Conditions de réformation d’un règlement devenu illégal
20 décembre 2017
Le Conseil d’État vient d’apporter des précisions sur les modalités de réformation d’un règlement devenu illégal, dans une situation où l’illégalité procédait de l’évolution des connaissances scientifiques et des informations disponibles (CE, 31 mars 2017, n°393190).
En l’espèce, il s’agissait de l’article R.4222-10 du Code du travail qui fixe des seuils de concentration maximale en poussières présentes dans l’atmosphère. L’article L.4121-1 du même code impose aux autorités publiques chargées de la prévention des risques professionnels de se tenir informées des dangers que peuvent courir les travailleurs dans le cadre de leur activité professionnelle et d’arrêter, « en l’état des connaissances scientifiques et des informations disponibles », au besoin à l’aide d’études ou d’enquêtes complémentaires, les mesures les plus appropriées pour limiter et si possible, éliminer ces dangers. Par une lettre reçue au ministère du Travail le 6 mai 2015, le syndicat FGTE-CFDT soutenait que les valeurs limites de référence d’exposition professionnelle aux poussières alvéolaires présentes dans l’air des locaux à pollution spécifique fixées par ces dispositions réglementaires n’étaient plus, « en l’état des informations et données scientifiques disponibles », suffisantes pour garantir la protection de la santé des travailleurs. Il demandait en conséquence au ministre la modification du texte, devenu illégal par suite de cette évolution des connaissances.
Le ministre n’a pas contesté le caractère désormais inadapté de la norme ; il a cependant expliqué n’avoir pas été en mesure de proposer immédiatement de nouveaux seuils plus pertinents. Plus précisément, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) ayant émis le 8 juin 2015 un rapport concluant à l’existence d’un risque sanitaire respiratoire et cardiovasculaire lié à l’exposition chronique des travailleurs aux particules de l’air de ces lieux de travail et recommandant la révision des valeurs limites d’exposition professionnelle pour les poussières réputées sans effet spécifique, le ministre a, le 18 novembre 2015, demandé à cette agence de formuler des recommandations de nouvelles valeurs limites.
Le Conseil d’État a d’abord complété le considérant de principe Alitalia (cf. CE ass., 3 février 1989, n°74052, Compagnie Alitalia) par une seconde phrase ainsi rédigée : « de même, lorsqu’elle est saisie d’une demande tendant à la réformation d’un règlement illégal, l’autorité compétente est tenue d’y substituer des dispositions de nature à mettre fin à cette illégalité ». Nonobstant cette obligation de modifier la norme réglementaire devenue illégale, la Haute juridiction a rejeté la requête dirigée contre la décision implicite de rejet, au motif qu’il ne ressortait pas du dossier que l’Administration aurait pu être informée, avant le 8 juin 2015, de ce que l’état des connaissances scientifiques et des informations disponibles nécessitait de réviser les valeurs limites de référence fixées à l’article R.4222-10 du Code du travail. Si, par suite, à la date du refus attaqué (le 6 juillet 2015) l’Administration était certes dans l’obligation d’engager la révision de ces valeurs, il n’était pas établi, compte tenu notamment de la technicité de la matière, qu’elle était dès cette date en mesure de fixer de nouvelles valeurs limites de référence. Au demeurant, l’abrogation de la règle devenue illégale n’avait pas été demandée par le requérant.
Il sera intéressant de voir comment se déploie la jurisprudence autour des notions, nullement évidentes à l’ère d’Internet, de « connaissances scientifiques » et d’« informations disponibles », issues du Code du travail, mais dont le Conseil d’État a ainsi rendu l’application générale.
Auteur
Christophe Barthélemy, avocat associé en droit de l’énergie et droit public
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