Attribution gratuite d’actions et calcul des indemnités de rupture
23 septembre 2024
Par une décision datée du 22 mai 2024 (n°22-18.182), la Cour de cassation retient que la valorisation des actions gratuites attribuées à un salarié n’a pas la qualification de salaire et ne doit donc pas être prise en compte pour la fixation des indemnités de rupture.
Cette décision constitue l’occasion de refaire le point sur les éléments de rémunération servant au calcul de l’indemnité de licenciement.
La valorisation des actions gratuites n’est pas la contrepartie du travail et n’a pas la nature d’un salaire
Au cas particulier, la convention collective de la fabrication et du commerce des produits à usage pharmaceutique, parapharmaceutique et vétérinaire applicable prévoyait que le salaire à prendre en considération pour le calcul de l’indemnité de licenciement était la rémunération moyenne brute des 12 ou des 3 derniers mois.
Cette convention précisait également que, pour le calcul de cette rémunération, devaient être pris en compte tous les éléments du salaire qui, par leur nature, sont soumis aux cotisations de sécurité sociale.
En l’espèce, le salarié, qui s’était vu attribuer des actions gratuites au mois de mai 2015, dont il était devenu propriétaire au mois de mai 2018 en recevant une certaine somme correspondant à leur valorisation, avait adhéré à un plan de cessation anticipée d’activité en 2019.
Il faisait donc valoir que la libération d’actions gratuites, soumise à cotisations sociales et en lien avec l’exécution de son contrat de travail, constituait un élément de sa rémunération. En conséquence, celles-ci devaient donc, selon lui, être intégrée au calcul de l’assiette du salaire à prendre en considération pour le calcul de ses indemnités de licenciement.
Le salarié, ayant été débouté de sa demande par la cour d’appel d’Angers, s’était pourvu en cassation.
La Cour de cassation rejette cependant son pourvoi au motif que «Ayant (…) retenu à bon droit que l’acquisition par le salarié en mai 2018 d’actions gratuites attribuées par l’employeur en 2015 et valorisées en fonction du seul cours de la bourse ne constituait pas la contrepartie du travail, la cour d’appel (…) en a exactement déduit que la valorisation des actions gratuites attribuées au salarié, qui n’avaient pas la nature d’un salaire, ne pouvait être prise en compte pour la fixation des indemnités litigieuses».
La notion de rémunération
Bien que portant sur un cas spécifique, cet arrêt pose plus globalement la question des éléments à inclure dans le salaire de référence devant servir de base pour le calcul de l’indemnité de licenciement.
En effet, l’indemnité de licenciement constitue un droit versé à tout salarié qui justifie de huit mois d’ancienneté dans l’entreprise à la date de son licenciement et qui n’est pas licencié pour faute grave ou lourde (C. Trav., art. L.1234-9, al.1). Son montant dépend d’un salaire de référence, de l’ancienneté de l’intéressé, et des éventuelles dispositions spécifiques prévues par les accords de branche.
Conformément à l’article L.1234-9 al. 2 du Code du travail, «les modalités de calcul de cette indemnité sont fonction de la rémunération brute dont le salarié bénéficiait antérieurement à la rupture du contrat de travail».
Se pose donc nécessairement la question de l’assiette qu’il convient de retenir s’agissant de la «rémunération brute».
A cet égard, l’on sait déjà, conformément à une jurisprudence bien établie de la Cour de cassation, que les remboursements de frais professionnels ne constituent pas des éléments de rémunération devant être pris en compte pour le calcul de l’indemnité de licenciement (Cass. soc., 31 janvier 2006, n°04-44.771)
De même, la Cour de cassation considère que les sommes attribuées aux salariés au titre du régime légal de la participation aux résultats de l’entreprise ou au titre de l’’intéressement n’ont pas le caractère de salaire. Il s’ensuit qu’elles ne sont pas prises en compte pour le calcul de l’indemnité de licenciement (Cass. soc., 8 juillet 1981, n°79-40.929).
Au cas particulier, la Cour de cassation reprend ce raisonnement en considérant que la valorisation des actions gratuites et, plus globalement, les attributions d’actions gratuites, n’ont pas la nature d’un salaire et ne doivent donc pas être prises en considération.
La confirmation d’une jurisprudence
Cette décision n’est pas surprenante car elle vient confirmer une position adoptée par la Cour de cassation dans un arrêt, non publié, du 15 novembre 2023 (n°22-12.501) selon laquelle : «ni la distribution d’actions gratuites ni l’attribution d’option sur titres ne constituent des éléments de rémunération entrant dans l’assiette du salaire à prendre en considération pour le calcul des indemnités litigieuses».
En outre, dans de précédentes décisions, la chambre sociale de la Cour de cassation a exclu de la qualification de salaire les stock-options (Cass. soc. 7 septembre 2017 n°16-12.473) ainsi que les plus-values réalisées lors de la levée d’option (Cass. soc. 30 mars 2011 n°09-42.105).
AUTEURS
Caroline FROGER-MICHON, Avocate associée, CMS Francis Lefebvre Avocats
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