La clause de mobilité : où faut-il s’arrêter ?
15 octobre 2014
Par une décision du 9 juillet 2014, la Cour de cassation a validé une clause de mobilité applicable à l’ensemble du territoire français. Selon la Haute Juridiction, l’employeur pouvait donc imposer aux salariés, sur cette base, leur mutation de l’agence de Frouard (Meurthe-et-Moselle) à Paris.
Même si cet arrêt éclaire la question de l’étendue géographique maximale, des interrogations demeurent.
En premier lieu, la clause de mobilité doit définir précisément sa zone géographique d’application
La question se posait donc de savoir si le territoire national était une zone assez précise et pas trop étendue.
Un arrêt de la Cour de cassation de mars 2013 avait laissé présager une réponse positive, car il avait jugé que la clause de mobilité qui visait l’ensemble du territoire national était «claire, licite et précise» et qu’elle «s’imposait au salarié qui n’ignorait pas qu’il serait amené compte tenu de ses fonctions de consultant et de son secteur d’activité à s’éloigner de son domicile».
La décision du 9 juillet 2014 vient de confirmer définitivement que la mention du territoire français dans une clause de mobilité est assez précise et valable.
Poussant ce raisonnement, il devrait être envisageable de prévoir une clause de mobilité internationale, visant plusieurs pays, voire l’Union Européenne dans son ensemble. L’exigence de précision impliquerait uniquement d’énumérer clairement dans la clause les pays visés par celle-ci (ex : France et Allemagne).
En revanche, restent prohibées les clauses laissant à l’employeur le loisir de définir tout ou partie du périmètre concerné, telle que la clause visant «les établissements à venir» ou celle portant sur «les départements où la Société exercera son activité». En effet, dans ce dernier cas, les localisations ne cessant de varier au gré des fusions et acquisitions du Groupe, la portée de la clause de mobilité dépendrait en réalité de la seule volonté de l’employeur (CA Rennes, 20 mars 2008, n°07/00299).
La validité de la clause de mobilité est subordonnée en second lieu à une stipulation dans un accord collectif ou dans le contrat de travail
La clause de mobilité peut résulter d’une disposition d’une convention collective d’entreprise ou de branche sous réserve qu’elle se suffise à elle-même et que le salarié ait été informé de l’existence de cette clause au moment de son engagement et mis en mesure d’en prendre connaissance.
En réalité, rares sont les conventions collectives conformes aux conditions de validité imposées par la Cour de cassation. Ainsi la Haute Juridiction a considéré que la disposition de la convention collective des bureaux d’études techniques, qui stipule que toute modification du lieu de travail comprenant un changement de résidence fixe, qui n’est pas accepté par le salarié est considéré, à défaut de solution de compromis, comme un licenciement, ne caractérisait pas une clause de mobilité valable.
Plus classiquement, la clause de mobilité figurera dans le contrat de travail ou dans un avenant à celui-ci.
Des interrogations demeurent néanmoins
Les décisions de mars 2013 et juillet 2014 ne répondent pas clairement à la question de savoir si une clause de mobilité nationale est valable quelles que soient les fonctions du salarié. En effet, les deux affaires précitées concernaient des salariés dont les fonctions imposaient par nature une certaine mobilité (un consultant informatique pour la première et pour la seconde, un coordinateur opérations France).
Une partie de la doctrine se demande également si le fait de viser des zones très larges dans la clause de mobilité (ex : Union européenne) ne permettrait pas à l’employeur de contourner, de fait, l’interdiction de maîtriser la portée de la clause en lui permettant d’affecter le salarié dans n’importe quel pays. Même si la Cour de cassation estime que dès lors que le salarié connait l’étendue de la clause celle-ci est valable quelle que soit l’importance du territoire couvert, il convient néanmoins de rester prudent avant d’instaurer une clause couvrant l’Europe entière, voire le monde.
En conclusion, il convient aussi de rappeler que la rédaction de la clause de mobilité ne suffit pas à garantir la validité de sa mise en œuvre, laquelle devra être décidée dans l’intérêt de l’entreprise et dans le respect des droits du salarié à une vie personnelle et familiale.
Auteur
Alain Herrmann, avocat associé en droit social
Mathieu Rodrigues, avocat en droit social
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