Confusion ou convergence en matière de distribution d’unités de compte et instruments financiers
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12 mai 2017
On distingue classiquement, dans le champ du droit financier, les services bancaires, d’investissement et d’assurance, chacun étant l’objet d’un corps particulier de règles, notamment en matière de commercialisation.
Si ces corps de règles ont tendance à converger, par exemple au travers du règlement PRIIPS1 couvrant à la fois certains produits d’assurance et certains instruments financiers, on oppose généralement les avancées en matière de services d’investissement à celles intervenues en matière de produits d’assurance. Ainsi, alors que la directive MIF 2 prévoit un régime de conseil dit « indépendant » interdisant la perception d’incitations2, la directive intermédiation3 n’envisage l’interdiction des rétrocessions que comme une faculté pouvant ou non être exercée par les Etats membres.
Cela étant, la jurisprudence française tend à faire une application extensive des obligations des établissements financiers, de sorte que certaines obligations propres au domaine des services d’investissement sont étendues, de fait, au secteur de l’assurance. Il en est ainsi dans une décision rendue par la Cour de cassation le 22 mars 20174 concernant un contrat d’assurance-vie. Alors que les juges du fond avaient considéré que le souscripteur avait été valablement informé par sa banque de la nature de son engagement grâce à la note d’information qui lui avait été remise, la décision est censurée au double visa de l’article 1147 du code civil et de l’article 58 de la loi n°96-597 (dite « Loi MAF »). Il leur est reproché de ne pas avoir recherché si la banque avait respecté « son obligation de vérification de l’expérience de sa cliente en matière d’investissement et du caractère approprié du produit financier souscrit aux objectifs de celle-ci ».
La décision peut surprendre en ce que la Cour motive son arrêt sur la base d’un texte applicable aux prestataires de services d’investissement (et donc aux banques) en matière de services d’investissement et non en matière d’assurance. Ce qui est encore plus surprenant est la référence « au caractère approprié du produit », une notion absente de l’article 58 de la Loi MAF comme du régime pré-directive intermédiation en matière de produits d’assurance mais qui a été intégrée au régime actuel5 et futur en matière de services d’investissement.
On savait déjà, l’AMF l’ayant rappelé, que les règles de bonne conduite applicables à un conseiller en investissements financiers s’appliquent, conformément aux dispositions de l’article L. 541-8-1 du CMF6, à l’ensemble des services de conseil entrant dans le champ de l’article L. 541-1 du même code, ce compris en matière de gestion de patrimoine et non pas seulement en matière de conseil en investissement sur instruments financiers.
Dans sa décision de mars 2017, la Cour de cassation va bien au-delà en fondant la solution sur des notions relevant d’un champ autre que celui de l’assurance. Si les circonstances de l’espèce peuvent expliquer l’approche extensive prônée par la Haute juridiction, on peut voir aussi dans cette décision l’expression d’une volonté d’appliquer les mêmes critères d’analyse aux prestations de conseil en matière de placement financier, quels qu’en soient leur support. Selon cet angle d’interprétation, la décision de la Cour ne serait pas surprenante mais, au contraire, participerait à rendre effectif le « level playing field » du droit de la distribution des produits financiers.
Notes
1 Règlement 1286/2014/UE
2 Article 24.7 de la Directive 2014/65/UE
3 Article 29.3 de la Directive 2016/97/UE
4 Cour de cassation, Ch. Com., 22 mars 2017, N°15-21817
5 Article L. 533-13 du code monétaire et financier
6 Décision du 9 juillet 2015 de la Commission des sanctions de l’AMF
Auteur
Jérôme Sutour, avocat associé, responsable Services Financiers.
Confusion ou convergence en matière de distribution d’unités de compte et instruments financiers – Analyse juridique parue dans le magazine Option Finance le 2 mai 2017
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