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Une clause de bad leaver peut-elle être révisée par le juge ?

Dans le domaine du private equity, les clauses de leaver sont fréquentes. Et leur intérêt au sein des management packages est loin d’être négligeable. Ces clauses sont un des principaux moyens utilisés pour astreindre le dirigeant, également actionnaire, à des objectifs déterminés à l’avance. En particulier, si le résultat assigné n’est pas atteint, le prix de revente des titres du dirigeant associé sera calculé après application d’une décote.

Le montant de cette décote peut-il, cependant, être révisé par le juge? Dans un arrêt rendu en date du 17 février 2015 (n°13/03647), la cour d’appel de Rennes a été saisie de cette question.

En l’espèce, une cession de contrôle avait été conclue entre l’actionnaire majoritaire, également dirigeant de la société et un repreneur. Le cédant avait souscrit une clause de bad leaver en s’engageant à accompagner le repreneur pendant une durée pouvant aller jusqu’à 18 mois à compter de la date de cession de contrôle. Il était convenu qu’en cas de refus d’accompagnement, les titres détenus par le cédant seraient valorisés à leur valeur nominale et non à leur valeur de marché.

Par la suite, un désaccord est né entre le cédant et le cessionnaire sur le prix de cession. Tandis que le premier estimait que la valeur nominale devait être retenue en cas d’inexécution de l’obligation d’accompagnement, le repreneur contestait finalement l’application de la clause figurant dans la clause de bad leaver. Ce dernier entendait écarter l’application de la méthode de calcul prévue par la clause et engager la responsabilité contractuelle de droit commun du cédant pour inexécution de son obligation d’accompagnement.

En effet, la situation de la société avait évolué à la baisse et la valeur nominale des actions était devenue supérieure à la valeur de marché. Cette situation privait donc de tout effet sanctionnateur la clause de leaver stipulée. Au contraire, la mise en œuvre de la méthode de calcul prévue à l’origine conduisait à valoriser à la hausse le prix de cession en cas d’inexécution par le cédant de son obligation. La cour d’appel de Rennes a donc écarté l’application de la méthode de calcul prévue par la clause de leaver et estimé que le cessionnaire était fondé à demander réparation du préjudice que lui a causé l’inexécution par le cédant de son engagement d’accompagnement. La solution paraît justifiée. Mais, un élément particulièrement important figure dans les motifs de la décision : la cour a qualifié la clause de bad leaver de «clause pénale».

Si cette qualification était suivie par d’autres juridictions, il en résulterait un pouvoir général de révision des clauses de leaver pour les juridictions. En effet, le Code civil prévoit que le juge peut, même d’office, modérer ou augmenter la sanction prévue par les parties lorsque celle-ci est manifestement excessive ou dérisoire. En l’espèce, la sanction était inexistante en raison de l’évolution à la baisse de la valeur des titres. Elle a donc été écartée. Mais, dans une situation différente, si la sanction n’est pas inexistante mais jugée trop importante, le cédant pourrait être tenté d’en obtenir la révision devant un juge. L’équilibre qui aurait alors été trouvé au moment de la négociation du management package serait susceptible d’être remis en cause lors de son exécution.

Cette solution invite, de manière plus générale, à choisir un élément de référence autre que la valeur nominale des titres, lors de la rédaction de la clause de leaver. L’affaire jugée par la cour d’appel de Rennes témoigne des limites qu’un tel critère peut présenter lorsqu’il est mis en œuvre.

 

Auteur

Christophe Blondeau, avocat associé spécialiste des opérations transactionnelles de fusions – acquisitions, de joint-venture et de private equity.

 

*une clause de bad leaver peut-elle être révisée par le juge?* – Analyse juridique parue dans le magazine Option Finance le 30 mars 2015