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Condamnation de l’éditeur d’un site Internet pour diffusion de programmes télévisés tiers via des liens profonds

Condamnation de l’éditeur d’un site Internet pour diffusion de programmes télévisés tiers via des liens profonds

Le 2 février 2016 la cour d’appel de Paris a confirmé la condamnation de la société Playmédia prononcée par le tribunal de grande instance (TGI) de Paris en 2014 dans le litige qui l’oppose à France Télévisions (CA Paris, 2 février 2016, 14/20444). Playmédia édite un service de streaming gratuit et sans abonnement sur le site Internet « Playtv.fr », sur lequel les internautes peuvent accéder aux programmes diffusés par les chaînes de télévision françaises.

France Télévisions avait refusé de signer un quelconque accord de diffusion avec Playmédia pour ces programmes, considérant que les titulaires des droits audiovisuels ne lui avaient pas cédé leurs droits pour un tel mode d’exploitation.

En première instance, le TGI de Paris avait accédé à la demande de France Télévisions et condamné Playmédia sur le fondement de la contrefaçon de droits d’auteur et droits voisins.

Confirmation de l’inapplicabilité du régime du must carry

La cour d’appel de Paris confirme la position des juges de première instance considérant que Playmédia ne peut se prévaloir de la qualité de distributeur de services de communication audiovisuelle et ne peut donc pas bénéficier du régime du must carry. Pour rappel, le must carry est l’obligation légale « pour un distributeur de services de communication audiovisuelle de reprendre les chaînes publiques diffusées par voie hertzienne, normalement reçues dans la zone de service ».

En effet, la Cour rappelle notamment qu’au regard de l’article 34-2 I de la loi n°86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, seuls les services sur abonnements sont concernés par cette obligation du must carry. Or, la juridiction constate que les utilisateurs de « Playtv.fr » s’ils doivent procéder à une inscription pour accéder aux contenus, ne souscrivent pour autant aucun abonnement.

La condamnation de Playmédia à verser la somme d’un million d’euros à France Télévisions au titre de la contrefaçon de ses droits d’auteur et de ses droits voisins est alors confirmée.

Nouvelle condamnation pour la diffusion de programmes télévisés par liens profonds

Après sa condamnation par les juges de première instance en 2014, Playmédia a modifié le mode de diffusion des programmes télévisés sur son site Internet en mettant en place, par voie de transclusion, des liens profonds redirigeant les internautes vers les services de replay en ligne des chaînes télévisées. Pour rappel, les liens profonds sont des liens hypertextes qui dirigent vers une page spécifique ou vers toute autre ressource d’un site Internet, autre que sa page d’accueil.

Dans sa décision du 2 février dernier, la cour d’appel de Paris a également sanctionné ce mode d’exploitation sur le fondement de la contrefaçon des droits voisins. Elle considère, à cet égard, que la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne exigeant une « communication à un public nouveau » afin que soit constituée la contrefaçon de droits d’auteur par le biais de liens profonds (CJUE, 13 février 2014, C-466/12, Svensson et CJUE, 21 octobre 2014, C-348/13, Bestwater) ne s’applique pas à la contrefaçon des droits voisins.

Ainsi, même si le site « Playtv.fr » redirige vers des pages librement accessibles au public et qu’il ne communique pas dès lors les œuvres à un public nouveau, la Cour d’appel considère que Playmédia a violé les droits voisins dont est titulaire France Télévisions.

Sur ce fondement, la Cour d’appel interdit à Playmédia d’insérer des liens profonds redirigeant vers le service de replay de France Télévisions et la condamne à verser à France Télévisions la somme de 200 000 euros.

 

Auteurs

Anne-Laure Villedieu, avocat associée en droit de la propriété industrielle, droit de l’informatique, des communications électroniques et protection des données personnelles.

Maxime Hanriot, avocat en droit de la Propriété Intellectuelle et des Nouvelles Technologies.