L’autonomie relative des GAPD
Il est fréquent, dans les conventions de garantie consenties dans le cadre d’une cession d’entreprise, de prévoir ce que la pratique désigne par les «garanties de la garantie». Leur objectif est simple : s’assurer du versement de l’indemnisation en cas de mise en jeu de la convention de garantie.
Ces garanties revêtent des formes variables. On trouve par exemple la retenue temporaire d’une quote-part du prix par l’acquéreur (en vue d’opérer d’éventuelles compensations ultérieures), le séquestre, la garantie bancaire à première demande, le cautionnement ou, plus rarement, l’assurance garantie de passif. Parmi ces garanties, il en est une particulièrement appréciée des acquéreurs : la garantie bancaire autonome à première demande (GAPD).
Souvent, les parties prévoient le principe d’une telle GAPD dès les échanges d’intentions avec un objectif double pour l’acquéreur : s’assurer non seulement qu’il sera bien payé mais également, en cas de débat sur la mise en jeu de la convention de garantie, qu’il pourra être payé avant que ce débat ne soit tranché.
Pour autant, les parties restent généralement évasives sur les modalités de mise en oeuvre de cette GAPD, de peur, peut-être, d’aborder déjà à ce stade les sujets qui fâchent. Parfois, les parties indiqueront dans les actes préparatoires à la cession que les conditions d’appel de la GAPD seront arrêtées au stade ultérieur de la réalisation de la cession. C’est reculer pour mieux sauter.
C’est toujours une surprise désagréable pour l’acquéreur de constater que la GAPD que le cédant propose est assortie de conditions d’appel telles, qu’au final cette GAPD tient plus du cautionnement solidaire que de la garantie réellement autonome et que seul le premier des deux objectifs rappelés ci-dessus est atteint.
Rappelons ici la différence fondamentale entre ces deux types de garanties : contrairement au bénéficiaire d’un cautionnement, le bénéficiaire d’une GAPD n’aura en principe nul besoin, pour l’actionner, d’exciper du manquement du débiteur principal à ses obligations. Si la GAPD peut faire référence à la convention de garantie, c’est uniquement pour circonstancier le contexte dans lequel elle est consentie. Aller plus loin, c’est prendre le risque d’en travestir la nature, de se rapprocher du cautionnement et, en conséquence, de voir la banque opposer à l’acquéreur des exceptions tenant à la convention de garantie pour justifier le rejet d’un appel. La GAPD en perdrait son caractère autonome, et par là même son intérêt par rapport au cautionnement pour son
bénéficiaire.
Du point de vue économique, la nuance est de taille. D’un côté, avec la GAPD (pour autant qu’elle soit effectivement autonome), l’acquéreur peut être payé sans avoir à donner de justification, à charge pour le cédant de contester le cas échéant un tel appel sur le fondement de l’abus de droit ou de la fraude. Il peut dans ce cas être utile au cédant de préciser les conditions d’appel de la GAPD (liées à une défaillance de ce dernier) non pas dans la GAPD elle-même, mais dans la convention de garantie, de manière à fonder plus facilement le recours du
cédant en cas d’appel abusif de la GAPD par l’acquéreur. D’un autre côté, avec le cautionnement, l’acquéreur prend le risque que la caution discute l’appel en prétendant qu’aucune indemnisation n’est due au titre de la convention de garantie.
En pratique, l’acquéreur aura tout intérêt à être le plus précis possible, dès le stade des échanges d’intentions, afin de s’assurer de la réelle autonomie de la GAPD qui lui est proposée. Inversement, le cédant préférera rester plus évasif ou même prévoir d’ores et déjà l’existence de conditions d’appel de la GAPD… à déterminer ultérieurement.
Au final, le choix entre GAPD et caution sera largement guidé par l’idée que les parties se font de la difficulté des débats de mise en jeu de la convention de garantie. Plus elles anticiperont des débats longs et complexes, plus la question sera cruciale.
Auteur
Alexandre Morel, avocat counsel en Corporate/Fusions & Acquisitions