Le burn-out et la reconnaissance des maladies psychiques comme maladies professionnelles

30 juin 2017
En matière de santé et de sécurité au travail, la principale préoccupation des employeurs était à l’origine la prévention d’accidents et de maladies portant atteinte à l’intégrité physique des salariés. L’émergence, ces dernières années, des « risques psychosociaux » au travail a permis de voir apparaître des demandes de reconnaissance de nouvelles pathologies (exemple : burn-out encore appelé syndrome de l’épuisement professionnel, stress au travail…) comme maladies professionnelles portant atteinte à la santé mentale des salariés. Au même titre que pour les risques physiques, l’employeur doit prendre des mesures en vue de prévenir et d’empêcher leur survenance.
La loi dite « Rebsamen » du 17 août 2015 ainsi que le décret n°2016-756 du 7 juin 2016 prévoient désormais expressément que les maladies psychiques, tel que le burn-out ou syndrome de l’épuisement professionnel, peuvent être reconnues comme maladies professionnelles.
Pour autant, et contrairement à ce qui avait été initialement prévu dans le projet de loi, le burn-out n’a pas été inscrit dans l’un des tableaux de maladies professionnelles, de sorte que sa reconnaissance comme maladie professionnelle n’est pas automatique.
En effet, lorsque la pathologie dont souffre le salarié n’est pas inscrite dans un des tableaux de maladies professionnelles, celle-ci ne peut être reconnue professionnelle que » lorsqu’il est établi qu’elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime et qu’elle entraîne le décès de celle-ci ou une incapacité permanente d’un taux » de 25% (CSS, arts. L. 461-1 et R. 461-8), sur expertise individuelle et instruction du dossier par la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) avec, le cas échéant, saisine d’un Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles (CRRMP).
L’atteinte d’un tel taux d’incapacité permanente, délivré par la CPAM, n’est toutefois pas facile à obtenir et ne concerne en pratique que des affections particulièrement graves telles que les troubles psychiques chroniques (grande dépression mélancolique).
C’est pourquoi, même si depuis la loi Rebsamen on assiste à une augmentation du nombre de demandes de reconnaissance du burn-out comme maladie professionnelle devant les CPAM, une telle reconnaissance ne devrait concerner en pratique que des cas limités et de grave intensité.
Quoiqu’il en soit, les entreprises doivent sans tarder se doter et mettre en place des outils de prévention de manière à préserver leurs salariés de toute maladie psychique.
L’article L.4121-1 du Code du travail précise que l’employeur doit prendre « les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs ». Ainsi, lors de l’évaluation des risques dans les unités de travail de l’entreprise, puis de sa transcription dans le document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP), l’employeur doit prendre en compte l’ensemble des risques professionnels auxquels sont exposés les salariés, en ce compris les risques psychosociaux susceptibles d’être à l’origine de maladies d’ordre psychique (C. trav. arts. L. 4121-3 et R.4121-1).
Cette obligation de prévention est d’importance puisque, en cas de maladie psychique reconnue comme maladie professionnelle, celle-ci aura des conséquences financières importantes pour l’entreprise, notamment une hausse des cotisations sociales d’accidents du travail, l’impossibilité de licencier le salarié pendant son arrêt de travail (sauf faute grave ou impossibilité de maintenir son contrat de travail pour un motif étranger à la maladie professionnelle), le versement de dommages et intérêts et d’une rente majorée au salarié ou à ses ayants-droits, en cas d’action judiciaire en reconnaissance d’une faute inexcusable de l’employeur.
Dans un arrêt du 15 décembre 2016 (n°15-20987) la Cour de cassation a confirmé que le défaut d’implication de l’employeur dans la prévention des risques de violences et d’incivilités auxquels était exposée une salariée, caractérisait un manquement à son obligation de sécurité de résultat justifiant l’octroi de dommages et intérêts.
C’est pourquoi, plus que jamais, les entreprises devront, le plus en amont possible, mesurer et prévenir les risques psychosociaux dans l’entreprise de manière à protéger la santé physique et mentale de leurs salariés. L’émergence de nouvelles formes de pathologie au travail, tels que le « brown-out » ou encore le « bore-out », ces concepts étant respectivement considérés comme l’absurdité pour le travailleur des tâches qui lui sont confiées et l’ennui au travail, pourraient dans l’avenir, avec l’intervention de la loi Rebsamen, conduire à observer des demandes de reconnaissance de maladies professionnelles au titre de ces affections.
Les CPAM, auront en tout état de cause, la tâche ardue de déterminer le bien fondé de telles demandes, pour prendre en charge ou non les maladies psychiques invoquées par les salariés comme étant des maladies professionnelles.
Auteurs
Françoise Albrieux-Vuarchex, avocat associé, droit social, CMS Bureau Francis Lefebvre Lyon
Camla Boulkout, avocat, droit social, CMS Bureau Francis Lefebvre Lyon
Le burn-out et la reconnaissance des maladies psychiques comme maladies professionnelles – Article paru dans Les Acteurs de l’économie le 6 février 2017
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