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Commentaires administratifs sur les agréments relatifs aux restructurations: reçoivent-ils notre agrément?

Commentaires administratifs sur les agréments relatifs aux restructurations: reçoivent-ils notre agrément?

Attendue depuis près d’un an, la mise à jour des commentaires administratifs sur les agréments délivrés pour le bénéfice du régime de faveur des fusions et opérations assimilées a été intégrée dans le BOFiP en janvier dernier.


Pour mémoire, les conditions d’accès au bénéfice du régime de faveur des opérations de restructurations ont été profondément réaménagées pour les opérations réalisées à compter du 1er janvier 2018. En substance, la loi a renforcé la ligne de partage entre le bénéfice de plein droit au régime de faveur pour les apports de branches complètes d’activité ou d’éléments assimilés et, à défaut, le bénéfice du régime sur agrément.

En particulier, la condition de conservation des titres remis en contrepartie d’un apport partiel d’actif pendant une durée de trois ans qui était exigée pour le bénéfice de plein droit est désormais réservée aux seules opérations agréées.

Après avoir commenté les modifications apportées par la réforme aux opérations éligibles de plein droit au régime1, l’administration a publié le 9 janvier dernier ses commentaires concernant les agréments de l’article 210 B du CGI applicables aux apports partiels d’actif et aux scissions (I), et ceux de l’article 115, 2 bis relatifs aux apport-attribution (II).

I. Agréments applicables aux apports partiels d’actif et scissions2

La première partie du BOFiP sur le champ d’application fait référence à une définition traditionnellement restrictive de la branche complète d’activité en refusant sa caractérisation – et donc en exigeant l’agrément – lorsque certains éléments ne sont pas apportés, comme des éléments de passif ou des « éléments de “bas de bilan” »3. Sur ce dernier point, la position de principe de l’administration n’est pas en phase avec une jurisprudence davantage nuancée qui considère que le transfert des créances ou des stocks n’est exigé que s’ils sont indispensables à l’exploitation autonome de l’activité4.

Elle précise également, conformément à la lettre du texte, que les scissions de holdings relèvent de la procédure de l’agrément.

La seconde partie sur les conditions de délivrance de l’agrément est plus fournie.

S’agissant de la première condition posée par l’article 210 B, 3 relative à la justification du « motif économique, se traduisant notamment par l’exercice par la société bénéficiaire de l’apport d’une activité autonome et l’amélioration des structures », on pouvait se demander s’il s’agissait d’une double exigence minimale ou d’une simple illustration de ce que peut être un motif économique valable. L’organisation des développements relatifs à l’autonomie et l’amélioration des structures, mises au même plan que l’engagement obligatoire de conservation des titres en sous-parties du « motif économique », laisse penser que ces conditions sont nécessaires et cumulatives.

Toutefois, l’administration commence par reprendre ses anciens commentaires, par ailleurs déjà étendus à la clause anti-abus, présumant la double exigence satisfaite dans les cas de « regroupement d’une partie des activités de la société apporteuse ou scindée avec les activités semblables ou connexes des sociétés bénéficiaires des apports » et de « rationalisation des conditions d’exploitation des activités commerciales ou industrielles des groupes à travers leurs opérations de restructuration interne ». Relevons que ce second exemple offre une perspective assez large en ce qu’elle permet notamment d’effleurer l’intérêt du groupe.

Pour ce qui est de l’autonomie, on remarquera qu’elle est classiquement appréciée en aval du point de vue de la seule bénéficiaire et qu’elle est caractérisée lorsque l’activité reçue n’est pas « conditionnée par des investissements ou des apports supplémentaires immédiats »5, sans précision sur cette notion nouvelle d’immédiateté. Après l’opération, « la société bénéficiaire de l’apport doit (…) disposer des moyens suffisants pour permettre l’exploitation de l’activité reçue, notamment en termes de personnel »6, ce qui paraît s’opposer à ce que ces moyens se résument par exemple au transfert d’une convention de gestion, à défaut de personnel.

A noter que l’administration s’oppose à l’agrément lorsque la société bénéficiaire supporte un élément de passif non attaché à la branche apportée. En revanche, les apports d’éléments d’actifs, même isolés (fonds de commerce, marques, etc.), peuvent bénéficier de l’agrément lorsqu’ils « concourent efficacement à la création, à l’extension d’une entreprise, et à une réelle amélioration des structures ».

S’agissant précisément du critère de l’amélioration des structures, on notera qu’il n’est spécifiquement envisagé que sous l’angle des apports de titres (lorsque, par hypothèse, ils ne sont pas assimilés à une branche complète)7. Répondent au critère les opérations de simplification d’organigrammes permettant « la constitution de pôles d’activités ».

