Comment définir le redevable de la taxe foncière lors des constructions sur sol d’autrui ?
Dès lors qu’une construction est édifiée, la question de son imposition en taxe foncière à compter de l’année suivant celle de son achèvement se pose mécaniquement, mais reste à définir au nom de qui.
Cette question se pose pour les constructions proprement dites, mais également pour les agencements fonciers pouvant influencer la valeur foncière. L’impact est toutefois limité au cas d’immeubles à usage industriel, pour lesquels la valeur foncière est appréciée à partir de la méthode comptable édictée à l’article 1499 du Code général des impôts.
Lorsqu’un propriétaire donne en location son terrain et les éventuelles constructions préexistantes, il demeure redevable de la taxe foncière grevant ces biens fonciers, sauf si la convention prend la forme d’un bail emphytéotique, à construction, à réhabilitation ou d’une autorisation d’occupation temporaire constitutive de droits réels, auxquels cas le preneur devient redevable de la taxe foncière une fois la convention publiée au fichier immobilier. Tel est généralement le cas des parcs photovoltaïques installés sur des terrains publics au travers des baux emphytéotiques.
Hormis ces cas particuliers limitativement énumérés, le propriétaire du sol reste imposé en taxe foncière sur l’immeuble lui appartenant, sans que cela emporte des conséquences sur le sort des constructions édifiées par son locataire.
L’article 555 du Code civil prévoit que toute construction sur un terrain est présumée appartenir au propriétaire de ce dernier, sous réserve pour lui de décider soit la démolition du bien, soit sa récupération en indemnisant celui qui l’a fait édifier.
La taxe foncière est un impôt réel apprécié, au 1er janvier de l’année d’imposition, d’après la situation existante, laquelle ne peut reposer sur l’existence d’aléas. Aussi, et comme vient de le rappeler le Conseil d’État dans une décision du 24 février 2017 (n°387972 société H21), en l’absence de clause dans le bail prévoyant le sort des améliorations et constructions du locataire, un tribunal commet une erreur de droit en considérant que le propriétaire du sol devient, dès l’achèvement, redevable de la taxe foncière sur les constructions de son locataire.
Cette décision n’apporte pas une révolution sur la question de la détermination du redevable de la taxe foncière à raison des constructions sur sol d’autrui, mais elle a le mérite de clarifier certaines règles oubliées par les juridictions inférieures.
Elle reprend le principe selon lequel ce sont les clauses du contrat qui vont dicter la solution.
Autrement dit, dès lors qu’aux termes de cette clause, il existe un aléa, tout petit soit-il, que la construction sur sol d’autrui ne revienne pas automatiquement et gratuitement au propriétaire du sol (rien n’interdisant au locataire de démolir sa construction avant l’échéance du bail par exemple), le locataire est redevable de la taxe foncière à raison de sa construction jusqu’à l’expiration du bail.
Au cas d’agencements réalisés dans les bâtiments de son bailleur (immobilisations ne créant pas de surfaces nouvelles), il est nécessaire de s’assurer de son caractère foncier dans un premier temps.
Dans l’affirmative, il faut exclure de l’évaluation ceux de ces agencements qui ne font qu’entretenir et maintenir le bâtiment en l’état sans apporter d’amélioration ou mise aux normes quelconque.
Enfin, si sa prise en compte dans l’évaluation foncière ne fait aucun doute, il convient donc d’examiner la portée des clauses des baux pour déterminer s’il est prévu un retour automatique et sans indemnité. A défaut, le locataire sera redevable de la taxe foncière sur ses agencements.
Rappelons qu’au cas des délégations de services publics, au titre desquelles le délégataire édifie des biens dits de retour, ces derniers sont imposables ab initio chez la personne publique puisque le retour gratuit et automatique des immeubles est la règle.
En conclusion, il est important pour un locataire d’examiner la clause du bail lorsqu’il se lance dans la réalisation de constructions sur sol d’autrui.
Auteur
Laurent Chatel, avocat associé en fiscalité, responsable du service impôts locaux