Concentrations : constitutionnalité des pouvoirs du président de l’Autorité de la concurrence en matière de cession d’actifs
Dans une décision très courte, le Conseil constitutionnel juge conforme à la constitution les dispositions de l’article L. 461-3 du Code de commerce qui autorisent, depuis la loi Macron du 6 août 2015, le président de l’Autorité de la concurrence (ou un vice-président nommé par lui) à prendre seul les décisions de révision ou de mise en œuvre des engagements, injonctions et prescriptions décidés par l’ALC dans le cadre de l’examen approfondi des opérations de concentration (phase II).
A ce titre, rappelons-le, le président peut notamment décider seul d’agréer ou de refuser d’agréer la cession d’un actif conditionnant l’autorisation de la concentration.
La question prioritaire de constitutionalité était posée à l’occasion de la réalisation des engagements pris par la Fnac dans le cadre de la prise de contrôle exclusif de Darty (ADLC 27 juillet 2016 n°16-DCC-111; CE, 1er févr. 2018, n°414654).
Selon la Fnac, en ne garantissant pas que les décisions relatives à la mise en Å“uvre de ces engagements soient prises collégialement, le législateur aurait méconnu l’étendue de sa compétence tirée de l’article 34 de la Constitution (compétence négative) dans des conditions de nature à affecter la liberté d’entreprendre, la liberté contractuelle et le droit de propriété. Par ailleurs, en conférant au président de l’Autorité le pouvoir de décider de manière discrétionnaire de prendre seul ces décisions ou de les renvoyer à une formation collégiale de l’ADLC, l‘article L. 461-3 permettrait de traiter différemment des entreprises se trouvant pourtant dans une situation similaire, en méconnaissance du principe d’égalité devant la loi.
Le Conseil rejette ces griefs :
Tout d’abord, il estime que les dispositions contestées n’instaurent aucune différence de traitement entre les entreprises dans la mesure où « le législateur a entendu assurer l’exécution effective et rapide des décisions de l’Autorité de la concurrence en matière de contrôle des opérations de concentration en permettant à son président, ou à un vice-président, de décider seul lorsque l’affaire ne présente pas de difficultés particulières ou lorsque des exigences de délai le justifient ».
Concernant ensuite le grief tiré de la méconnaissance de la liberté d’entreprendre, le Conseil rappelle classiquement qu’il est loisible au législateur d’apporter des limitations à cette liberté dès lors que celles-ci répondent à des exigences constitutionnelles ou sont justifiées par l’intérêt général, et qu’il n’en résulte aucune atteinte disproportionnée au but recherché.
Or, pour le Conseil, la disposition litigieuse est ici justifiée par le souci d’assurer un « fonctionnement concurrentiel du marché dans un secteur déterminé », ce qui traduit la poursuite d’un objectif d’intérêt général. Par ailleurs, les pouvoirs de décision conférés du président et aux vice-présidents sont enfermés dans le respect des décisions de l’ADLC d’autorisation ou d’interdiction d’une opération de concentration et les intéressés disposent de « garanties statutaires équivalentes » à celles des autres membres de l’ADLC. Enfin, la liberté d’entreprendre n’oblige pas à ce que les décisions en cause soient prises collégialement. En conséquence, les dispositions contestées ne portent dès lors pas d’atteinte disproportionnée à la liberté d’entreprendre au regard de l’objectif poursuivi.
Conseil Constitutionnel décision n°2018-702 QPC du 20 avril 2018
Auteur
Elisabeth Flaicher-Maneval, avocat counsel au sein du département de doctrine juridique