Compte personnel de prévention de la pénibilité : les décrets sont publiés
4 novembre 2014
Plusieurs décrets publiés au JO du 10 octobre 2014 viennent préciser le mode de fonctionnement du «compte personnel de prévention de la pénibilité» instauré par la loi du 20 janvier 2014.
La notion de «pénibilité» a fait son apparition dans le Code du travail à l’occasion de l’entrée en vigueur de la loi du 9 novembre 2010 relative à la réforme des retraites.
Faisant le constat que certaines conditions de travail particulièrement difficiles sont de nature à altérer la santé des salariés, à augmenter le risque d’invalidité et à diminuer leur espérance de vie, le législateur a mis en place plusieurs dispositifs de prévention de la pénibilité au travail (instauration de «fiches d’exposition» retraçant les risques auxquels sont exposés les salariés, obligation dans certaines entreprises de négocier un accord ou d’élaborer un plan d’action contre la pénibilité, etc.).
Dans ce contexte, la loi du 20 janvier 2014 a instauré un nouvel outil, le «compte personnel de prévention de la pénibilité», qui s’appliquera, à partir du 1er janvier 2015, quelle que soit la taille de l’entreprise, à tout salarié de droit privé exposé aux facteurs de risques définis par le Code du travail. Ce compte sera destiné à recevoir des «points», attribués selon les déclarations effectuées chaque année par l’employeur pour tout salarié exposé à la pénibilité. Ces points pourront être utilisés pour financer des formations, pour compenser une réduction de leur temps de travail ou pour bénéficier d’un départ anticipé à la retraite.
Comment les points seront-ils acquis sur le compte ?
Le Code du travail définit trois grands types de facteurs de risques qui doivent être pris en compte pour l’acquisition des points : les «contraintes physiques marquées» (manutentions manuelles, postures pénibles, vibrations mécaniques), certains «rythmes de travail» (travail de nuit, travail en équipes successives alternantes, travail répétitif), ou un «environnement physique agressif» (agents chimiques dangereux, activités exercées en milieu hyperbare, températures extrêmes, bruit).
Le décret n°2014-1159 du 9 octobre 2014 fixe désormais les seuils minimaux d’exposition au-delà desquels l’acquisition de points est possible. Par exemple, le travail sous «températures extrêmes» ne permettra d’acquérir des points qu’en cas d’exposition à une température inférieure ou égale à 5°C ou au moins égale à 30°C, pendant au moins 900 heures par an.
De plus, le décret n°2014-1156 du 9 octobre 2014 précise combien de points peuvent être acquis en fonction de l’âge du salarié et du nombre de facteurs de risques auxquels il a été exposé.
Ainsi, un salarié exposé pendant un an à un seul facteur de risques accumulera 4 points, 8 points s’il est exposé à plusieurs facteurs. Les salariés nés avant le 1er juillet 1956 verront quant à eux leur nombre de points doublé.
Précisons que seuls les facteurs de risques afférents aux rythmes de travail et aux activités exercées en milieu hyperbare permettront d’acquérir des points dès le 1er janvier 2015. Pour les autres facteurs de risques, il faudra attendre le 1er janvier 2016.
Comment les points accumulés pourront-ils être utilisés ?
Le décret n°2014-1156 précise que, sauf pour les salariés nés avant 1962, les 20 premiers points seront réservés au financement d’actions de formation professionnelle continue, en vue d’accéder à un emploi non exposé ou moins exposé. A ce titre, 1 point ouvrira droit à 25 heures de prise en charge de tout ou partie des frais de formation, dans la limite d’un plafond défini par arrêté. Ces heures pourront également être utilisées en période de chômage.
Si le salarié sollicite une réduction de son temps de travail, 10 points ouvriront droit à un complément de rémunération destiné à compenser un passage à mi-temps pendant 3 mois. L’employeur ne pourra refuser cette réduction du temps de travail qu’en démontrant qu’elle est impossible compte tenu de l’activité économique de l’entreprise.
