Contrat à durée déterminée excluant toute tacite reconduction : son non renouvellement n’est pas nécessairement exempt de brutalité
La Cour de cassation rappelle que la notion de relations commerciales établies dépasse la notion formelle de contrat et peut être constituée d’une succession de contrats à durée déterminée ayant un objet similaire (Cass. Com, 23 juin 2015, n°14-14.687).
La Cour s’était déjà prononcée sur cette question notamment au sujet de la succession de contrats de sous-traitance indépendants. Elle avait affirmé que lorsqu’une succession « crée une relation commerciale régulière, significative et stable entre les parties, elle caractérise une relation commerciale établie » (Cass. Com, 20 mars 2012, n°10-26.220).
Dans l’affaire tranchée par la Cour en 2015, les parties avaient conclu des contrats de « mandat-gérance » à durée déterminée d’un an pour l’exploitation de différents fonds de commerce. Ces contrats excluaient toute reconduction tacite. De ce fait, depuis le premier contrat signé le 1er avril 2008, un nouveau contrat était systématiquement signé entre les parties une fois le précédent arrivé à échéance et ce jusqu’au 30 septembre 2013.
En août 2013, le mandant a averti son mandataire que leur relation prendrait fin à l’échéance prévue dans le contrat, soit en respectant le préavis contractuellement prévu d’un mois. Ce dernier a alors reproché au mandant la rupture brutale de leur relation commerciale au titre de l’article L.442-6-I 5° du Code de commerce.
En référé, la cour d’appel (CA Paris, 5 février 2014) avait donné raison au mandataire en lui accordant la poursuite des relations commerciales pour une durée de six mois. Le mandant avait alors formé un pourvoi en cassation aux motifs que la relation commerciale ne pouvait être établie sur la base de contrats à durée déterminée qui, quoique conclus successivement pendant plusieurs années, excluaient expressément la tacite reconduction.
La Cour de cassation a rejeté ce pourvoi après avoir constaté qu’un nouveau contrat était conclu dès la cessation du précédent, sans difficulté depuis six ans et considéré que, compte tenu « de leurs pratiques antérieures, du chiffre d’affaires significatif et exclusif généré par la relation », le mandataire « était légitimement en droit de s’attendre à la signature d’un nouveau contrat à l’échéance du précédent« , quand bien même la tacite reconduction de ce dernier était exclue.
Auteur
Francine Van Doorne, Avocat-counsel, spécialisée en droit commercial et droit de la distribution