Pour ce qui est de l’engagement de conservation pendant trois ans des titres remis en contrepartie, l’administration permet, sans surprise, un maintien du régime de faveur si cet engagement est affecté par des restructurations ultérieures sur décision expresse du bureau des agréments. Plus globalement, elle ne rompt pas fondamentalement avec ses commentaires passés sur l’ancien régime général.

II. Agréments applicables aux opérations d’apport-attribution8

Rappelons tout d’abord que les opérations d’apport-attribution requièrent un agrément lorsque l’apport ne porte pas sur une branche complète d’activité ou lorsque la société apporteuse ne dispose pas après l’apport a minima d’une telle branche.

En premier lieu, et conformément à la lettre du texte, l’administration rappelle que les apports comprenant exclusivement des participations, quand bien même seraient-ils assimilés à une branche complète d’activité, doivent être systématiquement soumis à l’agrément.

L’appréciation du motif économique de l’attribution, structurée comme pour les commentaires de l’article 210 B du CGI, est effectuée de manière globalisante, mettant en avant un seul motif économique à l’opération d’apport-attribution prise dans son ensemble. Ainsi, l’administration précise que l’agrément est délivré lorsque « l’apport partiel d’actif et l’attribution » sont justifiés par un motif économique valable, pour les deux sociétés apporteuse et bénéficiaire de l’apport. Elle présume là aussi l’existence d’un tel motif en cas de regroupement des activités de la société apporteuse avec les activités semblables ou connexes de la société bénéficiaire, suivi d’une attribution des titres reçus en rémunération de l’apport « à un holding de tête ou un holding “métier” afin de réunir sous un centre de décision unique »9.

Elle exclut en revanche que l’agrément puisse être attribué en cas d’apport-attribution emportant la séparation des actifs patrimoniaux de l’activité opérationnelle, même si une telle opération peut pourtant reposer sur une motivation économique.

Sur la question de l’autonomie, l’agrément sera refusé si la société apporteuse, après avoir filialisé ses branches complètes, ne détient plus que « des participations non significatives ou d’autres actifs isolés » 10. Il n’est en revanche donné aucune indication sur la façon dont il convient de manier ce critère en cas d’apport-attribution réalisé par une holding pure ou une holding mixte.

L’amélioration des structures est quant à elle encore une fois envisagée sur le plan juridique par la « rationalisation des structures » ou « une organisation de l’organigramme en râteau permettant la constitution de pôles d’activité »11.

Pour ce qui concerne enfin l’engagement de conservation des titres de l’apporteuse et de la bénéficiaire pendant trois ans, l’administration reprend les solutions exprimées pour les scissions agrées en dispensant de l’engagement, sous conditions, les héritiers d’un associé décédé et les FCPE. Il en va de même, exemple à l’appui, en cas de capital émietté de l’apporteuse et de disproportion marquée entre la valeur de la branche apportée et celle de la bénéficiaire, i.e. lorsque l’engagement peut représenter une contrainte juridique trop lourde par rapport à l’assiette fiscale qu’il a pour objet de préserver.

A noter que les associés de la société distributrice devront, qu’ils soient ou non soumis à l’obligation de conservation, être informés de la décision d’agrément, préférablement dans le PV de l’AG décidant de l’attribution.

Enfin, l’administration illustre la condition tenant à l’imposition future des plus-values en sursis d’imposition en excluant de l’agrément les apports de titres par un holding à une société étrangère suivis de l’attribution des titres de cette dernière à des associés non imposables en France, dans la mesure où la masse imposable lui échapperait alors totalement.

Notes

1 Le nouveau BOFiP Fusions : un apport partiel à l’actif de l’administration, Daniel Gutmann et Agathe d’Aubigny, Option Finance n°1484(05/11/2018)
2 BOI-SJ-AGR-20-10, (09/01/2019)
3 BOI précité, n°20
4 CE, 10-6-2013, n°337137 ; Cass. Com.(06/02/1990), n°199 D ; TA Caen (29/03/2011), n°10-1241
5 BOI précité, n°60
6 Idem
7 BOI précité, n°90 et 100
8 BOI-SJ-AGR-20-20, (09/10/2019)
9 BOI précité, n°90
10 BOI précité, n°110
11 BOI précité, n°120

Auteur

Ludovic Duguet, avocat spécialisé en impôts directs

 

Commentaires administratifs sur les agréments relatifs aux restructurations : reçoivent-ils notre agrément ? – Article paru dans le magazine Option Finance le 4 mars 2019