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Calcul de la représentativité patronale : le critère « une entreprise = une voix » validé par le Conseil constitutionnel

Calcul de la représentativité patronale : le critère « une entreprise = une voix » validé par le Conseil constitutionnel

La définition des critères de la représentativité patronale constitue un véritable feuilleton dont le dernier épisode est la validation, par le Conseil Constitutionnel, du critère de mesure de l’audience. Sera donc pris en compte le nombre d’entreprises adhérentes, à l’exclusion de tout autre critère.

Un critère qui favorise les organisations qui comptent le plus d’entreprises adhérentes

La loi du 5 mars 2014, qui a fixé les conditions de mesure de la représentativité des organisations professionnelles d’employeurs, a posé 6 critères cumulatifs : (1) le respect des valeurs républicaines, (2) l’indépendance, (3) la transparence financière, (4) une ancienneté minimale de 2 ans dans le champ professionnel et géographique couvrant le niveau de négociation, (5) l’influence et l’audience (6).

L’audience se mesure «en fonction du nombre d’entreprises volontairement adhérentes» (cf. art. L.2151-1 du Code du travail). Le décret du 10 juin 2015 a précisé que l’audience dépend exclusivement du nombre des entreprises adhérentes, qu’elles emploient ou non d’ailleurs du personnel.

Ce critère -très simple à appliquer en pratique- fait néanmoins l’objet de vives discussions entre les organisations professionnelles patronales. Ce critère favoriserait en effet la CGPME et l’UPA, qui comptent un nombre d’entreprises adhérentes, souvent de petite taille, bien plus élevé que le Medef. Or cela a des conséquences importantes car la représentativité de chaque organisation déterminera notamment le nombre de sièges qu’elles obtiendront dans les organismes paritaires (Agirc-Arcco, Unedic, etc.) et les ressources financières attribuées dans le cadre de l’Association de gestion du fonds paritaire national.

Estimant que le critère du nombre d’entreprises adhérentes devait être pondéré notamment par le nombre de salariés de chaque entreprise ou encore par son chiffre d’affaires, le Medef et plusieurs de ses adhérents ont saisi le Conseil d’Etat pour faire partiellement annuler le décret du 10 juin 2015.

C’est dans le cadre de ce contentieux que le Conseil d’Etat a transmis le 9 novembre 2015 une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) au Conseil constitutionnel pour déterminer si une telle disposition était conforme ou non à la Constitution.

Les requérants estimaient que le fait que l’audience soit mesurée exclusivement en fonction du nombre d’entreprises adhérentes à l’organisation professionnelle, à l’exclusion de tout autre critère, était contraire notamment aux principes de liberté syndicale et d’égalité prévus par la Constitution. Lors de l’audience devant le Conseil constitutionnel, ils ont fait notamment valoir à titre d’illustration que, dans la branche de l’intérim, les 8 principales entreprises, qui concentrent 75% des salariés, ne représentent que 0.8% des adhérents de la branche.

Le Conseil Constitutionnel a rejeté la QPC du Medef

Par une décision du 3 février 2016, le Conseil constitutionnel a rejeté les griefs du Medef et de ses adhérents et a déclaré les dispositions de la loi du 5 mars 2014 relatives à la mesure de la représentativité conformes à la Constitution. Le critère du nombre d’entreprises adhérentes pour la mesure de l’audience est donc validé.

Le Conseil constitutionnel a confirmé que le législateur était autorisé, pour fixer les conditions de mise en Å“uvre de la liberté syndicale, à définir des critères de représentativité des organisations professionnelles d’employeurs (ce qu’il avait déjà rappelé à propos de la représentativité des syndicats de salariés).

Le Conseil constitutionnel a ensuite précisé que : «en prévoyant que l’audience des organisations se mesure en fonction du nombre des entreprises adhérentes, le législateur a entendu assurer un égal accès à la représentativité des organisations professionnelles d’employeurs quel que soit le nombre de salariés employés par les entreprises adhérentes ou leur chiffre d’affaires».

Il a enfin rappelé que le critère du nombre de salariés des entreprises adhérant aux organisations professionnelles d’employeurs n’était pas complétement ignoré puisqu’il est pris en compte en matière de négociation collective pour la mise en Å“uvre du droit d’opposition (cf. article L.2261-19 du Code du travail).

Suites … et fin ?

Le Conseil d’Etat va maintenant reprendre l’examen du décret du 10 juin 2015 dont la validité est contestée. L’annulation du décret semble néanmoins peu probable à l’aune de la décision du Conseil constitutionnel qui a validé le critère de l’audience.

Il est cependant à craindre que la décision du Conseil d’Etat ne mette pas un terme au feuilleton de la représentativité patronale.

Quelques jours après l’annonce de la décision du Conseil constitutionnel, la CGPME et le Medef annonçaient avoir trouvé un compromis sur un panachage entre les deux critères : 80% pour le nombre de salariés et 20% pour le nombre d’entreprises adhérentes. Cette position est vivement critiquée par l’UPA qui n’a pas participé à cette négociation.

Malgré cela, le panachage proposé par le Medef et la CGPME est repris dans le projet de loi El Khomri qui prévoit en conséquence la modification de l’article L.2151-1 du Code du travail listant les critères de la représentativité patronale.

Le débat sur la mesure de la représentativité patronale est donc loin d’être clos.

 

Auteur

Ludovique Clavreul, avocat en droit social.

 

Calcul de la représentativité patronale : le critère « une entreprise = une voix » validé par le Conseil constitutionnel – Article paru dans Les Echos Business le 22 février 2016