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Cession d’immeuble loué, acquis pour être revendu : régime de neutralité de la TVA

Cession d’immeuble loué, acquis pour être revendu : régime de neutralité de la TVA

L’article 257 bis du Code général des impôts (CGI) institue un régime de neutralité en matière de TVA (ni taxation, ni régularisations) à l’occasion de la transmission à titre onéreux ou gratuit ou sous forme d’apport à une société, d’une universalité totale ou partielle de biens, réalisée entre redevables de la TVA.

Lorsque ce texte s’applique, le bénéficiaire de la transmission est réputé continuer la personne du cédant en poursuivant l’exploitation de l’universalité transmise sous une forme ou une autre. Il n’est toutefois pas exigé qu’il ait préalablement exercé la même activité que le cédant ou qu’il poursuive strictement la même activité que celle précédemment exercée par le cédant.

Lire également : Article 257 bis du CGI : quand le dispositif du transfert d’universalité de patrimoine est-il applicable ?

L’administration fiscale a précisé que la dispense de taxation s’applique aux cessions d’immeubles donnés en location, avec reprise ou renégociation des baux en cours par l’acquéreur, qui interviendraient entre deux bailleurs redevables de la TVA au titre de cette activité dès lors que ces cessions s’inscrivent dans une transmission d’entreprise ou une restructuration réalisée au profit d’une personne qui entend exploiter l’universalité transmise (BOI-TVA-CHAMP-10-10-50-10-20121001).

Mais, en ce qui concerne les cessions d’immeubles réalisées par les marchands de biens, l’administration fiscale refuse l’application du régime de neutralité, même si dans l’attente de sa revente l’immeuble fait l’objet d’une location soumise à la TVA, au motif que l’inscription en stock de l’immeuble constitue un élément objectif révélant l’intention de ne pas l’affecter durablement à une activité de location mais de le destiner purement et simplement à la vente (BOI-TVA-DED-60-20-10 n°280, 1er octobre 2012).

Ainsi, la dispense ne serait applicable que pour autant que la transmission porte sur des biens d’investissement chez le cédant comme chez le cessionnaire.

Cette position administrative, selon laquelle l’article 257 bis ne s’applique pas à la revente d’immeuble acquis en vue de leur cession, vient d’être infirmée par deux arrêts du Conseil d’Etat en date du 23 novembre 2015 n°375054 et 375055.

Dans chacune des deux affaires, une société prenait en location, dans le cadre d’un contrat de crédit-bail, un immeuble commercial qu’elle donnait elle-même en sous-location à différentes entreprises qui y exploitaient leur activité. Très peu de temps après avoir acheté les agencements commerciaux aux sous-locataires, la société avait acquis l’immeuble en levant l’option d’achat prévue au contrat de crédit-bail et l’avait revendu, le même jour, à un tiers, lequel avait poursuivi l’activité de location de ces locaux au bénéfice des mêmes occupants. Ni la levée d’option incluse dans le contrat de crédit-bail immobilier, ni la cession de l’immeuble et des agencements n’avaient été soumises à la TVA. Aussi, à l’issue d’un contrôle fiscal, le fisc refusant l’application de l’article 257 bis a exigé la régularisation par vingtièmes de la TVA déduite lors de l’acquisition des agencements commerciaux, dans la mesure où la cession de l’immeuble n’avait pas été soumise à la taxe.

Dans ces deux affaires, le Conseil d’Etat adopte une interprétation large, et juge que l’article 257 bis du CGI peut s’appliquer à la revente immédiate de l’immeuble par le crédit-preneur qui a levé l’option, dès lors que l’acquéreur poursuit l’activité de location soumise à la TVA des locaux concernés. Il est donc permis d’en conclure que cette décision infirme la doctrine administrative, et que l’article 257 bis s’applique à la cession par un promoteur ou un marchand de biens d’un immeuble inscrit en stock qu’il donnait en location dans l’attente de sa vente si l’acquéreur perpétue l’activité locative.

La situation jugée par la Haute Juridiction ne lui a pas donné l’occasion de se prononcer sur le régime de la levée d’option par le crédit-preneur, qui précédait immédiatement les cessions en cause. Dans la mesure où le critère déterminant dans la décision du Conseil d’Etat est celui de la poursuite de l’activité locative par le cessionnaire, il semble douteux que l’on puisse considérer que le crédit preneur, qui lève l’option pour vendre immédiatement l’immeuble, entend poursuivre cette activité.

La levée d’option ne devrait donc pas bénéficier du régime de neutralité de TVA.

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Auteur

Philippe Tournès, avocat associé spécialisé en TVA.