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Congés payés acquis et accident du travail antérieurs à la loi : premier éclairage de la Cour de cassation

Congés payés acquis et accident du travail antérieurs à la loi : premier éclairage de la Cour de cassation

Le 13 septembre 2023, la Cour de cassation créait un véritable séisme en écartant, sur le fondement de l’article 31§2 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, tel qu’interprété par la CJUE, les dispositions du droit national qui excluaient l’acquisition de congés payés en cas d’arrêt de travail pour maladie ou accident et limitait à un an l’acquisition de congés payés en cas d’arrêt de travail pour accident du travail ou maladie professionnelle.

 

Par la loi n° 2024-364 du 22 avril 2024, le législateur est intervenu pour mettre le droit français en conformité avec les dispositions du droit européen et limiter la portée de cette jurisprudence compte tenu de son caractère rétroactif au 1er décembre 2009, pour les arrêts de travail antérieurs à l’entrée en vigueur de la loi.

 

Pour les arrêts de travail antérieurs à son entrée en vigueur, la loi énumère celles de ses dispositions qui ont une portée rétroactive. Les dispositions qui prévoient l’acquisition de congés payés sans limitation de durée pour les salariés en arrêt de travail pour accident du travail ou maladie professionnelle ne figurent pas parmi les dispositions de la loi qui ont une portée rétroactive.

 

Par une décision rendue le 2 octobre 2024 (n°23-14.806), la Cour de cassation confirme en tous points sa jurisprudence du 13 septembre 2023 et donne un premier éclairage sur les conséquences de l’absence de rétroactivité des nouvelles dispositions légales prévoyant l’acquisition de congés payés sans limitation de durée pour les salariés en arrêt de travail pour accident du travail ou maladie professionnelle.

 

Le litige et sa solution

 

Dans cette affaire, une salariée avait été placée en arrêt de travail pour maladie non professionnelle du 10 novembre 2014 au 30 décembre 2014, puis pour accident du travail du 31 décembre 2014 au 13 novembre 2016 et, à nouveau, pour maladie non professionnelle du 19 novembre 2016 au 17 novembre 2019. Elle avait été licenciée pour inaptitude en 2020.

 

Contestant le montant de l’indemnité compensatrice de congés payés versée par l’employeur qui se limitait aux cinq semaines de congés payés acquis dans la limite d’un an au titre de son arrêt de travail pour accident du travail, la salariée a saisi le conseil de prud’hommes aux fins d’obtenir, sur le fondement de la directive 2003/88/CE, un rappel d’indemnités de congés payés de quatre semaines pendant toute la durée de la suspension de son contrat de travail.

 

Pour débouter la salariée de sa demande, la cour d’appel a retenu :

 

    • qu’une directive ne peut donner lieu à une interprétation contra legem ;

 

    • et qu’il ne peut être soutenu, comme le fait la salariée, que le droit à un congé annuel de quatre semaines doit bénéficier à tout travailleur quelle que soit sa situation, et notamment lorsqu’il a été en congé maladie pendant plusieurs années, puisqu’il serait alors détourné de sa finalité qui est de se reposer et de disposer d’une période de détente et de loisirs dans un souci de protection efficace de sa sécurité et de sa santé

 

La salariée s’étant pourvue en cassation, la Cour de cassation, statuant au regard des dispositions du Code du travail applicable avant l’entrée en vigueur de la loi du 22 avril 2024, censure la décision des juges du fond.

 

La Cour rappelle tout d’abord que « le litige opposant un bénéficiaire du droit à congé à un employeur ayant la qualité de particulier, il incombe au juge national d’assurer, dans le cadre de ses compétences, la protection juridique découlant de l’article 31, paragraphe 2, de la Charte et de garantir le plein effet de celui-ci en laissant au besoin inappliquée ladite réglementation nationale ».

 

Elle décide ensuite « qu’il convient en conséquence, d’une part, d’écarter partiellement l’application des dispositions de l’article L. 3141-3 du code du travail en ce qu’elles subordonnent à l’exécution d’un travail effectif l’acquisition de droits à congé payé par un salarié dont le contrat de travail est suspendu par l’effet d’un arrêt de travail pour cause de maladie non professionnelle, d’autre part, d’écarter partiellement l’application des dispositions de l’article L.3141-5 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2024-364 du 22 avril 2024, en ce qu’elles limitent à une durée ininterrompue d’un an les périodes de suspension du contrat de travail pour cause d’accident du travail ou de maladie professionnelle assimilées à du temps de travail effectif pendant lesquelles le salarié peut acquérir des droits à congé payé et de juger que le salarié peut prétendre à ses droits à congé payé au titre de cette période en application des dispositions des articles L. 3141-3 et L. 3141-9 du code du travail ».

 

Par cette décision, la Cour de cassation confirme sa jurisprudence du 13 septembre 2023 notamment en ce qu’elle a décidé que les dispositions de l’article L.3141-5, 5°, du Code du travail, dans leur rédaction en vigueur avant l’entrée en vigueur de la loi, sont contraires à l’article 31§2 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne tel qu’interprété par la CJUE.

 

Les enseignements de la décision

 

Cette décision apporte un premier enseignement sur les règles applicables aux litiges ayant donné lieu à une décision de cour d’appel avant l’entrée en vigueur de la loi du 22 avril 2024, lorsqu’ils sont portés devant la Cour de cassation.

 

En effet, bien que la loi du 22 avril 2024 ait entendu donner une portée rétroactive à certaines de ses dispositions, la décision du 2 octobre 2024 est rendue au visa des dispositions du Code du travail applicables avant son entrée en vigueur.

 

En effet, ainsi que le rappelle le conseiller rapporteur, « à hauteur de cassation, les règles applicables restent celles qui étaient en vigueur lorsque la cour d’appel a statué ».

 

Ainsi, la loi nouvelle ne peut s’appliquer pour la première fois devant la Cour de cassation ce qui lui interdit d’opérer son contrôle sur le fondement de ses dispositions, quand bien même celles-ci seraient applicables aux faits de l’espèce du fait de leur caractère rétroactif. Néanmoins, il appartiendra à la juridiction de renvoi d’appliquer au litige les dispositions de la loi nouvelle.

 

Par ailleurs, tout en reconnaissant l’absence de caractère rétroactif des dispositions de la loi du 22 avril 2024 accordant un droit à congés payés sans limitation de durée aux salariés en arrêt de travail pour accident du travail ou maladie professionnelle, la Cour décide qu’il convient néanmoins d’écarter la limite d’un an à l’acquisition de congés payés pendant un arrêt de travail pour accident du travail ou maladie professionnelle en s’appuyant sur l’article 31§2 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

 

Par cette décision la Cour reconnait donc que, malgré l’absence d’effet rétroactif de la loi sur ce point, les salariés peuvent, sur le fondement du droit européen, revendiquer l’acquisition de congés payés sans limitation de durée en cas d’arrêt de travail pour accident du travail ou maladie professionnelle durant la période courant du 1er décembre 2009 à l’entrée en vigueur de la loi.

 

S’agissant d’un droit à congés payés reconnu sur le fondement du droit européen, les salariés ne devraient cependant pas pouvoir revendiquer, conformément au droit de l’Union, plus de quatre semaines de congés payés par période de référence au titre des arrêts de travail antérieurs à l’entrée en vigueur de la loi du 22 avril 2024. Il appartiendra à la Cour d’appel de renvoi de se prononcer sur ce point.

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