Cautionnement international : comment déterminer la loi applicable ?
Banque italienne + emprunteur ayant son domicile en Italie + prêt soumis à la loi italienne = cautionnement soumis à la loi italienne ?
La Cour de cassation vient de rendre un arrêt important sur la loi applicable au contrat de cautionnement, lorsqu’aucun choix exprès n’a été réalisé par les parties (Cass. 1er civ. 16 sept. 2015, n°14-10.373). En témoigne le fait qu’ont été articulés pas moins de trois griefs successifs justifiant la cassation dont deux retiendront ici notre attention.
L’espèce mettait aux prises, d’un côté, une banque italienne ayant consenti un prêt à un emprunteur résidant en Italie et, d’un autre côté, la personne qui avait cautionné ce prêt. Toutefois, alors que le prêt était expressément soumis à la loi italienne, rien n’avait été précisé s’agissant de l’acte de cautionnement. La difficulté est apparue au grand jour lorsque, le prêt n’ayant pas été remboursé, la banque a assigné devant une juridiction française la caution, résidant en France.
La Cour d’appel avait jugé un peu vite d’abord que le contrat litigieux devait être considéré comme soumis à la loi française ensuite que, en toute hypothèse, les règles de droit français exigeant certaines mentions manuscrites dans les contrats de cautionnement devaient s’appliquer au contrat en tant que loi de police.
Sur le premier point, les juges du fond avaient estimé que c’était avec la France que le cautionnement présentait les «liens les plus étroits». En effet, c’est en France que résidait la partie devant fournir la prestation caractéristique de ce contrat, c’est-à -dire le paiement à honorer en cas défaillance du débiteur principal, selon le critère énoncé par la Convention de Rome du 19 juin 1980 (et repris désormais à l’article 4 du règlement n°593/2008 «Rome I» du 17 juin 2008). Ce faisant, les magistrats de la Cour d’appel avaient cru se conformer à l’analyse retenue par la chambre commerciale de la Cour de cassation en 2011. Cette dernière, en présence d’un cautionnement conclu par le dirigeant allemand d’une société allemande pour garantir un prêt à cette société au bénéfice d’un créancier allemand avait censuré un arrêt ayant jugé que ce faisceau de circonstances concordantes démontrait que le cautionnement présentait avec l’Allemagne les liens les plus étroits : pour la chambre commerciale, un tel raisonnement était impropre à établir le défaut de pertinence de l’élément de rattachement ordinaire avec la loi helvétique, loi du pays où la caution avait sa résidence habituelle au moment de la formation du cautionnement. D’où la tentation de la Cour d’appel dans l’arrêt commenté de rattacher le contrat à la France, lieu de résidence de la caution, et donc de soumettre le contrat au droit français.
La première chambre civile impose ici un raisonnement plus subtil. Sans le dire expressément, elle ne disconvient pas que, en matière de cautionnement, c’est la caution qui doit fournir la prestation caractéristique… alors que, dans un autre arrêt rendu en 2011, elle avait raisonné très différemment, en admettant que, parce que le cautionnement est un contrat accessoire (au contrat de prêt qu’il garantit), on pouvait considérer que devait lui être appliquée, tant en ce qui concerne la forme que le fond, la loi gouvernant le contrat principal.
Dans son arrêt de 2015, la première chambre considère que les données particulières de l’espèce auraient dû conduire à écarter la présomption rattachant le contrat à la loi du domicile de la caution. Elle relève que le contrat était rédigé en italien, qu’il avait été conclu en Italie, que le prêteur avait son siège dans ce pays, que l’emprunteur y avait sa résidence habituelle et que le contrat de prêt dont l’acte de cautionnement constituait la garantie était régi par la loi italienne. Tous ces éléments combinés invitaient à conclure que le contrat de cautionnement en cause présentait des liens plus étroits avec l’Italie qu’avec la France. Autrement dit, il faut faire une analyse au cas par cas. Ce qui doit bien évidemment inciter les praticiens à définir clairement la loi qui régira le contrat de cautionnement, laquelle, si les parties le souhaitent, pourra différer de celle applicable au contrat principal.
L’autre grief de cassation concerne la qualité de loi de police des règles protectrices de la caution énoncées par le droit français (en particulier, les articles L. 341-2 et L. 341-3 du Code de la consommation). Si tel avait été le cas, ces exigences auraient été applicables au contrat indépendamment de la loi applicable à celui-ci. La Cour d’appel avait commis l’erreur classique tendant à déclarer loi de police une règle impérative. D’où l’autre motif de cassation : ces règles ne sont pas de celles «dont l’observation est nécessaire pour la sauvegarde de l’organisation politique, sociale et économique du pays». Voilà un nouvel arrêt par lequel la Haute juridiction entend faire respecter la définition restrictive de la notion de loi de police telle qu’elle est énoncée par l’article 9 du règlement Rome I.
Auteur
Arnaud Reygrobellet, of Counsel, Doctrine juridique et Professeur à l’université Paris X.