Classement en invalidité porté à la connaissance de l’entreprise : une vigilance accrue s’impose
7 mai 2014
Le classement d’un salarié en invalidité par la Caisse Primaire d’Assurance Maladie peut emporter, pour l’employeur, dès lors qu’il en a connaissance, des conséquences pécuniaires importantes.
Des décisions rendues en 2011 commandent la marche à suivre pour les éviter.
La notion de classement en invalidité
Invalidité, inaptitude, situation de handicap…. Autant de notions dont la distinction n’est pas toujours aisée mais qui recouvrent des réalités juridiques fort différentes en droit du travail et de la sécurité sociale.
Ainsi, le classement en invalidité est décidé par la Caisse Primaire d’Assurance Maladie dont relève le salarié et concerne la diminution de sa capacité à travailler.
L’invalidité, une notion distincte de l’inaptitude physique au poste de travail
Notion de sécurité sociale, l’invalidité est donc distincte de la déclaration d’inaptitude. Cette dernière résulte en effet d’une décision du médecin du travail qui va mettre fin à la suspension du contrat de travail et va déclencher l’obligation, pour l’employeur, de rechercher des solutions de reclassement susceptibles d’être proposées au salarié déclaré inapte.
Partant, le classement en invalidité ne met pas fin à la suspension du contrat de travail et n’autorise pas l’employeur à procéder au licenciement du salarié déclaré invalide.
Le constat souvent fait en pratique
Si rares sont désormais les situations où l’employeur tire les conséquences de la déclaration d’invalidité en prononçant immédiatement le licenciement du salarié, on constate cependant encore et, à l’inverse, une absence de réaction de l’employeur lorsque le salarié absent lui fait part du classement en invalidité dont il vient de faire l’objet par la Caisse Primaire d’Assurance Maladie.
En effet, l’expérience démontre que lorsque le salarié informe son employeur de son classement en invalidité, il est souvent en suspension de contrat de travail pour maladie ou accident depuis de nombreux mois conduisant parfois à une absence de réaction particulière de la part de l’employeur.
Absence parfois de réaction car cette information sur la déclaration d’invalidité survient pendant un arrêt de travail, conduisant l’employeur à estimer que la visite médicale ne s’impose pas tant que le salarié n’en formule pas la demande ou encore parce qu’entre transmission d’arrêts de travail successifs et information sur la déclaration d’invalidité, l’employeur ne prête pas nécessairement une attention particulière à cette information pourtant capitale.
Cette absence de réaction pouvait se justifier puisque l’Administration dans une circulaire de 1994 précisait qu’en cas d’information de l’employeur par le salarié de son admission au bénéfice d’une pension d’invalidité sans exprimer le souhait de reprendre le travail, l’employeur avait le choix : ne prendre aucune décision et le contrat de travail demeurait suspendu ou demander au salarié de reprendre le travail et provoquer la visite médicale de reprise.
Dès lors que la visite médicale pouvait conduire au constat de l’inaptitude du salarié et la mise en œuvre de la procédure de reclassement souvent soldée, en cas d’échec, par le licenciement de l’intéressé à l’issue aléatoire, l’employeur pouvait préférer laisser les choses en l’état.
La déclaration par le salarié de son classement en invalidité appelle pourtant une réaction immédiate
Bien que la jurisprudence sur ce thème ait été rendue il y a déjà trois ans (deux décision de janvier et février 2011), un rappel de l’attitude à tenir n’est pas inutile tant les décisions précitées ne sont pas forcément connues de l’employeur et leurs conséquences appréhendées.
Réagir promptement lorsque le salarié ne manifeste pas son souhait de ne pas reprendre le travail suite à la déclaration d’invalidité
Par ces deux décisions rendues en 2011, aux termes d’attendus à la rédaction peu évidente, la Cour de cassation précise que lorsque le salarié informe l’employeur de son classement en invalidité 2e catégorie sans manifester la volonté de ne pas reprendre le travail, il appartient à l’employeur de prendre l’initiative de faire procéder à une visite de reprise laquelle met fin à la suspension du contrat de travail.
En d’autres termes, dès lors que le salarié informe son employeur de son classement en invalidité 2e catégorie sans commentaire particulier sur ses intentions quant à la reprise de son activité professionnelle et plus particulièrement sans exprimer le souhait de ne pas reprendre son activité professionnelle, l’employeur doit provoquer la visite médicale de reprise permettant de statuer sans délai sur l’aptitude médicale de l’intéressé.
Une réaction qui préserve les intérêts de l’employeur
Dans le contexte précité, une telle démarche sera salvatrice pour l’employeur, tant la réaction du salarié (qui en première intention ne s’était pas spécialement manifesté …) pourrait être lourde de conséquences.
En effet, en cas d’absence de réaction de l’employeur, le salarié pourra, selon la Cour de cassation, considérer l’inertie de l’employeur comme fautive et que celui-ci, ne réagissant pas en provoquant la visite médicale de reprise, n’a pas satisfait à ses obligations. En conséquence de ce constat, le salarié pourra solliciter la condamnation de l’employeur à l’allocation de dommages et intérêts pour le préjudice subi. Le salarié pourra en outre prendre acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur ou encore obtenir la résolution judiciaire de son contrat de travail avec les mêmes conséquences pour l’entreprise, la qualification de licenciement abusif donnant lieu à l’octroi de dommages-intérêts
Dès lors en cas de statu quo que l’employeur aurait entendu préserver, risque-t-il de devoir assumer les conséquences pécuniaires d’un licenciement dénué de cause réelle et sérieuse.
Ainsi donc et en conclusion, à la suite de la déclaration d’invalidité porté à la connaissance de l’employeur celui-ci devra se positionner sans délai : préserver le statu quo si le salarié à clairement exprimé le souhait de ne pas réintégrer son poste de travail ou l’inviter à passer une visite médicale dans le cas inverse.
La position de la Cour de cassation sur ce point est déjà ancienne, mais un rappel de la règle pouvait s’avérer nécessaire.
A propos de l’auteur
Vincent Delage, avocat associé. Spécialisé en droit social,
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