avait retenu la date de décision d’attribution comme fait générateur du paiement de la contribution patronale alors même que les actions n’étaient pas définitivement acquises par les salariés.
Un tel choix avait fait l’objet d’abondantes critiques, la plupart des plans subordonnant l’acquisition définitive des actions gratuites à des conditions de présence et/ou de performance.
Dans une telle hypothèse, en cas de défaillance des conditions auxquelles l’acquisition était subordonnée, l’employeur devait supporter le coût de la contribution patronale et ne pouvait en obtenir le remboursement.
L’employeur avait donc versé pour rien cette contribution.
Cela était d’autant plus choquant que le taux de la contribution avait été augmenté de façon exponentielle : 10% lors de son instauration, 14% pour les actions attribuées entre le 1er janvier 2011 et le 10 juillet 2012, 30% pour les actions gratuites attribuées à compter du 11 juillet 2012*
Un certain nombre d’employeurs ont donc demandé le remboursement de cette somme : leurs demandes ont été systématiquement rejetées par la Cour de cassation en vertu d’une jurisprudence constante selon laquelle « il résulte de l’article L. 137-13 du Code de la sécurité sociale que le fait générateur de la contribution instituée, au profit des régimes obligatoires d’assurance maladie dont relèvent les bénéficiaires, sur les actions attribuées gratuitement dans les conditions prévues aux articles L. 225-197-1 à L. 225-197-5 du Code de commerce, est constitué par la décision d’attribution de celles-ci, même assorti de conditions » (Cass. 2e civ., 7 mai 2014, n°13-15.790 ; Cass. 2e civ., 2 avril 2015, n°14-16.453).
N’ayant pas obtenu satisfaction auprès de la Cour de cassation, des entreprises ont souhaité poser une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) au Conseil constitutionnel en soutenant que l’article L. 137-13 du Code de la sécurité sociale, tel qu’interprété par cette jurisprudence constante de la Cour de cassation, était contraire au principe d’égalité devant les charges publiques. Elles ont saisi, l’une le Conseil d’Etat, l’autre la Cour de cassation, qui ont l’une et l’autre renvoyé la QPC devant le Conseil constitutionnel en estimant que la question présentait un caractère sérieux.
Le Conseil constitutionnel a donné raison aux entreprises.
Il a émis une réserve d’interprétation qui prend le contre-pied de la jurisprudence constante de la Cour de cassation. Il a en effet jugé que « s’il est loisible au législateur de prévoir l’exigibilité de cette contribution avant l’attribution effective, il ne peut, sans créer une rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques, imposer l’employeur à raison de rémunération non effectivement versée. Dès lors, les dispositions contestées ne sauraient faire obstacle à la restitution de cette contribution lorsque les conditions, auxquelles l’attribution des actions gratuites était subordonnée, ne sont pas satisfaites. Sous cette réserve, le grief de la méconnaissance du principe d’égalité devant les charges publiques doit être écarté » (Cons. const., 28 avril 2017, n°2017-627/628 QPC).
Il s’agit bien techniquement d’une réserve d’interprétation, mentionnée expressément dans l’article 1er du dispositif de la décision.
Or, les réserves d’interprétation, qui constituent le support nécessaire du dispositif et figurent aujourd’hui dans le dispositif, ont l’autorité de la chose jugée. Elles s’imposent aux juridictions administratives et judiciaires toutes les fois que celles-ci font application de la loi qui a été déférée au Conseil constitutionnel en application de l’article 62 de la Constitution.
Les entreprises pourront donc se prévaloir de la réserve d’interprétation du Conseil afin de réclamer la restitution de la contribution patronale acquittée sur toutes les attributions d’action autorisées par les assemblées générales extraordinaires avant le 8 août 2015 n’ayant pu être acquises par les bénéficiaires, sous réserve naturellement des règles de prescription.
Elles devraient, sur ce plan, pouvoir bénéficier des dispositions du deuxième alinéa de l’article L. 243-6 selon lequel : « lorsque l’obligation de remboursement des cotisations naît d’une décision juridictionnelle qui révèle la non-conformité de la règle de droit dont il a été fait l’application à une règle de droit supérieur, la demande de remboursement ne peut porter que sur la période postérieure au 1er janvier de la troisième année précédant celle où la décision révélant la non-conformité est intervenue » soit, en l’espèce, le 1er janvier 2014.
Les entreprises qui ont attribué des actions avant la loi Macron, qui a réglé le problème pour l’avenir en ne rendant la contribution exigible qu’après l’acquisition des actions par le bénéficiaire, à des salariés qui n’ont pu les acquérir définitivement ont tout intérêt à vérifier si elles remplissent les conditions pour obtenir la restitution de la contribution patronale de 30%.
Auteur
Nicolas Callies, avocat associé, droit social
Attribution gratuite d’actions : les conditions pour obtenir la restitution de la contribution patronale – Article paru dans Les Echos Business le 27 juin 20167
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