Contrats responsables : vigilance sur la période transitoire
23 juin 2015
Les contrats frais de santé conclus depuis le 1er avril dernier par les employeurs au profit de leurs salariés doivent en principe respecter les nouvelles règles des contrats «responsables». Pour les régimes collectifs d’entreprise institués avant le 9 août 2014 le législateur a cependant institué une période transitoire, mais sous réserve de respecter certaines conditions très strictes. La vigilance s’impose.
Règles d’entrée en vigueur de la réforme des contrats «responsables»
Pour rappel, le nouveau dispositif vient notamment limiter la prise en charge des lunettes par les organismes complémentaires et plafonner les remboursements des dépassements d’honoraires effectués par les médecins non conventionnés. La non-conformité de la couverture à ces nouvelles règles a pour conséquence la réintégration des contributions patronales versées dans l’assiette des cotisations de sécurité sociale, la non-déductibilité fiscale des contributions du salarié et le taux de la taxe sur les conventions d’assurance est porté à 14% au lieu de 7% pour les organismes qui proposent de tels contrats.
L’article 14 de la loi n°2014-892 de la loi de financement rectificative de la sécurité sociale a toutefois prévu une période transitoire pour l’application de ces règles. En effet, le principe est que ces dispositions entreront en vigueur «pour les contrats, les bulletins d’adhésion ou les règlements conclus, souscrits ou renouvelés à compter du 1er avril 2015».
Cependant, pour les contrats collectifs à adhésion obligatoire souscrits en application d’un acte mentionné à l’article L.911-1 du Code de la sécurité sociale (accord collectif, accord référendaire ou décision unilatérale de l’employeur) antérieur au 9 août 2014, date d’entrée en vigueur de la loi susvisée, une période transitoire est instituée. Selon les termes de la loi, pour les contrats en cours au 9 août 2014, les nouvelles règles s’appliqueront à compter de «l’entrée en vigueur de la prochaine modification» des actes de droit du travail mentionnés à l’article L.911-1 du Code de la sécurité sociale et avec une date butoir fixée au 31 décembre 2017.
Selon une lecture littérale de ce texte, c’est « l’entrée en vigueur » de la modification des actes de droit du travail mentionnés à l’article L.911-1 du Code de la sécurité sociale qui est à prendre en compte pour apprécier la sortie de la période transitoire.
Toutefois, une circulaire de la Direction de la sécurité sociale n°DSS/SD2A/SD3C/SD5D/2015/30 du 30 janvier 2015 est venue apporter des précisions importantes et sur le régime de la période transitoire et notamment des assouplissements par rapport à la loi.
Notons que cette circulaire a été publiée au bulletin officiel du Ministère, de sorte qu’elle est opposable à l’URSSAF au regard de l’article L.243-6-2 du même code.
Des assouplissements importants apportés par la Direction de la sécurité sociale concernant la date de modification
Selon la circulaire précitée, en l’absence de modification de l’accord ou de la décision unilatérale après le 18 novembre 2014, le régime transitoire est applicable jusqu’au 31 décembre 2017. En revanche, si l’accord ou la décision unilatérale est considéré comme ayant été modifié entre le 19 novembre 2014 et le 1er avril 2015, alors il convient de lui appliquer le nouveau cahier des charges à la date de renouvellement du contrat d’assurance ou jusqu’à la prochaine échéance de celui-ci, le plus souvent fixée au 1er janvier de l’année suivante.
Mais une interprétation stricte de la notion de «modification»
Dans sa circulaire du 30 janvier 2015, l’administration de la sécurité sociale retient une interprétation stricte de la notion de la notion de «modification» des accords ou décisions unilatérale.
Selon l’Administration, il s’agit de toute modification de l’accord ou de la décision unilatérale, peu important son objet, sa nature, son ampleur et notamment les mises en conformité liées à l’évolution de la réglementation (par exemple adaptation aux nouvelles règles relatives à la portabilité des droits en matière de frais de santé ou celles relatives aux catégories objectives). On peut en déduire qu’en revanche, une modification du seul contrat d’assurance n’entraîne aucune conséquence sur la période transitoire.
Pour les modifications de cotisations, tout dépend si l’accord ou la décision unilatérale a prévu les règles en cas d’évolution des cotisations. Dans l’affirmative, cette modification ne nécessitera pas un avenant et en conséquence la période transitoire ne sera pas remise en cause. En revanche, dans le cas contraire, la période transitoire prendra fin.
L’Administration précise toutefois que dans le cas où les dispositions relatives à la couverture complémentaire santé sont incluses dans une convention collective ou dans un accord collectif qui concernent également d’autres champs que la santé (prévoyance, salaire ou classifications par exemple), les modifications de la convention collective ou de l’accord qui n’impactent pas la protection complémentaire santé ne remettent pas en cause la période transitoire.
Ensuite, la direction de la Sécurité sociale a prévu la situation des entreprises modifient leur accord ou leur décision unilatérale pour se conformer au régime frais de santé de la branche professionnelle alors que celui-ci ne répond pas aux exigences du nouveau cahier des charges des contrats responsables. Dans ce cas, il est fait exception à la règle selon laquelle toute modification de l’acte visé par l’article L.911-1 du Code de la sécurité sociale emporte une sortie de la période transitoire.
Des difficultés d’application
On pourrait s’interroger sur le sort réservé à un accord signé, par exemple, le 1er septembre 2014 et dont l’entrée en vigueur est prévue pour le 1er janvier 2015. Dans cette hypothèse, il nous apparait difficile d’envisager une mise en conformité avec le cahier des charges des contrats responsables dans la mesure où celui-ci a été déterminé par décret postérieurement à la date de signature de l’accord. Dans l’objectif de prévenir tout contentieux, des précisions sur ce point seraient utiles.
On peut regretter également que la direction de la Sécurité sociale n’ait pas admis, comme elle l’avait fait pour la période transitoire relative à la loi «Fillon» du 21 août 2003, qu’une simple mise en conformité avec la réglementation n’entraîne pas la sortie de la période transitoire. En effet, un certain nombre d’entreprises vont devoir appliquer de manière anticipée les nouvelles règles du simple fait de se conformer aux nouvelles règles d’exonération fixées par le décret du 9 janvier 2012, ou à celles relatives à la portabilité. Ce sera également le cas si elles doivent adapter leurs garanties au panier de soin minimum de la généralisation de la complémentaire santé, excepté si dans leur accord ou décision unilatérale il était prévu que les garanties pouvaient être modifiées sans qu’un avenant à ces actes soit nécessaire.
Auteur
Florence Duprat-Cerri, avocat en droit social.
*Contrats responsables : vigilance sur la période transitoire* – Article paru dans Les Echos Business le 22 juin 2015
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