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Clarification du champ de la compétence exclusive de la cour d’appel de Paris en matière de pratiques restrictives de concurrence

Clarification du champ de la compétence exclusive de la cour d’appel de Paris en matière de pratiques restrictives de concurrence

L’article D.442-3 du Code de commerce (issu du décret n°2009-1384 du 11 novembre 2009) donne compétence exclusive à huit tribunaux de commerce (et huit tribunaux de grande instance) pour connaître des litiges relevant de l’article L.442-6 du Code de commerce. Les litiges commerciaux en matière de pratiques restrictives de concurrence (déséquilibre significatif, rupture brutale des relations commerciales établies, etc.) doivent donc être portés en premier ressort devant les tribunaux de commerce de Bordeaux, Rennes, Nancy, Marseille, Lyon, Fort-de-France, Tourcoing ou Paris.

Ce même article donne compétence juridictionnelle exclusive à la cour d’appel de Paris pour connaître des décisions rendues par ces juridictions spécialisées. En deuxième ressort, les litiges concernés ont donc vocation à être traités par la seule cour d’appel de Paris, juridiction par ailleurs également compétente de manière exclusive en matière de pratiques anticoncurrentielles (ententes, abus de position dominante, etc.).

La volonté du législateur est ainsi, face à la complexification croissante des règles de concurrence, de concentrer le contentieux en cette matière.

Une jurisprudence abondante est venue clarifier les dispositions précitées et répondre aux nombreuses difficultés procédurales engendrées par cette compétence spécialisée.

La Chambre commerciale de la Cour de cassation a ainsi rendu, le 26 avril 2017, un arrêt intéressant (Cass. com., 26 avril 2017, n°15-26.780).

En l’espèce, le demandeur reprochait notamment à son cocontractant une rupture brutale de leur relation commerciale sur le fondement de l’article L.442-6, I, 5° du Code de commerce. Il avait saisi la juridiction désignée par la clause attributive de juridiction figurant au contrat, le tribunal de commerce de Pontoise. Le défendeur avait alors contesté la compétence de cette juridiction qui ne figure pas sur la liste des juridictions spécialisées.

Le tribunal saisi s’étant déclaré incompétent, le demandeur avait alors formé un contredit devant la cour d’appel de Versailles. Celle-ci a déclaré le contredit irrecevable en considérant que toute autre Cour d’appel que celle de Paris serait désinvestie du pouvoir de statuer sur les appels ou contredits formés contre une décision rendue dans le cadre de litiges relatifs à l’application de l’article L.442-6 du Code de commerce.

La Cour de cassation casse toutefois cet arrêt en considérant que la compétence exclusive de la cour d’appel de Paris est limitée aux recours contre les décisions rendues par les juridictions spécialisées. La Cour de cassation renvoie donc l’affaire devant la cour d’appel de Versailles, dans le ressort de laquelle se situe le tribunal de commerce de Pontoise, pour qu’elle déclare le contredit recevable et qu’elle constate le défaut de pouvoir juridictionnel de ce tribunal.

Le texte ne distinguant pas selon le type de recours exercé, l’ensemble des recours exercés contre les décisions rendues par les juridictions spécialisées (mais seulement celles-ci) doit donc être porté devant la cour d’appel de Paris.

Il en résulte qu’un contredit formé contre une décision rendue par une juridiction non spécialisée n’est pas soumis à cette compétence exclusive de la cour d’appel de Paris.

Cet arrêt confirme le revirement de jurisprudence opéré le 29 mars 2017 par la Cour de cassation, qui s’était déjà prononcée en ce sens à propos de l’appel, en appliquant logiquement la nouvelle solution au contredit. Il permet que ne soient pas maintenus les jugements rendus par des tribunaux non spécialisés.

A noter que le contredit a été supprimé par le décret n°2017-891 du 6 mai 2017 pour être remplacé, depuis le 1er septembre 2017, par un appel immédiat sur compétence.

 

Auteur

Amaury Le Bourdon, avocat en droit de la concurrence et droit de la distribution