Consultations périodiques et ponctuelles du CSE : indépendance des consultations !
4 octobre 2022
Par un arrêt de principe du 21 septembre 2022 (Cass. soc., 21 septembre 2022, n°20-23.660), la Cour de cassation a jugé que la consultation sur les orientations stratégiques de l’entreprise et les consultations ponctuelles sur des modifications de l’organisation économique ou juridique sont indépendantes.
L’arrêt de la Cour de cassation
Dans cette affaire, un organisme de gestion d’un établissement catholique (OGEC), a informé le 18 mars 2020 le comité social et économique du projet de procéder à la rentrée du mois de septembre 2020 à la fermeture du lycée professionnel du paysage et de l’environnement et à la résiliation du contrat d’association correspondant avec le ministère de l’Agriculture. Une réunion de consultation du comité sur les orientations stratégiques a, par ailleurs, eu lieu le 24 mars 2020.
L’OGEC faisait grief à l’arrêt d’avoir ordonné la suspension de la consultation sur la résiliation du contrat, avec le ministère de l’Agriculture jusqu’à la clôture de celle sur les orientations stratégiques, en estimant que la fermeture du lycée professionnel du paysage et de l’environnement était un choix stratégique.
La Cour de cassation lui donne satisfaction en estimant, «que la consultation ponctuelle sur la modification de l’organisation économique ou juridique, de l’entreprise ou en cas de restructuration et compression des effectifs n’est pas subordonnée au respect préalable par l’employeur de l’obligation de consulter le comité social et économique sur les orientations stratégiques de l’entreprise.»
La consécration d’une jurisprudence des juges du fond
Cet arrêt de principe vient consacrer la jurisprudence des cours d’appel et du TGI de Créteil : trois juridictions s’étaient en effet prononcées dans le même sens sur cette question.
Dans une première affaire, la cour d’appel de Paris avait ainsi jugé «que la consultation sur les orientations stratégiques est indépendante de toute consultation portant, comme en l’espèce, sur un projet ponctuel de réorganisation d’un service support de l’entreprise, la DSI» (CA de Paris, 3 mai 2018, n° 17/09307).
Et la Cour de notamment relever que :
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- «l’employeur n’est pas tenu d’attendre l’échéance d’une des trois consultations annuelles obligatoires, ni d’anticiper la consultation par rapport à sa périodicité habituelle ou conventionnelle, ou de la réitérer, si celle-ci a eu lieu ;
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- il n’est pas prévu de primauté ou même de hiérarchisation, non seulement entre ces différentes consultations, mais encore avec celle qui doit être mise en œuvre l’occasion d’un projet ponctuel, lequel doit de toute façon faire l’objet d’une consultation immédiate du comité d’entreprise ;
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- l’employeur conserve une entière, liberté de soumettre tout projet ponctuel, qui n’est pas la mise en œuvre ou la déclinaison d’une stratégie générale prédéfinie, à la consultation du comité d’entreprise, dès le moment où son objet lui apparaît suffisamment déterminé pour que son adoption ait une incidence sur l’organisation, la gestion et la marche de l’entreprise.»
La seconde affaire est l’arrêt du tribunal de grande instance de Créteil du 5 juillet 2018 (TGI de Créteil, ordonnance de référé, n° 18/00733).
Dans cette affaire, le comité d’entreprise d’une société, qui était défendue par le Cabinet, avait été informé et consulté sur la cession de l’ensemble de ses titres à un autre groupe.
Le comité d’entreprise demandait au juge des référés de suspendre la procédure d’information-consultation relative au projet de cession litigieux jusqu’à la justification de la mise en œuvre régulière et préalable de l’information-consultation du comité d’entreprise sur les orientations stratégiques de l’entreprise.
Le Tribunal de grande instance a rejeté cette argumentation, en relevant «qu’aucune règle de droit positif n’oblige l’employeur à consulter le comité d’entreprise au titre des orientations stratégiques avant d’engager ou d’achever la consultation sur un projet ponctuel.»
Le dernier arrêt est un arrêt de la cour d’appel de Versailles du 12 juillet 2018 (CA de Versailles, 12 juillet 2018, n° 18/04069).
Dans cette affaire, une société, qui était également défendue par le Cabinet, a engagé, le 18 octobre 2017, une procédure de restructuration susceptible d’entraîner la suppression d’une centaine de postes. Cette procédure s’est traduite par un accord portant PSE, signé par l’ensemble des organisations syndicales représentatives au sein de l’entreprise et validé par la DIRECCTE.
Parallèlement à cette procédure de licenciement économique, la société a conduit la consultation annuelle sur les orientations stratégiques qui s’est déroulée du 26 octobre 2017 au 29 janvier 2018, le comité d’entreprise ayant recours à un expert.
Arguant de l’insuffisance des informations transmises à l’expert, le comité central d’entreprise, a saisi le juge des référés de Nanterre pour lui demander d’ordonner la communication à l’expert des informations demandées et la suspension de la procédure de licenciement tant que la consultation sur les orientations stratégiques n’aura pas été achevée.
La Cour d’appel a censuré l’ordonnance de référé de Nanterre sur un double terrain :
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- sur le terrain de la compétence, après avoir cité le texte de l’article L. 1235-7-1 du Code du travail, elle en a déduit que «par suite échappent désormais à la juridiction judiciaire les litiges limitativement énumérés par ce texte relatifs à l’accord collectif, au document unilatéral établi par l’employeur, au contenu du plan, aux décisions de l’administration statuant sur les demandes d’injonction ou à la régularité de la procédure de licenciement collectif.» Elle a donc déclaré le déclinatoire de compétence recevable et fondé et la juridiction judiciaire incompétente pour connaître de la demande de suspension du PSE et de ses mesures ;
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- sur le terrain du lien avec les orientations stratégiques, elle a jugé que «sous le couvert d’une violation de la procédure d’information-consultation sur les orientations stratégiques, dont le contrôle relève effectivement du judiciaire, le comité central d’entreprises forme une demande qui ne tend en réalité qu’à remettre en cause l’accord exécutoire validé par les autorités administratives portant PSE et à en suspendre les effets». Ce faisant elle a écarté tout lien entre la procédure de consultation sur les orientations stratégiques et la procédure de PSE et toute possibilité d’extension de la compétence judiciaire sur ce fondement.
Dans ce contexte, l’arrêt de la Cour de cassation vient mettre un terme définitif à une controverse juridique qui a fait long feu et consacrer l’indépendance de la consultation sur les orientations stratégiques et des consultations ponctuelles.
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