Une clause de mobilité ne peut imposer un changement d’employeur au sein d’un groupe
13 juin 2016
Le 19 mai dernier, la Cour de cassation a confirmé sa position quant à la nullité des clauses de mobilité ayant une portée générale. Elle rappelle en effet qu’une clause de mobilité ne permet pas d’imposer au salarié un changement conventionnel d’employeur, alors même que ce changement intervient au sein d’un groupe.
Dans ce cas, le salarié est en droit de refuser une telle mutation. Point sur les règles applicables en matière de clause de mobilité et les conditions dans lesquelles le transfert intra-groupe du contrat de travail est susceptible d’intervenir.
La clause de mobilité permet d’imposer au salarié à l’avance une affectation sur un nouveau lieu de travail de l’entreprise au-delà du secteur géographique au sein duquel il est employé.
Selon la jurisprudence, pour être licite, la clause de mobilité doit être prévue expressément au contrat de travail ou dans la convention collective, sous réserve que le salarié en ait été informé.
En pratique, les contentieux se sont surtout concentrés sur le périmètre géographique d’application de la clause de mobilité : ce dernier doit être précisément défini tout en étant proportionné aux fonctions du salarié. En revanche, la clause de mobilité ne peut pas valablement conférer à l’employeur le pouvoir d’en étendre unilatéralement la portée.
Autrement dit, le salarié doit connaître précisément, au moment où il s’engage, l’étendue de son obligation de mobilité.
Ainsi, une clause de mobilité stipulant que les fonctions du salarié s’exerceront « sur l’ensemble du territoire national mais également dans tous les pays » ou permettant toute mutation « en fonction des nécessités de l’entreprise » ne sera pas considérée comme étant suffisamment précise et ne pourra, dès lors, s’imposer au salarié.
Cela n’interdit pas pour autant à l’employeur de prévoir une clause de mobilité couvrant tout le territoire national par exemple, lorsque le salarié exerce des fonctions qui le justifient.
En revanche, une clause de mobilité ne peut imposer au salarié un changement d’employeur, y compris au sein d’un groupe.
Dans son arrêt du 19 mai 2016, la Cour de cassation rappelle qu’une clause de mobilité est nulle et inopposable au salarié lorsqu’elle a pour objet d’imposer à ce dernier toute mutation dans une autre société, alors même qu’elle appartiendrait au même groupe.
En outre, la Cour rappelle que, sauf application de l’article L. 1224-1 du Code du travail, le changement d’employeur prévu et organisé par voie conventionnelle suppose l’accord exprès du salarié, qui ne peut résulter de la seule poursuite de son contrat de travail sous une autre direction. Dans ce contexte, le licenciement du salarié du fait de son refus de changement d’employeur a été jugé sans cause réelle et sérieuse.
En l’absence de transfert automatique du contrat de travail, l’employeur et plus généralement un groupe, dans le cadre de sa politique de mobilité ne peut donc s’affranchir des règles relatives au transfert du contrat de travail qui est subordonné à l’accord express du salarié. La clause contractuelle de mutation intra-groupe ne saurait constituer cet accord. Il est donc indispensable de formaliser l’accord du salarié sur le transfert de son contrat de travail entre deux sociétés, ce qui donnera également l’opportunité d’en préciser les conditions (ancienneté, droit à congés payés, etc.).
Ainsi, la Cour rappelle que pour pouvoir se prévaloir de la clause de mobilité, il convient d’en limiter le périmètre au seul changement de lieu de travail du salarié. Dans ce cas, et sous réserve de respecter tous les critères de validité, la modification du lieu de travail, s’analysant en un simple changement des conditions de travail, s’impose au salarié. En cas de refus de ce dernier, l’employeur pourra procéder au licenciement en raison du manquement du salarié à ses obligations contractuelles, sauf en cas de refus légitime du salarié (c’est-à -dire atteinte à la vie personnelle et familiale qui ne serait pas justifiée par la tâche à accomplir ni proportionnée au but recherché) ou d’abus de l’employeur.
Auteur
Maïté Ollivier, avocat en droit social
Une clause de mobilité ne peut imposer un changement d’employeur au sein d’un groupe – Article paru dans Les Echos Business le 7 avril 2016
A lire également
La clause de mobilité : où faut-il s’arrêter ?... 15 octobre 2014 | CMS FL
Financements structurés et implication des représentants du personnel... 24 décembre 2020 | CMS FL Social
Détachement transnational de salariés : le rôle du donneur d’ordre renf... 31 juillet 2019 | CMS FL
L’impact potentiel de l’élection d’Emmanuel Macron sur le secteur du M... 5 octobre 2017 | CMS FL
Prestation de services internationale et obligation de vigilance : le donneur dâ... 29 juin 2023 | Pascaline Neymond
Télétravail : une mise en œuvre simplifiée mais à quels coûts pour l’ent... 25 mai 2018 | CMS FL
Les enjeux juridiques et sociaux de la direction de fait... 23 mars 2020 | Pascaline Neymond
Mutation disciplinaire et discrimination : la nécessaire conciliation entre le ... 2 mars 2022 | Pascaline Neymond
Articles récents
- Présomption de démission : attention à la rédaction du courrier de mise en demeure !
- Obligation de loyauté de la négociation collective : bonnes pratiques et points de vigilance
- Hamon : stop ou encore ?
- Apprentissage : le Gouvernement va reconduire l’aide pour les employeurs embauchant des apprentis
- La clause dite de conscience : outil de sécurisation des dirigeants d’entreprises familiales
- La convention d’assurance chômage est agréée
- Sécurité sociale : quelles perspectives pour 2025 ?
- L’intérêt à agir exclut la possibilité pour un syndicat professionnel de demander la régularisation de situations individuelles de salariés
- Présomption de démission en cas d’abandon de poste : les précisions du Conseil d’Etat sur le contenu de la mise en demeure
- Quel budget pour la sécurité sociale en 2025 ?