Cession d’actions hors du PEA : un traitement surprenant pour les moins-values
Les lois de finances pour 2013 et pour 2014 ont modifié l’imposition des plus-values sur titres d’entreprises ou sur des OPCVM investis à au moins 75% en titres d’entreprises. A cette occasion, le traitement des moins-values n’a pas suffisamment retenu l’attention.
Les nouvelles règles visent les cessions et les rachats réalisés hors d’un PEA (ou d’un contrat d’assurance-vie) depuis le 1er janvier 2013. Les gains nets restent pleinement imposables aux prélèvements sociaux au taux de 15,5% (ainsi qu’à la contribution sur les revenus élevés de 3% ou de 4% si le cédant y est assujetti), mais ces gains sont réduits d’un abattement pour durée de détention, pour l’impôt sur le revenu, de 50% lorsque les titres ont été détenus plus de deux ans voire 65% pour une détention d’au moins 8 ans (avec, dans certains cas, un abattement plus fort).
Depuis 2013, l’imposition est donc devenue plus complexe, avec la détermination de deux gains selon l’imposition, et l’abandon du taux forfaitaire pour l’impôt sur le revenu. Le traitement des moins-values ajoute à cette complexité. Selon l’administration, les moins-values doivent subir l’abattement pour durée de détention. Il faut rappeler que les moins-values permettent de réduire les gains de l’exercice ou, à défaut, ceux des dix années suivantes. C’est un élément important du régime d’imposition hors PEA.
Selon nos informations, les nouveaux imprimés qui serviront à déclarer les plus-values et les moins-values réalisées en 2013 (non encore mis en service) invitent à appliquer l’abattement aux moins-values, C’est une solution que l’administration avait déjà retenue à propos de l’abattement pour durée de détention qui a profité aux dirigeants de PME cédant leur entreprise pour partir à la retraite. Il ne semble donc faire aucun doute qu’elle la confirmera au BOFiP.
Mais cette conclusion peut surprendre et plusieurs arguments existent en sens inverse.
Les textes issus des lois de finances pour 2013 et pour 2014 ne contiennent aucune indication d’une modification du calcul des moins-values. Les travaux préparatoires non plus. Pourtant, s’agissant d’une règle dérogatoire, elle devrait découler du texte ou au moins de l’objet de la loi.
Inciter à céder des titres porteurs d’une moins-value avant 2 ans de détention est contraire à l’objectif de la loi, qui est de favoriser les contribuables qui conservent leurs titres suffisamment longtemps. Cela s’avère contre-productif car l’incitation à céder rapidement ne peut qu’accentuer l’instabilité boursière, et complexifier nettement la gestion d’un portefeuille. Cela peut aussi conduire à des résultats absurdes car le contribuable n’a pas toujours les moyens de vendre à temps : une contre-performance peut fort bien ne se manifester qu’au terme de deux ans de détention.
L’objectif de l’administration est-il de garantir une certaine symétrie ? On pourrait comprendre que l’abattement soit appliqué aux moins-values pour assurer la neutralité fiscale d’une opération économiquement neutre telle que la cession concomitante de titres A, en réalisant une plus-value de 100, et des titres B, en réalisant une moins-value de même montant (les titres A et B étant détenus depuis 10 ans par exemple). Mais le législateur n’a pas expressément prévu cette symétrie. Et aurait-il accepté, s’il y avait réfléchi, que l’abattement puisse s’appliquer aux moins-values qui ne viennent pas réduire des plus-values elles-mêmes abattues ? Par exemple si le contribuable cède des titres A détenus longtemps en réalisant une plus-value de 100, et des titres B qu’il vient d’acquérir en réalisant une plus-value de 100, l’opération est neutre économiquement (ni gain ni perte), mais l’application de l’abattement à la moins-value conduit à taxer un gain virtuel.
Difficulté supplémentaire en cas de report de la moins-value abattue. D’après les projets d’imprimés de l’administration, c’est la moins-value déterminée après le jeu des abattements qui est à reporter pour être utilisée sur les plus-values des 10 années suivantes. L’utilisation de cette moins-value produira un effet pour les prélèvements sociaux et la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus dès lors qu’elles sont déterminées sur le gain retenu après imputation des moins-values en report.
La loi indique que les abattements pour durée de détention sont neutralisés pour ces contributions, mais l’administration devrait considérer (comme elle l’a déjà fait, avant la mise en ligne du BOFiP) que la moins-value en report n’a pas à être retraitée pour neutraliser le jeu des abattements. On peut comprendre la préoccupation d’éviter de nombreux retraitements, mais cette solution ne ressort pas clairement des textes. Et elle est défavorable si la moins-value a été abattue en raison de la durée de détention des titres : l’effet défavorable produit par l’abattement ne se limite alors pas à l’impôt sur le revenu, mais s’étend aux contributions.
A propos de l’auteur
Florent Ruault, avocat, spécialiste des impôts directs au sein du département de doctrine fiscale. En étroite relation avec les avocats du Cabinet intervenant dans ce domaine, il suit et analyse les évolutions du droit fiscal pour formuler des conseils pratiques. Il dirige la veille, participe à l’élaboration des communiqués clients et publie des chroniques dans la presse.