Les salariés âgés de plus de 55 ans pourront demander la liquidation de leur compte pour bénéficier d’un départ anticipé à la retraite : 10 points permettront d’acquérir un trimestre d’assurance.
Qui sera chargé de gérer le compte ?
Le compte personnel sera géré par la CNAVTS et par les caisses chargées du service des prestations de retraite du régime général.
Chaque année, les salariés dont le compte est actif seront informés de leur solde de points.
Les caisses verseront aux organismes concernés (ou à l’employeur, en cas de réduction du temps de travail) les sommes correspondant au nombre de points affectés aux actions souhaitées. Elles seront par ailleurs chargées du contrôle des déclarations de l’employeur concernant l’effectivité et l’ampleur de l’exposition aux risques. En cas de déclaration inexacte, le nombre de points attribués pourra être modifié et l’employeur s’exposera à une pénalité financière.
Comment le nouveau système sera-t-il financé ?
La loi du 20 janvier 2014 a créé un «fonds de financement des droits liés au compte personnel de prévention de la pénibilité » alimenté par deux nouvelles cotisations patronales.
Le décret n°2014-1157 précise que les employeurs dont les salariés entrent dans le champ d’application du compte personnel de prévention de la pénibilité devront s’acquitter d’une cotisation de 0,01% à compter de l’année 2017. La seconde cotisation ne concerne que les employeurs qui ont exposé au moins un de leurs salariés à la pénibilité. En cas d’exposition à un seul facteur de pénibilité, la cotisation s’élèvera à 0,1% pour les années 2015 et 2016 et 0,2% à compter de l’année 2017. En cas d’exposition à plusieurs facteurs, la cotisation sera de 0,2% pour les années 2015 et 2016 et de 0,4% à compter de 2017.
Des salariés plus actifs
Le nouveau dispositif a certes vocation à «compenser» la pénibilité, mais il offre également aux salariés un nouveau rôle dans la prévention, en leur permettant de décider, dans une certaine mesure, des actions qu’ils jugeront les plus appropriées pour réduire leur exposition aux risques.
 Auteurs
Caroline Froger-Michon,avocat en matière de droit social.
Guillemette Peyre, avocat, en matière de droit social.
Article paru dans Les Echos Business le 3 novembre 2014
A lire également
La dette dans les opérations de fusion-acquisition : principes généraux et ap... 6 juillet 2022 | Pascaline Neymond
Vers une représentation des travailleurs de plateformes... 25 juin 2021 | Pascaline Neymond
Recours à des travailleurs indépendants : attention au risque de requalificati... 28 mai 2019 | CMS FL
L’usage de la langue française est-il toujours obligatoire ?... 3 août 2015 | CMS FL
Anticiper le statut collectif applicable à la NewCo... 4 avril 2024 | Pascaline Neymond
PME : que changent les ordonnances Macron ?... 9 novembre 2017 | CMS FL
Exercice par un salarié d’un mandat social dans une filiale : une bonne idée... 19 décembre 2016 | CMS FL
Télétravail à l’étranger : quels enjeux pour les employeurs et les salariÃ... 16 juillet 2021 | Pascaline Neymond
Articles récents
- Rapport de durabilité : la nouvelle obligation de consultation du CSE entre en vigueur le 1er janvier 2025
- Statut de lanceur d’alerte : le Défenseur des droits et la jurisprudence précisent ses contours
- Enquêtes internes : des règles en constante évolution
- Pas de co-emploi sans immixtion dans la gestion économique et sociale de la société : illustration en présence d’une société d’exploitation
- Fixation du plafond de la sécurité sociale pour 2025
- Un salarié licencié pour harcèlement sexuel ne peut se prévaloir du phénomène «#Metoo»
- Régimes de retraite des dirigeants : prestations définies versus actions gratuites
- SMIC : Relèvement du salaire minimum de croissance au 1er novembre 2024
- Inaptitude et reclassement : c’est au salarié qu’il appartient de rapporter la preuve d’une déloyauté de l’employeur
- Conférence – Gestion des fins de carrière : que font les entreprises et quelles solutions à dispositions ?