Avis de gros temps pour les plates-formes électroniques utilisant des travailleurs indépendants
25 janvier 2017
Les plates-formes électroniques utilisant des travailleurs indépendants qu’elles mettent en relation avec l’utilisateur final ont connu un fort développement au cours des dernières années, porté par l’enthousiasme et l’ingéniosité de leurs fondateurs.
Cet enthousiasme s’est pourtant rapidement heurté aux lourdeurs d’un système juridique peu enclin à s’adapter à cette nouvelle forme d’activité.
A l’enthousiasme des premières années pourrait succéder un réveil difficile.
C’est d’abord les URSSAF qui ont engagé de vastes redressements de cotisations sociales accompagnés de procès-verbaux pour travail dissimulé en considérant que les travailleurs indépendants ayant recours à certaines de ces plates-formes sont en réalité des salariés.
Certaines plates-formes voient également apparaître des actions individuelles de travailleurs indépendants visant à obtenir la reconnaissance d’un contrat de travail.
Les difficultés auxquelles font aujourd’hui face ces plates-formes étaient pourtant prévisibles tant les URSSAF conservent une approche excessivement restrictive de la notion de travail indépendant.
Certes, il ne suffit pas d’affirmer l’indépendance des travailleurs ayant recours à des plates-formes numériques pour écarter tout risque de requalification de la relation en contrat de travail. Pour autant, il serait tout aussi déraisonnable de considérer que le salariat est la seule voie de collaboration entre des travailleurs et une plate-forme de mise en relation.
Les opérateurs avisés du secteur de l’économie numérique auront pris les précautions nécessaires pour ne pas caractériser les critères usuels permettant de constater l’existence d’un lien de subordination.
Se pose par ailleurs la question de la protection sociale de ces travailleurs indépendants dont on ne pourrait accepter qu’elle soit trop dégradée.
La loi El Khomri du 8 août 2016 a tenté d’apporter une réponse à cette problématique en organisant une responsabilité sociale de ces plates-formes qui sont désormais tenues de prendre en charge une fraction des cotisations volontaires des travailleurs indépendants destinées notamment à les couvrir contre les risques d’accidents ou encore de leur permettre d’accéder à la formation professionnelle, à la liberté syndicale, aux validations des acquis de l’expérience.
Pour contraignantes que soient ces dispositions, elles participent à l’élaboration d’un statut socialement acceptable pour ces travailleurs indépendants qui ne peuvent être destinés à un inexorable esclavage moderne.
Ce n’est qu’à cette condition que le travail indépendant « choisi » pourrait constituer un modèle alternatif au salariat.
L’environnement législatif doit donc poursuivre le mouvement engagé en faveur du développement du travail indépendant malgré les résistances tout en organisant un statut social minimum et en prévenant les dérives de cette nouvelle forme d’activité qui est plébiscitée par un nombre grandissant de travailleurs.
Auteur
Thierry Romand, avocat associé en droit social
Avis de gros temps pour les plates-formes électroniques utilisant des travailleurs indépendants – Article paru dans L’Usine Digitale le 24 janvier 2017
A lire également
Travailleurs des plateformes : Modalités de réception et de transfert des donn... 19 juillet 2021 | Pascaline Neymond
URSSAF : La charte du cotisant contrôlé est mise à jour au 1er janvier 2022... 13 avril 2022 | Pascaline Neymond
Détachement de travailleurs : modification de la déclaration préalable et de ... 22 mars 2023 | Pascaline Neymond
URSSAF : Les mesures exceptionnelles pour accompagner les entreprises et les ind... 7 juillet 2021 | Pascaline Neymond
Loi El Khomri : l’instance de dialogue et de représentation au sein des rése... 26 octobre 2016 | CMS FL
Le non-respect de l’obligation de recherche d’un repreneur imposée par la l... 10 septembre 2014 | CMS FL
De nouvelles obligations fiscales pour les plates-formes intermédiaires... 16 mars 2016 | CMS FL
Les cadeaux dans le milieu professionnel : du rire aux larmes... 13 juillet 2021 | Pascaline Neymond
Articles récents
- Rapport de durabilité : la nouvelle obligation de consultation du CSE entre en vigueur le 1er janvier 2025
- Statut de lanceur d’alerte : le Défenseur des droits et la jurisprudence précisent ses contours
- Enquêtes internes : des règles en constante évolution
- Pas de co-emploi sans immixtion dans la gestion économique et sociale de la société : illustration en présence d’une société d’exploitation
- Fixation du plafond de la sécurité sociale pour 2025
- Un salarié licencié pour harcèlement sexuel ne peut se prévaloir du phénomène «#Metoo»
- Régimes de retraite des dirigeants : prestations définies versus actions gratuites
- SMIC : Relèvement du salaire minimum de croissance au 1er novembre 2024
- Inaptitude et reclassement : c’est au salarié qu’il appartient de rapporter la preuve d’une déloyauté de l’employeur
- Conférence – Gestion des fins de carrière : que font les entreprises et quelles solutions à dispositions ?