Condition d’ancienneté pour le bénéfice des ASC : une mise en conformité nécessaire pour éviter les redressements Urssaf
17 septembre 2024
Par un arrêt du 3 avril 2024 (Cass. soc., 3 avril 2024, n°22-16.812), la Cour de cassation a déclaré illicite la condition d’ancienneté posée par un comité social et économique (CSE) pour le bénéfice des activités sociales et culturelles (ASC) mises en place au profit des salariés.
Tirant les conséquences de cette jurisprudence, l’Urssaf, qui jusqu’à présent admettait que ce bénéfice puisse être réservé aux salariés ayant au moins six mois d’ancienneté dans l’entreprise, modifie les conditions requises pour qu’une prestation servie au titre d’une ASC puisse être exonérée de cotisations et de contributions sociales.
La décision du 3 avril 2024 : le bénéfice d’une ASC ne peut être subordonné à une condition d’ancienneté
Dans cette affaire, le CSE d’une entreprise avait décidé de modifier son règlement intérieur concernant les conditions à remplir pour bénéficier d’une ASC afin d’y introduire une condition d’ancienneté de six mois. Un syndicat avait alors saisi le tribunal judiciaire pour contester l’insertion de cette condition. Débouté en première instance puis en appel, le syndicat s’est pourvu en cassation.
Pour censurer la décision des juges du fond, la chambre sociale de la Cour de cassation rappelle tout d’abord que :
-
- aux termes du premier alinéa de l’article L.2312-78 du Code du travail, le CSE assure, contrôle ou participe à la gestion de toutes les activités sociales et culturelles établies dans l’entreprise prioritairement au bénéfice des salariés, de leur famille et des stagiaires, quel qu’en soit le mode de financement ;
-
- aux termes de l’article R.2312-35 du même code, sont énumérées les ASC qui peuvent être établies dans l’entreprise au bénéfice des salariés ou anciens salariés de l’entreprise et de leur famille.
Elle en déduit que, «s’il appartient au comité social et économique de définir ses actions en matière d’activités sociales et culturelles, l’ouverture du droit de l’ensemble des salariés et des stagiaires au sein de l’entreprise à bénéficier des activités sociales et culturelles ne saurait être subordonnée à une condition d’ancienneté».
Ainsi, un salarié qui ne remplirait pas la condition d’ancienneté prescrite par le CSE pour bénéficier d’une ASC peut dorénavant revendiquer, auprès de celui-ci, le bénéfice d’une ASC dont il a été indument privé.
L’alignement de l’Urssaf : la modification des conditions d’exonération des ASC
Les prestations en lien avec les ASC, servies aux salariés, anciens salariés et stagiaires, sont exonérées de cotisations et contributions sociales sous réserve de respecter le principe de non-discrimination.
A cet égard, l’Urssaf admettait jusqu’à présent que la fixation par le CSE d’une condition d’ancienneté dans la limite de six mois pour le bénéfice des ASC ne remettait pas en cause les exonérations (Guide pratique URSSAF CSE 2024, p.5, «CSE – Principes applicables en matière de cotisations sur les prestations»).
Cette position différait de celle du ministère du Travail qui considérait au contraire que «la différence de traitement entre les salariés au regard d’un même avantage doit être fondée sur des raisons objectives et pertinentes, ce qui n’apparaît pas, sous réserve de l’appréciation souveraine des tribunaux, compatible avec des critères en lien avec l’activité professionnelle tels que l’ancienneté ou la présence effective des salariés dans l’entreprise » (Rép. min., JOAN Q n°43931, 6 mai 2014, p.3688).
Tirant les conséquences de la décision de la Cour de cassation du 3 avril 2024, l’Urssaf proscrit désormais, dans une communication en date du 30 juillet 2024, toute condition d’ancienneté pour ouvrir droit aux ASC.
Si les CSE doivent modifier leur politique d’ASC, ils disposent néanmoins d’un délai, accordé par l’URSSAF, courant jusqu’au 31 décembre 2025 pour se mettre en conformité avec les nouvelles règles.
Ainsi, en cas de contrôle pendant ce délai, si une condition d’ancienneté est constatée pour le bénéfice des prestations du CSE, aucun redressement ne devrait être opéré mais il sera demandé au CSE de se mettre en conformité pour l’avenir.
Toutefois, si le guide pratique 2024 sur le CSE a été récemment mis à jour pour tenir compte de cette tolérance, le bulletin officiel de sécurité sociale (BOSS) n’a, quant à lui, pas encore été modifié. Il serait souhaitable que le BOSS reprenne cette tolérance afin d’en garantir l’opposabilité à l’Urssaf.
Le défaut de mise en conformité à l’issue du délai : quelles conséquences ?
A compter du 1er janvier 2026, si la politique du CSE en matière d’ASC prévoit toujours une condition d’ancienneté, un redressement des cotisations et contributions sociales sur les sommes versées à ce titre pourra être opéré par les Urssaf en cas de contrôle.
Soulignons que, dans un tel cas, et bien que la détermination des conditions du bénéfice des ASC relève de la compétence du seul CSE, c’est à l’entreprise contrôlée que sera notifié le redressement et non au CSE.
Néanmoins, lorsque les prestations visées par le redressement ont été accordées aux salariés à la seule initiative du CSE, en dehors de toute intervention de l’employeur, ce dernier peut, s’il le souhaite, se retourner contre le CSE pour lui demander le remboursement du montant des cotisations sociales qu’il aura payées sur ces prestations (Cass. soc., 11 mai 1988, n°85-18.557).
Les entreprises seront d’autant plus légitimes à demander un tel remboursement qu’elles auront, pendant le délai de mise en conformité, alerté le CSE sur la nécessité de modifier ses pratiques s’agissant de la détermination des bénéficiaires des ASC.
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