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Cessions de droits sociaux : gare au défaut d’agrément !

Cessions de droits sociaux : gare au défaut d’agrément !

Celui qui se porte acquéreur des parts ou des actions d’une société doit se préoccuper, lorsqu’un agrément est requis, de la conformité de la cession au dispositif légal d’agrément ou à la clause figurant dans les statuts de la société, et ce même si le futur cessionnaire n’est pas encore entré dans le cercle des associés et n’a pas encore adhéré aux statuts.

Instituée par la loi ou par les statuts, la clause d’agrément subordonne comme on le sait la cession des droits sociaux d’une société non cotée à l’accord d’un organe sociétaire – conseil d’administration, assemblée des associés, etc. Le législateur a prévu dans les différentes formes sociales la procédure applicable à l’agrément, et il l’a fait de manière généralement détaillée. Cependant, n’est pas entièrement réglée la question de la sanction frappant une cession non agréée, c’est-à-dire une cession qui aurait été faite en violation de la procédure d’agrément ou qui serait intervenue en dépit d’un refus d’agrément.

I – La nature de la sanction

S’agissant des sociétés par actions (SA, SAS notamment), la sanction est clairement identifiée par les textes : il s’agit de la nullité de la cession non agréée.

Le sort de la cession non agréé est plus incertain dans les SARL et dans les sociétés de personnes. La jurisprudence penchait jusqu’à présent davantage pour la sanction de la nullité, à l’instar de ce qui est prévu pour les sociétés par actions, mais une décision récente, rendue à propos d’une cession de parts de société en nom collectif (SNC) et dont la transposition à d’autres formes sociales n’est pas exclue, a pris un chemin différent.

Par un arrêt en date du 16 mai 2018, destiné à publication au Bulletin, la Chambre commerciale de la Cour de cassation a en effet jugé que « le défaut d’agrément unanime des associés à la cession des parts sociales d’une SNC n’entraîne pas la nullité de la cession, laquelle est seulement inopposable à la société et aux associés » (n°16-16498).

II – Les personnes pouvant se prévaloir de la sanction

Que la sanction du défaut d’agrément soit la nullité ou l’inopposabilité, le cessionnaire se trouvera toujours privé de la possibilité de s’en prévaloir.

Si la sanction est l’inopposabilité à la société et aux associés, la cession non agréée demeure valable mais elle ne produit pas d’effets hors de la sphère des relations entre le cédant et le cessionnaire. Ce dernier aura valablement acquis des parts d’une société… qui pourra légitimement refuser de le reconnaître comme associé.

Quant à la sanction de la nullité de la cession, elle ne doit pas pouvoir être invoquée par le cessionnaire car la clause d’agrément protège des intérêts privés distincts des siens – en l’occurrence ceux de la société et des associés en place.

Dans tous les cas, la situation du cessionnaire sera peu enviable. Il se trouvera par principe engagé par la cession, de sorte qu’il sera débiteur du prix à l’égard du cédant. Mais dans les sociétés par actions, il sera exposé à une annulation de la cession, tandis que dans les autres sociétés, si l’inopposabilité est effectivement la sanction applicable, tant la société que les autres associés pourront faire comme si la cession n’existait pas. Concrètement, le nouvel associé ne sera pas convoqué aux assemblées, ne percevra pas de dividendes, etc. Tous les attributs de l’associé seront dirigés vers le cédant, quitte à ce que celui-ci en fasse jouir le cessionnaire à la manière d’un croupier. D’autres questions délicates apparaîtront, comme celle de l’identité de la personne supportant l’obligation aux dettes sociales à l’égard des tiers lorsque les formalités d’opposabilité de la cession à ces derniers ont été accomplies.

Le cessionnaire n’est certes pas sans recours contre le cédant, et il pourra notamment demander la résolution de la cession qui ne permettra pas de jouir des droits sociaux. En attendant, le cessionnaire se trouvera engagé dans une cession alternativement menacée de nullité ou d’inefficacité.

On ne peut en conclusion que souhaiter au cessionnaire de droits sociaux de ne pas se trouver dans la situation délicate qui vient d’être exposée, et le conseil est ici évident : il ne faut se porter acquéreur de parts ou d’actions que sous la condition suspensive de l’obtention par le cédant de l’agrément requis le cas échéant par la loi ou par les statuts.

 

Auteur

Bruno Dondero professeur à l’Ecole de droit de la Sorbonne et of counsel CMS Francis Lefebvre Avocats

Cessions de droits sociaux : gare au défaut d’agrément ! – Analyse juridique parue dans le magazine Option Finance le 18 juin 2018